L’hebdomadaire culturel théoriquement centré sur la télévision, Télérama, développe de plus en plus d’articles politiques ou de « billets d’humeur ». La plupart sont très fortement engagés politiquement et veillent avec attention à ce que les lecteurs pensent « comme il faut ». Un exemple tout frais.
Le lundi 27 janvier 2020, Télérama publiait l’article ci-dessous, commenté en gras entre les lignes par notre rédacteur. L’article est écrit par Olivier Milot.
« En 2019, les « faits racistes, xénophobes et antisémites » dénombrés par la ministère de l’Intérieur sont en forte augmentation. Le nombre de plaintes au CSA aussi, notamment contre Éric Zemmour…
(Outre cet exemple édifiant d’amalgame entre deux données sans rapport l’une avec l’autre, amalgame appuyé par une photographie montrant un homme juif passant devant trois tombes profanées par des croix gammées, les deux informations sont vraies. Les plaintes au CSA contre Zemmour ont fortement augmenté, en particulier du fait de la polémique née de son discours à la Convention des droites de l’automne 2019 et à la mise en oeuvre de son émission sur CNews. Le journaliste ne précise cependant pas que, selon le ministère de l’intérieur, l’augmentation la plus forte des faits en question vise les chrétiens, en particulier les lieux de culte).
« …Les chiffres rendus public ce dimanche 20 janvier par le ministère de l’Intérieur sont éloquents. En 2019, le nombre de « faits racistes et xénophobes » progresse de plus de 130 % (1 142 cas contre 496 en 2018). Pour l’essentiel, ils relèvent de la catégorie des menaces (977), assimilées à des propos, gestes ou inscriptions contre des individus. Les « faits antisémites » augmentent eux aussi : + 27 %, après un bond de + 74 % enregistrés en 2018. Et, là aussi, les menaces sont en forte augmentation… »
(Des faits et des chiffres indéniables. Sauf que le journaliste oublie de donner les mêmes précisions au sujet des autres victimes de faits du même ordre. Pourquoi ? La phrase suivante vient comme une « révélation »).
Hasard du calendrier, (l’observateur des médias a beau faire, il lui est difficile de croire à ce « hasard ») Télérama révèle ce 27 janvier que le nombre de plaintes reçues par le Conseil supérieur de l’audiovisuel a lui aussi explosé, passant de 30 000 en 2018 à plus de 70 000 en 2019. Parmi elles, plus de 4 300 saisines en moins de trois mois contre les interventions d’Éric Zemmour pour l’ensemble de son œuvre (une expression par nature dépréciative) comme chroniqueur dans Face à l’info, sur CNews, notamment pour ses propos sur la colonisation de l’Algérie (ici, le journaliste n’indique pas qu’il n’est pas rare, à l’échelle mondiale, que des historiens respectables considèrent que la colonisation n’a pas eu que des aspects négatifs, ce qui est aussi le cas de pans entiers des anciens peuples colonisés — mais pas, il est vrai, de descendants plus ou moins avérés vivant en Europe et n’ayant pour beaucoup jamais mis les pieds dans leur « pays d’origine »), et 3 700 autres pour protester contre ses diatribes (un mot là aussi dépréciatif) sur l’immigration et l’Islam prononcées lors de son discours à la convention de la droite, et complaisamment retransmises en intégralité par LCI (sur 70 000 donc environ 11 % — contre quoi les autres plaintes portent-elles ? Télérama ? France Inter ? Nous ne le saurons pas).
« …Difficile de ne pas faire le rapprochement (Pourquoi ? En quoi ?). De ne pas penser à la responsabilité de ceux qui, à la tête du groupe Canal+ (CNews) et de TF1 (LCI), se font ou se sont faits les porte-voix d’un homme déjà définitivement (la particularité du droit est justement qu’une fois la condamnation établie, le condamné n’est pas déterminé « définitivement » par cette condamnation. Gageons qu’Olivier Milot ne pensera pas que Ladj Ly va passer son existence à enfermer des gens dans des coffres de voiture) condamné pour provocation à la haine raciale et religieuse. La liberté d’expression, y compris sous des formes polémiques, ne saurait justifier la diffusion de propos susceptibles d’inciter à la haine ou aux discriminations », avait estimé le CSA. On ne le lui fait pas dire. » (Cette dernière phrase est particulièrement intéressante : elle envisage simplement que la liberté d’expression, principe fondamental de la république, inscrit en tête de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, soit retirée à Zemmour).
Ainsi, Télérama développe cette étrange thèse : Zemmour serait, de par ses propos au sujet de la colonisation, de l’immigration et de l’islam en France, ou en général, responsable d’un regain des faits d’antisémitisme en France….
A ce niveau de confusion des esprits, une réforme des écoles de journalisme apparaît comme une urgence absolue.
« La liberté d’expression, y compris sous des formes polémiques, ne saurait justifier la diffusion de propos susceptibles d’inciter à la haine ou aux discriminations », avait estimé le CSA ? Télérama n’inciterait-il pas à la haine anti-Zemmour ?