En France, le parti des médias politiquement corrects panique vite. Il suffit même parfois d’un dîner en ville ou d’une invitation à une table ronde du MEDEF pour qu’une épidémie d’accidents cardiovasculaires menace les salles de rédaction. C’est ce qui arrivé fin juin 2019.
Que les médias français soient peu indépendants, tant économiquement qu’idéologiquement, la preuve n’est plus à produire. C’est un fait dont parlent nombre de journaux étrangers, ainsi le londonien The Spectator dans son édition du 27 mai 2019, au sujet des élections Européennes :
« La flagornerie et la lâcheté de nombreux médias français et des propres courtisans de Macron sont bien connues, mais les contorsions auxquelles ils se sont livrés pour défendre le président sont vraiment exceptionnelles (…) Cette volonté [de BFM] d’ignorer la défaite du président s’est rapidement propagée à d’autres médias parisiens proches de l’élite (…) Tout cela est ridicule. Le président a perdu les élections (…) C’est seulement dans les médias français que sa défaite sur tous les fronts est passée inaperçue ».
Normal, d’une certaine manière : ces médias sont entre les mains de peu de groupes ayant des intérêts communs à défendre, intérêts qui rejoignent l’idéologie au pouvoir dans les bureaux des principaux médias : gloire à « la société ouverte » en tous les domaines, mais surtout entre potes. Tout cela peut parfois atteindre le ridicule.
Tu ne t’approcheras pas d’autrui !
Ce fut le cas au sujet d’un dîner en ville auquel participait Marion Maréchal mardi 25 juin 2019 et à propos d’une invitation, adressée à la jeune femme, à participer à une table ronde consacrée au populisme lors de la prochaine université d’été du MEDEF, crime de lèse politiquement correct révélé comme une bombe médiatique le jeudi 27 janvier. Il n’y a évidemment en tout cela pas de quoi fouetter un chat, chacun devrait convenir, à l’image de l’écrivain et philosophe Raphaël Enthoven, peu suspect de sympathie à l’égard des opinions politiques et sociétales de Marion Maréchal, qu’il a justement l’intelligence de considérer pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des opinions parfaitement audibles dans le pays dit des droits de l’homme et du citoyen. L’ancien animateur quotidien des « Chemins de la philosophie » sur France Culture contribue maintenant au Point, magazine dans lequel il ne prend pas la défense des idées de Marion Maréchal mais en appelle à la plus élémentaire des raisons : que l’expression politique soit libre dans une démocratie.
Il écrit, au sujet de l’invitation, finalement annulée en rase campagne par le MEDEF dès le 28 juin :
C’est « une opération qui sera portée au crédit de Marion Maréchal. Le RN prospère sur le sentiment que les « nantis », les « élites », les « puissants » s’entendent et se coalisent aux dépens des démunis dont les représentants du RN seraient, eux, les ambassadeurs. Aucune palinodie ne donne davantage ce sentiment que ce que vient de faire le patron du Medef. (…) On accrédite et on ancre dans les consciences le sentiment que le RN dérange, que son analyse est pertinente et que ceux qui ne veulent pas l’entendre ont peur de ce qu’il a à dire » (…) « les nostalgiques du front républicain sont sur un récif et regardent passer le courant. Cette stratégie moralisatrice a fait la preuve de son inefficacité. » (…) « refuser d’entendre la parole de celles qui captent l’audience des mécontents, c’est augmenter leur audience ».
Il a raison, Raphaël, cette affaire montre bel et bien la réalité de la collusion des élites autoproclamées. Bien sûr, Enthoven se pose en opposant des conceptions de Marion Maréchal, et c’est bien son droit, ce même droit que refusent les rédactions parisiennes à qui ne pense pas comme elles.
Tu ne dîneras pas en ville !
Le mardi 25 juin 2019, Marion Maréchal dînait donc avec une quinzaine d’élus LR, à l’instigation de Jacques de Guillebon, rédacteur en chef de L’Incorrect, et d’Erik Tegner, jeune LR, président de Racines d’avenir. De quoi s’agit-il ?
- « Faut-il dîner avec le diable ? », France Culture
- « Pays de la Loire : la présidente de région va convoquer Sébastien Pilard après sa rencontre avec Marion Maréchal », France bleu.
- « Un dîner autour de Marion Maréchal sème la zizanie chez LR », TV5Monde
- « Quand Le Figaro raconte le dîner de Marion Maréchal avec des seconds couteaux de la droite », Libération
- « Le premier faux pas de Roux de Bézieux » Le Monde
- « Medef, l’invitée de trop ? », Laura Berny, L’Opinion
- « Gérard Larcher met en garde les LR ayant dîné avec Marion Maréchal », Paris Match
Cette dernière intervention mérite d’être remarquée : Gérard Larcher est le président du Sénat, l’homme qui remplacerait le président de la république si ce dernier était empêché. Dans sa déclaration, il menace les convives d’exclusion. Que de tels personnages politiques soient à ce point éloignés des valeurs qu’ils sont censés défendre, du fait de leur fonction, en dit long.
Toute aussi angoissée est la réaction de LREM et des médias qui lui sont proches une fois connue l’invitation de Marion Maréchal, pour une table ronde consacrée au populisme. Pour les ministres et députés LREM (Elisabeth Borne, François de Rugy, Roland Lescure), amplement relayés par les médias, cette invitation n’est pas admissible et l’annuler serait la « meilleure décision » (François de Rugy sur Franceinfo).
Ce sont donc les élus LREM, les ministres du gouvernement et quelques médias qui décident de qui peut ou non être invité par un syndicat indépendant. Contrôler les dîners en ville et les invitations, cela ressemble à ce dont les démocraties dites « illibérales » sont accusées (à tort) chaque jour par les grands médias. Cherchez l’erreur.
Crédit photo : Gage Skidmore via Flickr (cc)