C’est un laboratoire de recherche à but non lucratif, portant sur l’intelligence artificielle : Xavier Niel, Eric Schmidt et Rodolphe Saadé lançaient vendredi 17 novembre la structure Kyutai.
Ils ont tous les trois mis 100 millions d’euros dans la cagnotte : en lançant la structure Kyutai (sphère en japonais), les milliardaires Xavier Niel (Free, Le Monde, Nice-Matin etc), Rodolphe Saadé (l’armateur de CMA/CGM, La Provence etc) et l’homme d’affaires américain Eric Schmidt (ancien patron de Google) se lancent dans la course à l’intelligence artificielle.
Une structure à but non lucratif
Si les moyens alloués au laboratoire paraissent considérables, 300 millions, ils seraient néanmoins beaucoup moins importants que ces alter-ego américains (les GAFAM américains ont investi des milliards dans l’IA) ; d’autres investisseurs seraient espérés pour renflouer cette structure à but non lucratif.
L’absence de profits directs de la structure est considérée, pour les chercheurs de ce domaine, comme une opportunité : « La première fois qu’on m’a parlé de ce projet, j’ai trouvé ça dingue, inespéré. Un tel projet, non lucratif et à Paris, j’y croyais à peine », explique le nouveau directeur de Kyutai à Libération. Abritée dans un fonds de dotation, la structure n’appartient pas à une société commerciale ; les sommes déployées serviraient, selon le même directeur « [à] faire tourner des machines dotées de très grandes puissances de calcul ». Les salaires des chercheurs recrutés, issus de Normale Sup, Polytechnique ou la Sorbonne, ne sont pas indiqués.
Recherche publique contre recherche privée
L’entreprise privée risque de freiner la recherche publique, incapable de concurrencer les hauts salaires. Des débauchages sont d’ailleurs déjà en cours, puisque Hervé Jégou, qui devait rejoindre l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), est devenu le « Chief Scientific Officer » de Kyutai. Patrick Perez, le directeur général du laboratoire privé, est également un ancien chercheur à l’INRIA. Ce dernier n’est néanmoins pas un inconnu du secteur privé puisqu’il occupait dernière un poste important à VALEO, équipementier automobile. En quatre ans, le directeur espère recruter une équipe de 40 à 50 chercheurs.
Une structure à but « philanthropique »
Kyutai est une officine française sur l’IA, créée dans un climat de rivalité internationale tendue. « L’idée, explique Xavier Niel, c’est de créer en France, en Europe, quelque chose qui va permettre à des chercheurs de mettre en place des algorithmes qui vont correspondre à nos particularités européennes, à notre civilisation, à ce que l’on est. » « J’ai pas envie que nos enfants dépendent d’algorithmes qui ne sont pas faits ici », a ajouté l’investisseur, également président d’une école de formation de développeurs.
Cette création fait écho aux propos du président de la République, Emmanuel Macron, qui indiquait récemment que la mise à disposition de modèles d’IA français et européens constituait un « enjeu de souveraineté technologique » et que la France devait se « maintenir dans le peloton de tête ». De ce point de vue, si la présence de l’Américain Eric Schmidt interroge, la proximité du chef de l’État avec deux des grands patrons de ce laboratoire, Saadé ou de Niel, ne laisse pas indifférent.
Si le caractère philanthropique de Kyutai enthousiasme une certaine presse aux mains de milliardaires, s’interroger sur les débouchés financiers indirects qu’elle pourrait ouvrir ne devrait pas être proscrit.
Voir aussi : Xavier Niel, infographie