Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
[Rediffusion] Assassinat de Maria : la grande manipulation des médias allemands

25 décembre 2016

Temps de lecture : 9 minutes
Accueil | Dossiers | [Rediffusion] Assassinat de Maria : la grande manipulation des médias allemands

[Rediffusion] Assassinat de Maria : la grande manipulation des médias allemands

Temps de lecture : 9 minutes

Le viol et le meurtre d’une jeune Allemande par un immigré afghan a dans un premier temps tétanisé la presse main stream d’outre-Rhin qui s’est murée dans le silence avant d’allumer des contrefeux. Depuis une leçon tourne en boucle : ce meurtre barbare n’a rien à voir avec l’immigration. Les peuples sont-ils encore dupes ?

Maria Laden­burg­er était une belle fille de 19 ans qui avait tout pour elle : fille d’un haut fonc­tion­naire de l’Union Européenne, très priv­ilégié finan­cière­ment et sociale­ment, elle avait de nom­breux amis, était appré­ciée de tous et jouis­sait de la ten­dresse d’une famille aimante. Elle était intel­li­gente et suiv­ait une sco­lar­ité sans ombres. Elle étu­di­ait la médecine à la fac­ulté de Fri­bourg-en-Bris­gau, dans le Pays de Bade, pas très loin du pays de ses ancêtres, Laden­burg étant une petite ville du Palati­nat tout proche. Héri­tière issue d’une bonne famille, séduisante, intel­li­gente, rece­vant une bonne édu­ca­tion et une bonne for­ma­tion, Maria avait tout son avenir devant elle.

Le 15 octo­bre 2016 au soir, elle s’est ren­due à la « Big-Medi-Night », une soirée ani­mée qui avait regroupé quelques 3 000 étu­di­ants en médecine de la ville de Fri­bourg. Une soirée qu’elle a quit­té à 2h37, à vélo, comme elle était venue. Pour ren­tr­er chez elle, elle a emprun­té une piste cyclable qui longe la Dreisam, un tout petit afflu­ent non nav­i­ga­ble du Rhin. Elle y a fait une mau­vaise ren­con­tre, a été agressée, vio­lée, puis noyée dans la riv­ière. Son corps sans vie a été décou­vert le lende­main par une joggeuse. L’autopsie a fait remon­ter la mort au 16 octo­bre, vers les 3h00 du matin. En l’absence de témoins, l’affaire sem­blait dif­fi­cile à résoudre. Mais la police a vis­i­ble­ment déployé les grands moyens – pas moins de 40 enquê­teurs – sans doute du fait de la per­son­nal­ité de la vic­time, et de sa famille, et aus­si de l’émoi sus­cité dans la ville. Des cen­taines de pho­tos ont été vision­nées, ain­si que des heures d’enregistrement vidéo de toutes les caméras proches du lieu de l’agression, tramway com­pris. Le seul indice con­cret dont dis­po­sait en réal­ité la police était des cheveux de l’agresseur sur les vête­ments de Maria. De longs cheveux noirs aux pointes teintes en blond.

La police a fini par apercevoir sur l’un des enreg­istrements vidéo des pas­sagers du tram un étrange jeune homme à la coupe de cheveux très tra­vail­lée, avec des cheveux courts mais aus­si une longue nat­te noire à la pointe teinte en blond. Le 2 décem­bre, ce jeune homme a finale­ment été iden­ti­fié et appréhendé, et l’analyse de son ADN a par­lé : un fais­ceau d’indices lour­de­ment con­cor­dant laisse ain­si à penser qu’Hussein K., un jeune Afghan de 17 ans issu de la tribu des Haz­ara, une minorité chi­ite afghane, est bien l’assassin de Maria. Il avait immi­gré illé­gale­ment dans le pays en 2015 et avait été recon­nu comme mineur isolé, ce qui lui avait per­mis de béné­fici­er d’un traite­ment de faveur, sous la forme d’un tuteur et d’un héberge­ment dans une famille d’accueil. Il n’était sans doute pas à la soirée étu­di­ante et ne con­nais­sait apparem­ment pas sa victime.

Ampleur des faits occultés, contre-choc des médias sociaux

Pen­dant six semaines, cet hor­ri­ble fait divers a surtout agité les jour­naux locaux et régionaux du fait de la vio­lence de l’agression, de la peur qui s’était emparée des citoyens et des citoyennes de Fri­bourg-en-Bris­gau, et du désar­roi des étu­di­ants de la fac­ulté de médecine qui con­nais­saient bien la victime.

Puis début décem­bre, lorsque la police annonce qu’elle a très vraisem­blable­ment iden­ti­fié l’assassin de Maria, l’affaire dis­paraît des promp­teurs et des manchettes des jour­naux. Ce sont les médias soci­aux qui pren­nent le relais, l’information sur l’affaire Maria Laden­burg­er se répan­dant désor­mais comme un feu de brousse, en Alle­magne d’abord, puis rapi­de­ment dans toute l’Europe et une par­tie du monde. Remar­quons que les médias français ont été d’une dis­cré­tion de vio­lette sur ce meurtre.

Le motif de ce bas­cule­ment ? Toute une série de faits, dont la con­ver­gence ne pou­vait qu’affoler la presse offi­cielle « poli­tique­ment cor­recte », laque­lle n’hésite plus à s’affranchir des faits quand cela l’arrange, mais embras­er les réseaux soci­aux du fait même de cette occultation :

  • La per­son­nal­ité de l’assassin sup­posé, un migrant récem­ment entré illé­gale­ment en Alle­magne en prove­nance d’un pays sûr, plutôt bien traité par le pays d’accueil – hébergé dans une famille d’accueil, alors que nom­bre de jeunes autochtones sont à la rue.
  • Celle du père de Maria, le Dr. Clemens Laden­burg­er, assis­tant juridique du Directeur Général du Ser­vice Juridique de l’Union Européenne à Bruxelles.
  • Ce dernier avait don­né des con­férences sur la crise migra­toire en Alle­magne, notam­ment l’une d’elle le 27 avril 2016 à l’Université de Ham­bourg, inti­t­ulée : « Euro­parechtliche Her­aus­forderun­gen bei der Bewäl­ti­gung der Flüchtlingskrise » (Défis juridiques posés au droit européen dans le cadre de la maîtrise de la crise migratoire)
  • Maria con­sacrait une par­tie de son temps libre à une asso­ci­a­tion d’aide aux migrants, la Stu­den­tenini­tia­tive Weit­blick Freiburg e.V. Une asso­ci­a­tion à laque­lle le faire-part de Maria invi­tait, entre autres, à vers­er des dons au lieu d’apporter des fleurs…

Contre-feu des médias

Les faits évo­qués ci-dessus n’auraient jamais été portés à la con­nais­sance du pub­lic sans les réseaux soci­aux qui les ont iden­ti­fiés et mis en avant. Dans le même temps, leur prise de con­nais­sance par le grand pub­lic a entraîné une foule de réac­tions très divers­es, allant de la tristesse et de la com­pas­sion à un sen­ti­ment d’horreur, mais aus­si à l’expression out­rée de la colère et de la rage d’une frange man­i­feste­ment impor­tante de la pop­u­la­tion à l’encontre d’un gou­verne­ment alle­mand imposant une poli­tique migra­toire vis­i­ble­ment por­teuse d’insécurité et igno­rant totale­ment le sen­ti­ment de sa pop­u­la­tion. Mais aus­si à l’égard de l’Union Européenne qui con­fisque les droits des peu­ples et les traite avec de plus en plus de morgue.

Ces réac­tions ont été accom­pa­g­nées de com­men­taires peu amènes à l’égard du père de la vic­time, engagé directe­ment dans la poli­tique migra­toire de l’UE, voire même, çà et là, à l’expression occa­sion­nelle d’une réjouis­sance que des familles priv­ilégiées soient enfin touchées dans leur chair par les con­di­tions de vie qu’elles imposent aux class­es pop­u­laires avec d’autant plus de facil­ité qu’elles n’en sont elles-mêmes générale­ment jamais affec­tées dans leur vie quo­ti­di­enne de privilégiés.

C’est le car­ac­tère déplacé, voire odieux, de cer­tains com­men­taires qui a servi de rebond à des médias (notam­ment la télévi­sion) accusés d’occultation, affolés par le tsuna­mi inin­ter­rompu des réac­tions pop­u­laires au meurtre de Maria Laden­burg­er. Une réac­tion igno­rant bien enten­du totale­ment le fond et les caus­es de cet incendie. On appelle cela un contre-feu.

Quelques jours après le début de l’incendie, la presse offi­cielle alle­mande a lancé un véri­ta­ble tir de bar­rage con­tre les médias soci­aux, désor­mais devenus la bête noire des dirigeants :

  • Citant à foi­son les posts les plus odieux et les plus désoblig­eants trou­vés sur les réseaux soci­aux, soigneuse­ment triés sur le volet à l’exclusion des autres, le tout accom­pa­g­né des accu­sa­tions habituelles de « haine » et de « cam­pagne de dén­i­gre­ment », comme par exem­ple « La haine ne con­naît aucune lim­ite », du Frank­furter All­ge­meine Zeitung (FAZ) du 07/12/2016.
  • Le tabloïd Bild a pub­lié de longs inter­views de migrants choqués (spon­tané­ment ou sur vive inci­ta­tion des poli­tiques et des jour­nal­istes) par le meurtre de Maria, rap­pelant « que tous les Afghans ne sont pas des crim­inels » — ce que per­son­ne n’a du reste jamais affirmé.
  • L’hebdomadaire Focus s’est éten­du sur une man­i­fes­ta­tion de sol­i­dar­ité « spon­tanée » des migrants.

De son côté, Chris­t­ian Wal­burg, spé­cial­iste du Krim­i­nal­wis­senschaftlich­es Insti­tut der Uni Mün­ster (insti­tut des sci­ences crim­inelles de l’Université de Mün­ster), en se bas­ant sur une lec­ture expurgée (par exem­ple des élé­ments relat­ifs aux per­son­nes orig­i­naires d’Afrique du Nord ou encore du Koso­vo) d’un rap­port ad hoc du Bun­deskrim­i­nalamt (office fédéral alle­mand de la crim­i­nal­ité) et faisant fi de l’expérience empirique de mil­lions d’Européens non priv­ilégiés, avançait que les sta­tis­tiques de la crim­i­nal­ité démon­traient (prob­a­ble­ment à l’instar de celles con­cer­nant la pro­duc­tion indus­trielle dans l’URSS), qu’il n’y avait aucun lien entre la crise migra­toire et la spec­tac­u­laire mon­tée en puis­sance en Alle­magne de la délin­quance en général et de la délin­quance sex­uelle en par­ti­c­uli­er, celle-ci avérée.

Le crim­i­no­logue Chris­t­ian Pfeif­fer déclarait de son côté aux jour­naux locaux Heil­bron­ner Stimme et Mannheimer Mor­gen que « le fait que de jeunes hommes vien­nent de cul­tures machistes ne sig­nifi­ait en rien que ceux-ci tendraient fon­da­men­tale­ment à vio­l­er davan­tage que les autres » — sans autres nuances rel­a­tives à des faits cul­turels et religieux, ni référence à des exem­ples écla­tants de cer­tains pays du Moyen-Ori­ent, en temps de guerre ou de paix.

Une symbolique lourde de sens

L’affaire Maria Laden­burg­er porte en elle des élé­ments exem­plaires d’une for­mi­da­ble manip­u­la­tion des médias :

L’Europe est le seul con­ti­nent accusé en per­ma­nence du crime de racisme à l’exclusion de tous les autres où règ­nent des vio­lences eth­niques et religieuses d’une tout autre ampleur. L’Europe est en réal­ité le con­ti­nent de très loin le plus tolérant, le plus com­pas­sion­nel et le plus généreux avec les autres, sans aucune com­para­i­son pos­si­ble avec quelque autre par­tie du monde.

L’accusation per­ma­nente de racisme est une inver­sion accusatoire per­me­t­tant non seule­ment à cer­tains d’abuser de la générosité européenne, mais encore d’y répon­dre par la haine sans se sen­tir obligé à la moin­dre recon­nais­sance vis-à-vis de cette générosité, ressen­tie non seule­ment comme un dû, mais égale­ment comme insuff­isante, ouvrant le con­ti­nent à toutes les prédations.

Le meurtre d’une jeune femme (certes issue d’un milieu priv­ilégiée), belle, tolérante, généreuse et inno­cente, par un étranger qui avait été accueil­li et bien traité dans sa mai­son revêt une valeur sym­bol­ique dans l’imaginaire de tous les peu­ples du monde. Le sui­cide de Lucrèce souil­lée par Tar­quin avait été ressen­ti en son temps par tout le peu­ple out­ré comme un viol de l’âme romaine par la tyran­nie de ce dernier. Le meurtre de Maria a été ressen­ti par une grande par­tie des alle­mands comme le viol de l’Europe livrée à la vio­lence, à l’agression et à l’invasion, avec la com­plic­ité d’une grande par­tie de ses élites poli­tiques et intel­lectuelles. Que ce juste sen­ti­ment puisse être exprimé de façon par­fois out­rée par des gens sim­ples n’enlève rien à sa valeur

Sources

Crédit pho­to : DR

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés