Entre l’annulation du concert du rappeur Black M prévu pour les cérémonies de commémoration de la 1ère guerre mondiale, l’annulation du concert de Médine au Bataclan, l’indignation du père d’une victime du Bataclan et un appel au meurtre de « blancs », quel est le point commun ? Pour de nombreux médias, à chaque fois, c’est l’« extrême-droite » qui est en embuscade.
Black M à Verdun : défaite en rase campagne
En 2016, le rappeur Black M devait se produire à l’occasion d’un concert en hommage aux victimes de la guerre 14–18, à Verdun. L’idée de la mairie organisant l’événement était d’attirer des jeunes à cette commémoration.
Peu importe que le rappeur chante dans « Dans ma rue, les youpins s’éclatent et font les magasins ». Dans une autre chanson, ce sont les non musulmans qui sont mis en accusation « Je me sens coupable quand je vois ce que vous a fait ce pays de kouffars (les mécréants en arabe NDLR) ». Un autre membre du groupe, Maître Gims, chante des paroles loin d’être pacifiques : « Je crois qu’il est grand temps que les pédés périssent. Coupe-leur le pénis, laisse-les morts, retrouvés sur le périphérique ».
A lire ces extraits de chansons, était-ce une si bonne idée d’honorer les « poilus » avec de telles paroles ? La question se pose. Le concert a été annulé. Non sans polémique.
Pour Le Parisien, « l’extrême droite se déchaine ». Le Monde estime que « sous la pression de l’extrême-droite, la mairie a annulé le concert du rappeur lors des commémorations de la bataille de Verdun ». France Info donne la parole au rappeur qui dénonce « une polémique incompréhensible et inquiétante ». La radio publique relaie amplement les réactions outragées de personnalités de gauche à l’annulation du concert. Pour France 24, on assiste à une « polémique alimentée par l’extrême droite ». Selon Le Figaro le 21 septembre, « le site identitaire « Français de souche », rapidement suivi par des élus frontistes et LR (ont remis) en question la présence de Black M aux commémorations de la bataille de Verdun ».
On en oublierait presque qu’à l’origine de l’annulation du concert, on trouvait des paroles plus que choquantes qui auraient pu être chantées sur l’estrade prévu pour une commémoration de Français tombés pour le pays.
Médine au Bataclan
Le rappeur était programmé dans la salle parisienne les 19 et 20 octobre 2018. Certains extraits de ses chansons sont éloquents : « Je porte la barbe, j’suis de mauvais poil, Porte le voile, t’es dans de beaux draps, Crucifions les laïcards comme à Golgotha. Le polygame vaut bien mieux que l’ami Strauss-Kahn […]. Si j’applique la Charia les voleurs pourront plus faire de main courante […]. J’suis une Djellaba à la journée de la jupe, Islamo-caillera, c’est ma prière de rue […] j’mets des fatwas sur la tête des cons […]. Je me suffis d’Allah, pas besoin qu’on me laïcise ». etc…
Le Bataclan, c’est cette salle où ont été abattus de sang-froid 132 parisiens un soir de l’automne 2015. Un massacre revendiqué par l’État Islamique, le Bataclan étant désigné comme le lieu « où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité », nous apprend Chartsinfrance.
Mais ce qui pose problème ne semble pas être tant la tenue du concert d’un rappeur aux textes pour le moins équivoques que la manipulation de l’extrême droite.
Pour Streetpress, « Médine annule ses concerts au Bataclan à la suite de pressions venues de l’extrême droite ». Le Monde fait une comparaison avec l’annulation du concert du rappeur Black M prévu en marge des commémorations de la bataille de Verdun : la « fachosphère » est en embuscade.
Dans la continuité, LCI nous informe que « le rappeur Médine accuse l’extrême droite “d’instrumentaliser la douleur des victimes” du Bataclan ».
Le père d’une victime du Bataclan s’exprime : il est « sur le chemin de la haine »
On se souvient qu’après l’attentat du Bataclan, le conjoint d’une victime a écrit un livre intitulé « Vous n’aurez pas ma haine ». Ce livre, qui a été encensé par la critique médiatique, exprimait la volonté de ne pas se laisser aller à des sentiments de vengeance.
La démarche du père d’une victime visant à faire annuler le concert de Médine au Bataclan n’a pas bénéficié du même concert de louanges dans les médias. Patrick Jardin, qui a perdu sa fille lors des attentats, est selon Le Monde « sur le chemin de la haine ». Pour Claude Askolovitch, « il s’abandonne à la haine et devient un personnage de l’extrême droite ».
Son tort ? Avoir déclaré « Moi, j’ai la haine » face à l’absence de réactions qui devraient être évidentes. Une « haine » prise malhonnêtement dans son sens littéral et non argotique. P. Jardin est aussi coupable d’avoir participé à une action collective visant à l’annulation du concert du rappeur. Il a contacté différents partis politiques de droite et de gauche pour qu’ils l’aident dans son combat. Seuls ceux de droite lui ont répondu. Certains peuvent le regretter, mais c’est comme ça. P. Jardin était présent à un meeting organisé par Nicolas Dupont-Aignan le 24 septembre. Pour le journaliste du Monde, « Il reste profondément meurtri et apparaît de plus en plus souvent dans les sphères de l’extrême droite » (sic).
Nick Conrad appelle au meurtre : encore une manipulation de l’extrême-droite
Un rappeur parle dans une de ses chansons « de tuer des bébés blancs ». « Attrapez-les vite et pendez leurs parents, écartelez-les pour passer le temps, divertir les enfants noirs de tout âge, petits et grands ». Simples appels au meurtre entre amis…
Mais pour certains médias, là n’est pas le problème. Ainsi, pour France Soir, au sujet de la chanson de Nick Conrad, « l’extrême droite (est) maîtresse dans l’art de créer la polémique ». France Info donne la parole au Président de SOS Racisme « C’est l’extrême droite qui en a fait la promotion ». Pour Agoravox, le rappeur est « l’idiot utile de l’extrême-droite ».
« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt ». Quel meilleur moyen pour brouiller la dénonciation de paroles souvent ignobles que de pointer un doigt accusateur vers ceux qui les dénoncent ? Pour certains journalistes, il y a une indignation légitime et saine, celle venant de la gauche libérale libertaire décrite dans l’opuscule de Stéphane Hessel « Indignez– vous ! ».
Il y a de l’autre côté une indignation qui est forcément manipulatrice et parfois haineuse, non par son contenu mais en raison du camp d’où elle provient. Le fait que l’indignation ne vienne pas de la gauche suffirait à lui ôter toute légitimité et il faudrait dans ce cas chercher – avant toute analyse critique du fond de l’affaire – des traces de manipulation et d’instrumentalisation. Comme si l’indignation ne pouvait venir que d’un bord ou d’un camp, celui du bien auto-proclamé. Et si, pour une fois, on laissait les lecteurs se faire leur idée par eux-mêmes sans passer par le prisme déformant des médias dominants ?