Passée par toutes les écuries du ventre mou de la République, l’actuelle cheffe de file des députés macronistes, Aurore Bergé, vient contre toute pratique d’être propulsée au Conseil d’administration de France Télévisions. Les syndicats du groupe audiovisuel public s’indignent de cette nomination, qui fait débat jusqu’au sein du groupe Renaissance, alors que l’intéressée « ne comprend absolument pas où est le sujet ».
L’affaire était presque passée inaperçue jusqu’à ce qu’une journaliste de l’Opinion ne s’y intéresse de plus près. Dans un article du 14 octobre, Catherine Boullay fait étalage de cette étrange nomination et déclenche une cascade d’articles dans la grande presse française.
On apprend alors que la fidèle du président Macron a été nommée, le 28 septembre, au Conseil d’administration de France Télévisions, à l’un des deux sièges réservés aux membres de la commission des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale. Le hic ? Selon la pratique, ces deux sièges doivent respectivement revenir aux présidents des commissions en question, en l’occurrence à Isabelle Rauch, députés Horizons de Moselle, et à Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne.
« Une volonté de reprise en main politique claire et nette »
Bien avant que l’article de l’Opinion ne soit publié, l’intersyndicale de France Télévisions avait tiré la sonnette d’alarme sur ce nouveau coup de canif’ de l’Elysée dans ce que devraient être les médias de service public :
« La Macronie a décidé d’envoyer un message fort en désignant la présidente de groupe du parti présidentiel. Message reçu, le loup est dans la bergerie. »
Dans son communiqué de presse publié le 4 octobre, intitulé « Avenir de l’audiovisuel public : renaissance ou inquisition ? », l’Intersyndicale n’y va pas par quatre chemins et évoque une « volonté de reprise en main politique claire et nette » et s’offusque par ailleurs du nouveau mode de financement de l’Audiovisuel public qui serait néfaste aux missions de service public de l’information.
Aurore Bergé persiste et signe
La députée macroniste n’a eu d’autres choix que de réagir à la polémique en livrant ses explications à l’AFP : « Je ne comprends absolument pas où est le sujet. C’est un poste au conseil d’administration qui revient à la majorité et qui a été attribué à la députée la plus engagée sur les questions audiovisuelles. […] J’ai été rapporteure des projets de loi sur le sujet. J’ai porté l’amendement sur l’enjeu de compensation de la suppression de la contribution audiovisuelle publique pour garantir des moyens pérennes. »
Aurore Bergé ne semble pas réaliser l’inquiétude que suscite cette nomination et l’image délétère qu’elle véhicule, y compris au sein de son propre camp. Archétype de la jeune ambitieuse prête à tout pour atteindre ses objectifs, Aurore Bergé a changé plus d’une fois son fusil d’épaule, et sa versatilité politique fait d’elle un sujet malléable à merci. Bien plus qu’une simple manœuvre de l’Exécutif, cette nomination est perçue comme un potentiel préalable à toute dérive, les dents longues d’Aurore Bergé dans le milieu politique étant légion.
« L’œil de Moscou au centre de l’audiovisuel public »
« L’œil de Moscou au centre de l’audiovisuel public » : ce sont les mots du sénateur de Côte‑d’Or Les Républicains Alain Houpert, qui s’ajoutent à une série de critiques allant de Clémentine Autain à Charles Consigny, en passant par Céline Calvez, députée En marche. Les oppositions au parti présidentiel sont unanimes et évoquent une atteinte à l’indépendance des médias et un Président-Jupiter qui ose tout.
Cette violation de la pratique des nominations au Conseil d’administration de France Télévisions s’inscrit à l’évidence dans un agenda de reconfiguration du fonctionnement et du financement de l’Audiovisuel public. Elle est aussi vue par les différentes tendances politiques opposées à la politique d’Emmanuel Macron comme une énième mise en œuvre de la méthode présidentielle : cliver volontairement et en permanence. Une méthode conduisant les oppositions à être sans arrêt à la traîne, ces dernières donnant l’impression d’être complètement débordées par la masse de signaux envoyés depuis l’Elysée.