Apparue dans le New York Times le 16 avril 2023, puis dans la majorité des quotidiens et magazines généralistes américains, la nouvelle est tombée en France autour du 21 avril du même mois : Google met en place une riposte aux avances technologiques de l’Intelligence Artificielle, dont le symbole le plus connu est ChatGPT.
Silence de la grande presse
En France, le 23 avril, seule la presse spécialisée, elle-même sur internet, se penchait sur le problème — comme si une telle information n’était pas de nature à changer la vie quotidienne de millions de Français. Tout se passe comme si les journalistes demeuraient sidérés devant le choc représenté par les modèles de langage et singulièrement par ChatGPT, tandis que ceux-ci continuent à avancer leurs pions. Cela ressemble à une retraite de Russie, avant même l’offensive.
La réaction de Google ?
Elle était sans doute nécessaire. Le géant de la technologie est passé du statut d’incontournable à celui de personnage secondaire en l’espace d’un tour de cartes. Une fois ChatGPT lancé, Google devient le personnage secondaire d’une histoire qui lui échappe. Et la multinationale n’était pas prête pour un tel séisme. C’est pourquoi elle se précipite (littéralement) en avril, à la fois pour protéger son activité principale (les fameux petits liens bleus qui nous paraissent déjà si désuets et surtout la publicité qu’ils génèrent), penser un nombre important de projets, à commencer par une éventuelle mise à niveau de son moteur de recherche, la page la plus consultée au monde jusqu’à l’advenue de ChatGPT, et des prospections en vue de projets nouveaux. Le choc à l’origine de cette réaction n’est pas seulement la mise en œuvre de ChatGPT (faite dès novembre 2022 aux États-Unis) mais le fait que l’un des très importants clients de la multinationale, Samsung, ait décidé de virer sa cuti en se tournant vers Bing de Microsoft, afin de profiter de la présence de l’Intelligence Artificielle.
Alerte rouge chez Google
Un monde nouveau apparaissait de nouveau devant des pionniers mais Google n’était pas sur le navire. D’après le New York Times, dont la réputation de fouineur n’est plus à faire, qui a eu accès à des centaines de messages internes échangés entre employés de Google, la réaction a été une « panique ». Cela s’appelle un « code rouge » chez Google.
Samsung, c’est, pour Google, un chiffre d’affaires estimé à 3 milliards de dollars. Pour Apple, contrat à renouveler aussi cette année, l’on parle de 20 milliards de dollars… Panique ? Il y a de quoi pour des employés qui peuvent légitimement se demander si Google existera encore dans quelques mois ou années. L’impossible devenu réalité ? Pourquoi pas ?
Une fois la panique contrôlée, que fait Google ?
Le projet se nomme « Magi ». On ne se refait pas. Designers, concepteurs, ingénieurs sont mis au travail dans des salles dites de « sprint », avec comme objectif premier d’améliorer sensiblement le Google que le monde entier utilise — ou utilisait. La principale idée serait d’anticiper ce que souhaite le consommateur. L’objectif de base étant d’y arriver le plus vite possible. Dans ce cadre, Google met l’Intelligence Artificielle à contribution.
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Par ailleurs, le New York Times indique que Google développe très fortement son propre laboratoire d’Intelligence Artificielle, de sources officieuses, lesquelles ne sont pas autorisées à en parler ouvertement. Le but est de mettre, le plus vite possible, sur le marché des produits liés à l’Intelligence Artificielle. Cela pourrait d’ailleurs commencer par le moteur de recherche, utilisé chaque jour par des milliards d’individus, un moteur qui pourrait intégrer de nouvelles technologies d’IA et ainsi éviter que les utilisateurs se tournent vers des outils tels que ChatGPT. La première serait l’Intelligence Artificielle générative de publicités, permettant aux clients de Google de générer eux-mêmes leurs publicités sur les pages du moteur de recherche. En quelques clics.
Deepmind à l’œuvre
Il est à noter que Google fait des recherches sur l’Intelligence Artificielle depuis des années, avec un budget de l’ordre de plusieurs milliards de dollars annuels attribués à son laboratoire DeepMind à Londres et à Google Brain en Californie. Quelle est la réalité de ce budget, outre le fait qu’il s’exprime en milliards ? Qui sait ? Reste que ces laboratoires étaient en concurrence en interne. Pour accélérer les recherches, les deux laboratoires sont maintenant appelés à travailler de concert. Des rumeurs laissent entendre que les deux structures devenues une, réunis sous la direction de l’ancien directeur de Deepmind, celui de Google Brain étant réduit au rôle de directeur scientifique, travailleraient d’ores et déjà sur un modèle de langage concurrentiel de ChatGPT, appelé « Gemini ».
Il va y avoir du sang à OK Corral IA. C’est certain. La question est de savoir le sang de qui ? Au vu de la course engagée, l’éthique paraît être clairement devenue le cadet des soucis de Google en ce qui concerne l’Intelligence Artificielle.