Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Amnesty et l’Ukraine : une position ambiguë ? Quatrième partie

20 janvier 2023

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Dossiers | Amnesty et l’Ukraine : une position ambiguë ? Quatrième partie

Amnesty et l’Ukraine : une position ambiguë ? Quatrième partie

Temps de lecture : 6 minutes

Retour sur un rapport qui a déclenché l’ire des Ukrainiens

Amnesty International (AI), c’est ce mastodonte au budget annuel de plus 300 millions d’euros distribuant les bons et les mauvais points sur la scène internationale en matière de droits de l’homme et gardant les totems de la bien-pensance. En Hongrie, cette ONG est très active aux cotés de l’ambassade des États-Unis à Budapest contre le gouvernement de Viktor Orbán. En toute indépendance et au nom de la Démocratie, bien sûr ! Aujourd’hui, la branche hongroise de cette organisation est accusée par d’anciennes employées de discrimination et de harcèlement. En Hongrie, cette ONG aux liens évidents avec les réseaux mondialistes est tout sauf dormante, à tel point qu’il n’est pas exagéré de se demander si ses activités ne peuvent pas être qualifiées d’ingérence. En août 2022, AI a publié un rapport accusant les forces armées ukrainiennes de mettre en danger des populations civiles dans leur tactique de défense. Retour sur une affaire pour le moins surprenante au vu des affiliations géostratégiques de cette ONG.

Un comportement inhabituel

AI n’est pas véri­ta­ble­ment con­nue pour esquin­ter les ver­sions offi­cielles de ses com­man­di­taires occi­den­taux. Cette organ­i­sa­tion a tou­jours fait preuve d’une grande fidél­ité dans la dénon­ci­a­tion sans con­ces­sion des enne­mis du Bien. D’ailleurs, son engage­ment de la pre­mière heure au ser­vice des dif­férentes croisades otano-améri­caines a par le passé fait l’objet de polémiques. En 1990, AI répand la ver­sion bidon des cou­veuses du Koweït et facilite ain­si l’adhésion de l’opinion à l’entrée en guerre des Occi­den­taux con­tre l’Irak. Dans les années 2000, AI prend ouverte­ment part pour l’OTAN en lançant une cam­pagne pub­lic­i­taire appelant l’alliance de l’Atlantique Nord à con­tin­uer son bon boulot en Afghanistan.

Mais AI s’est aus­si illus­trée par une cri­tique des pris­ons de Guan­tanamo et par des posi­tions ayant con­sid­érable­ment sec­oué l’ukrainophilie ambiante. En effet, son rap­port ren­du le 4 août 2022 a provo­qué l’émoi dans les rangs des ado­ra­teurs de Saint Zelen­sky. AI pré­tend alors que les forces ukraini­ennes vio­lent aus­si les lois de la guerre, en ayant instal­lé des bases mil­i­taires dans des zones rési­den­tielles, com­prenant des écoles et des hôpi­taux, et en ayant lancé des attaques depuis des zones peu­plées par des civils. Zelen­sky s’en mêle, les respon­s­ables d’AI Kiev éructent et l’ukrain­o­logue en chef BHL crie au scan­dale. Trou­ble in par­adise.

Pourquoi ce rapport ?

Cer­taine­ment pas pour aller dans le sens de la ver­sion russe du con­flit, ni même pour rééquili­br­er la nar­ra­tion occi­den­tale par un souci d’exactitude factuelle. Les organ­i­sa­tions aus­si bien inté­grées aux sphères mon­di­al­istes ne font jamais rien au hasard et, ne soyons pas naïf, ont une vision à géométrie vari­able de la réal­ité et des faits.

Si AI a fait le choix de pub­li­er ce rap­port, c’est avant tout pour rap­pel­er à ses oblig­és ukrainiens qu’ils ne devaient pour rien au monde oubli­er à qui ils obéis­saient. Ce rap­port est assuré­ment un moyen de ser­rer la bride sur les dirigeants kiéviens. Il ouvre une séquence chargées en ter­mes d’évènements ayant été présen­tés comme des actions en solo de Kiev, pour lesquelles les maîtres occi­den­taux de l’Ukraine ont pu se dégager de toute respon­s­abil­ité (assas­si­nat de Daria Douguine le 20 août et explo­sion du pont de Crimée le 8 octo­bre). Le rap­port d’AI a en par­tie con­tribué à laver de tout soupçon le rôle des alliés de l’Ukraine dans ces deux évène­ments. Les médias de grand chemin français ne l’évoquent presque jamais : le jeu poli­tique con­siste en pre­mier lieu à faire place nette dans son pro­pre camp avant de s’attaquer au camp adverse. C’est dans cette per­spec­tive que le rap­port si décrié d’AI peut surtout se comprendre.

Une affaire qui en dit long sur la réelle nature d’Amnesty International

Autre angle de com­préhen­sion (déjà esquis­sé dans les précé­dents volets) : AI n’est pas tant un out­il de l’impérialisme US (et encore moins un bras du néo-con­ser­vatisme) qu’une officine à la sol­de de réseaux mon­di­al­istes ten­dance Davos, qui ont d’ailleurs, n’en déplaise aux pro-russ­es français pri­maires, des ram­i­fi­ca­tions russ­es et chi­nois­es. Cet angle, l’Ojim le sug­gérait déjà dans un arti­cle paru le 5 mai 2022 à pro­pos des posi­tions pris­es par un seigneur néo-con améri­cain, Robert Kagan, dans For­eign Affairs. Notre arti­cle soule­vait l’hypothèse selon laque­lle le con­flit rus­so-ukrainien pou­vait à bien des égards mar­quer la fin du néo-con­ser­vatisme US au prof­it des davosiens.

Voici ce que nous y écrivions :

« Wash­ing­ton serait sor­ti de la tra­di­tion­nelle logique géopoli­tique de puis­sance pour pren­dre sa part dans un pro­jet d’une autre dimen­sion. On pense par exem­ple à la manière dont mesures san­i­taires et sanc­tions con­tre la Russie s’imbriquent pour laiss­er place au même ter­reau et aux mêmes con­séquences : hys­térie cli­ma­tique, con­di­tion­nement men­tal et con­trôle de la lib­erté d’expression, pénuries, restric­tion des lib­ertés, saccage du tis­su indus­triel, mon­naie numérique, crise ali­men­taire, etc. »

Un agen­da bien plus large que la sim­ple défense des intérêts US par la force. Pour y par­venir, un moyen des plus igno­bles : ne pas chercher la vic­toire mais le pour­risse­ment du con­flit. Cette hypothèse tient d’autant plus même la presse polon­aise s’en est récem­ment fait l’écho. AI a con­tribué à ce pour­risse­ment avec son rap­port-scan­dale, qui crée des sig­naux con­traires dans la guerre de l’information menée par les alliés de l’Ukraine. L’envoi de ce type de sig­naux est une méth­ode de pro­pa­gande éprou­vée, elle rend les cibles de la pro­pa­gande plus con­fus­es et en bout de course affaib­lies et plus vul­nérables et mal­léables. Tout cela pour faire dur­er le plaisir, ou plutôt le mal­heur des vic­times directes et indi­rectes de ce conflit.

En allant épisodique­ment con­tre la nar­ra­tion offi­cielle, AI joue son rôle dans ce mon­di­al­isme de type nou­veau. Ini­tiale­ment sim­ple out­il impéri­al­iste, cette ONG est pleine­ment inté­grée à ce monde étant plus une imbri­ca­tion de réseaux qu’un choc des empires. AI est on ne peut plus à la pointe en matière de défense des nou­veaux piliers du mon­di­al­isme : agen­da bio-sécu­ri­taire, fémin­isme pathologique, totem du cli­mat, pri­mauté des droits LGBT, sacral­i­sa­tion de l’avortement, immi­gra­tion mas­sive, reli­gion du mul­ti-cul­tur­al­isme, etc. Tout cela sur fond d’appauvrissement du con­ti­nent européen. Elle sert de vivi­er d’informations à tous les médias de grand chemin, son action doit faire l’objet de la plus grande des vigilances.

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés