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L’Informé, le petit dernier de Xavier Niel

31 octobre 2022

Temps de lecture : 4 minutes
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L’Informé, le petit dernier de Xavier Niel

Temps de lecture : 4 minutes

En janvier 2022, le Sénat auditionnait une pléiade de patrons de médias afin de se pencher sur la question de la concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires. Xavier Niel représente l’un de ces milliardaires. Patron, entre autres, du groupe Le Monde, son influence dans les médias est notable. Voilà maintenant qu’il devient le mécène d’un nouveau média économique : l’Informé, à mi-chemin entre le canard et la lettre d’information.

Le média se veut « indépen­dant, factuel, basé sur le scoop », comme n’a de cesse de le dire le patron de la rédac­tion Gilles Tan­guy, et sera un jour­nal d’en­quête sur le monde de l’é­conomie. Le patron de la rédac­tion est rompu à l’ex­er­ci­ce. Il a effec­tué ses class­es dans le groupe Pris­ma. D’abord sim­ple reporter high-tech, il finit directeur édi­to­r­i­al numérique des titres Cap­i­tal, Ça m’in­téresse et Géo. Son départ du groupe est en grande par­tie dû au rachat de celui-ci par Vin­cent Bolloré.

Objectif 50 000 abonnés

L’ob­jec­tif pour le lance­ment du média est de franchir la barre des 50 000 abon­nés dans les cinq ans. Pour y par­venir, l’aide finan­cière de Xavier Niel est la bien­v­enue. Un nom qui per­met égale­ment de faire un coup de pub au titre. Comme l’ex­plique Gilles Tan­guy : « C’é­tait cer­tain qu’avec Niel, on allait plus s’in­téress­er à nous que si notre investis­seur était un con­ces­sion­naire de Poitiers. ». Néan­moins beau­coup se posent la ques­tion, le patron de Free ne va-t-il pas s’ingér­er dans les affaires du journal ?

Le patron de la rédac­tion indique que Niel ne vien­dra apporter qu’un com­plé­ment. Aucun chiffre n’est pour l’heure avancé. Par ailleurs, une autre sécu­rité mise en avant est la sanc­tu­ar­i­sa­tion de 61% du cap­i­tal de l’In­for­mé au sein du fonds pour l’indépen­dance de la presse. Gilles Tan­guy souligne : « Il [Xavier Niel] ne détiendrait plus que 5% à titre per­son­nel via son hold­ing NJJ Médias ». En somme, il s’ag­it des mêmes garanties d’indépen­dance que celles offertes au Monde.

Un euro symbolique

Seule­ment, en creu­sant un peu plus le verni de ce fonds, nous trou­vons une autre réal­ité, via notam­ment la fon­da­tion créée en 2021 par Xavier Niel (https://www.ojim.fr/la-mode-des-fondations-apres-patrick-drahi-xavier-niel/). Celui-ci y a en effet placé d’emblée, pour un euro sym­bol­ique, toutes ses par­tic­i­pa­tions au sein des médias. Lorsque Le Monde y est côté, Julia Cagé, prési­dente de la société des lecteurs du jour­nal, et Benoît Huet, un avo­cat, sig­nent une tri­bune qu’Arrêt sur images dif­fuse. Notons que Le Monde a refusé la pub­li­ca­tion de la tri­bune en ques­tion. Dans celle-ci, les deux rédac­teurs pointent du doigt l’in­ter­pré­ta­tion ambigüe de cer­tains principes fon­da­teurs du FIP.

Des actions ad vitam aeternam ?

Si les actions mis­es dans ce fonds sont inces­si­bles et offrent donc la garantie que per­son­ne ne pour­ra racheter un média ou que celui-ci fasse fail­lite, cela sig­ni­fie égale­ment que les actions détenues par Xavier Niel le sont ad vitam aeter­nam. Par ailleurs le fon­da­teur, donc Xavier Niel, désigne lui-même le prési­dent du fonds selon l’ar­ti­cle cinq des statuts, et peut en chang­er à tout moment. En l’occurrence, il est allé chercher dans son pro­pre lig­nage en désig­nant son fils Jules, alors âgé de tout juste vingt ans. En out­re, le con­seil d’ad­min­is­tra­tion, qui oscille entre six et douze mem­bres, ne compte que deux mem­bres qui ne sont pas nom­més par Niel lui-même. Enfin, l’ar­ti­cle qua­torze stip­ule qu’en cas de décès du fon­da­teur, ses droits sont trans­férés à ses ayants droit. Ain­si, Xavier Niel, par l’in­ter­mé­di­aire de ce fonds, offre à lui et ses descen­dants la main mise sur cer­tains titres dont l’In­for­mé. C’est donc à rai­son qu’Arrêt sur images s’in­ter­roge sur la nais­sance d’une poten­tielle dynas­tie Niel au sein des médias.

« Nous ne sommes à la solde de personne »…

Si beau­coup notent que Xavier Niel n’est pas du genre à s’ingér­er au sein des rédac­tions, rien n’indique, comme le notent Cagé et Huet, que ses suc­cesseurs en fer­ont autant. De plus, le fait que Gilles Tan­guy soit un ancien employé de Vin­cent Bol­loré, con­cur­rent de Niel, pour­rait par­faite­ment amen­er une ligne édi­to­ri­ale faisant de l’In­for­mé l’arme que détiendrait Niel pour éclabouss­er ses concurrents.

« Nous ne sommes à la sol­de de per­son­ne » se plaît à affirmer Gilles Tan­guy. Pour nous en ren­dre compte, nous sommes curieux à l’idée de con­stater les évo­lu­tions de la ligne édi­to­ri­ale du jour­nal dans les mois à venir.

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