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Comprendre le débat Biden-Trump du 27 juin, foire aux questions

2 juillet 2024

Temps de lecture : 8 minutes
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Comprendre le débat Biden-Trump du 27 juin, foire aux questions

Temps de lecture : 8 minutes

Après le débat désastreux pour sleeping Joe Robinette Biden et le camp démocrate, nous avons demandé à notre correspondant en Amérique du Nord (que nous remercions vivement) d’éclairer les enjeux. Il répond à 8 questions plus une en suspens.

1. Dans quel contexte ce débat a‑t-il été organisé ?

Le plan stratégique des pro­tecteurs de Joe Biden était quintuple :

  • utilis­er le sys­tème judi­ci­aire comme agent élec­toral en égrenant un chapelet de procès suff­isam­ment tôt pour infuser une per­cep­tion cat­a­strophique de Don­ald Trump, et suff­isam­ment tard pour que les procé­dures d’appel ne puis­sent sur­venir avant l’élection.
  • relay­er cette per­cep­tion dans les médias (Trump = fraudeur + pornocrate + fac­tieux + crim­inel condamné).
  • faire sor­tir par Hol­ly­wood un film grand pub­lic , Civ­il War, présen­tant une Amérique où les insur­rec­tion­nels ont des têtes de trumpistes.
  • élim­in­er ses com­péti­teurs démoc­rates en refu­sant tout débat ou en les pri­vant d’homologation (la prin­ci­pale cible étant Robert Kennedy Jr).
  • faire entr­er un max­i­mum d’immigrants illé­gaux, les accom­pa­g­nant ensuite dans le sys­tème admin­is­tratif, leur per­me­t­tant ce faisant de con­ver­tir leurs numéros d’immatriculation tem­po­raire en clé d’accès aux listes élec­torales (cette thèse prônée par Trump étant con­sid­érée comme complotiste).

Mais cela a mal fonctionné :

  • Trump avait le vent en poupe dans les sondages, de façon alar­mante dans les prin­ci­paux états-piv­ots, et de façon cat­a­strophique­ment sig­ni­fica­tive dans les seg­ments his­panique et afro-améri­cain de la population.
  • Pour la pre­mière fois Trump a levé des fonds très impor­tants en Cal­i­fornie de la part des « tech », du fait du flou règle­men­taire de l’administration Biden en matière fis­cale, en matière d’emploi (le secteur recrute de moins en moins en Cal­i­fornie), et en ce qui con­cerne les mon­naies numériques (aucun cadre clair per­me­t­tant de plan­i­fi­er des investisse­ments critiques
  • Les évène­ments de Pales­tine on frac­turé l’électorat de Biden, lui faisant per­dre l’électorat arabo-musul­man, sig­ni­fi­catif dans cer­tains états-clés).
  • Trump est devenu la bouée de sec­ours des grands investis­seurs du lob­by pro-israélien aux États-Unis (sur la ques­tion de Gaza, et sur le besoin de trans­former les accords d’Abraham en débouché pour les Tech cal­i­forni­ennes via Israël, vue comme la sec­onde Cal­i­fornie du monde, mais en dan­ger de fail­lite).

Il fal­lait donc « faire quelque chose » pour stop­per une implo­sion pos­si­ble de tout l’appareil démocrate.

2. Que tentaient d’accomplir les démocrates avec ce débat ?

  • Pro­cur­er un répit à Joe Biden en démonéti­sant Trump du fait de ses procès (case cochée), con­damna­tions (case cochée), et prochaines incar­céra­tions (en cours).
  • Décourager les électeurs fam­i­liers du vote anticipé (mis en place depuis la pandémie) de vot­er cette fois-ci trop vite pour Trump.
  • Compter sur CNN (et non la com­mis­sion bipar­tite des débats prési­den­tiels) pour un débat ami­cal pour Biden et cas­tra­teur pour Trump (micros alter­na­tive­ment fer­més, pas de pub­lic dans la salle).
  • En con­clu­sion con­va­in­cre l’opinion que la démoc­ra­tie était en dan­ger.

3. Biden était-il bien préparé à ce débat ?

  • Très bien, presque trop bien. Une semaine d’isolation à Camp David sous le con­trôle de seize formateurs.
  • Mais, à trop vouloir lui encom­br­er l’esprit avec des chiffres et des listes de mesures tech­niques, ils ont embrouil­lé. Biden, inca­pable de déploy­er son bilan prési­den­tiel, et surtout inca­pable d’exploiter ce qui lui avait été servi sur un plateau par un an de straté­gies par­lemen­taires et judi­ci­aires visant à faire de Trump un brig­and césariste sans foi ni loi qui pré­pare l’abolition de la con­sti­tu­tion. Ce qui était somme toute la final­ité du débat, en avant-pre­mière de sa pos­si­ble incar­céra­tion en juillet.

4. Et Trump ?

  • Trump s’est entrainé dans ses nom­breuses présen­ta­tions faites lors de plusieurs lev­ées de fonds qui lui ont per­mis de roder son mes­sage . Nous en présen­tons ici un exem­ple, une dis­cus­sion entre Trump et avec trois investis­seurs cal­i­forniens qui débat­tent ensuite seuls pour juger de ce qu’il a dit.
  • Et voici main­tenant ici la réac­tion des trois après le débat, qui soulèvent par ailleurs plusieurs points intéres­sant sur les vrais dan­gers qui visent la démoc­ra­tie en Amérique.

5. Joe Biden est-il tombé dans un traquenard ?

  • Il faut savoir qu’Oba­ma, aujourd’hui hyper­présent, ne voulait pas ini­tiale­ment de Biden en 2020.
  • Son tan­dem préféré était com­posé de Pete Buttigieg et de Kamala Har­ris. Buttigieg est en posi­tion d’attente dans un min­istère dif­fi­cile (les trans­ports). Kamala Har­ris, n’a pas franche­ment décol­lé en son rôle de Vice-Prési­dente de Biden.
  • Plusieurs se pren­nent sans ver­gogne à rêver de ren­vers­er Biden « pour sauver la démoc­ra­tie ». Hillary Clin­ton joue la belle-mère sur les médias depuis quelques semaines, Buttigieg nous rap­pelle occa­sion­nelle­ment que le pays béné­fi­cie d’un maxi-giga plan d’infrastructures améri­caines (tra­duc­tion : un plan ciblé sur l’achats des votes), Har­ris a été inter­rogée par CNN le soir du débat vêtue et par­lant comme une prési­den­tiable, et le richissime gou­verneur de Cal­i­fornie New­som rode con­stam­ment dans les par­ages médi­a­tiques, sans oubli­er une palan­quée de gou­verneurs d’états-pivots (ain­si de la célébris­sime Gretchen With­mer).
  • Il est donc clair que Biden a été lâché après avoir été usé et abusé par ses marionnettistes.

6. Peut-on vraiment « se débarrasser » de Biden ?

  • Oui et non !
  • En tant que prési­dent , oui, en ver­tu de la procé­dure du 25e amende­ment de la con­sti­tu­tion. La sor­tie peut être défini­tive ou tem­po­raire. Suc­cèderait alors au Présent Madame Kamala Har­ris, la vice-Présidente
  • En tant que can­di­dat, ceci ne serait que du seul ressort de Joe Biden. Ses électeurs, lors des pri­maires, ont désigné des délégués qui doivent vot­er pour lui à la Con­ven­tion (qui se déroulera du 10 au 22 aout). Il lui faudrait alors formelle­ment leur ren­dre leur lib­erté de vote, humil­i­a­tion suprême.
  • Reste la pres­sion finan­cière. On peut imag­in­er une dis­cus­sion « ami­cale » en laque­lle un inter­mé­di­aire lui fasse com­pren­dre que sa cam­pagne se sera pas financée, faute de retour pos­si­ble sur investissement
  • La ques­tion fon­da­men­tale, dit-on, serait que l’appareil du par­ti et les oli­garchies ne voient pas en Kamala Har­ris une can­di­date viable (l’électorat afro-améri­cain la déconsidère)
  • Reste le cas Michelle Oba­ma, sup­posée ral­li­er le vote des femmes et des afro-améri­cains. Sur le papi­er, le choix sem­ble astu­cieux. Auquel cas la « défense de notre démoc­ra­tie » se résumerait à un couron­nement népo­tiste façon Corée du Nord.

7. Comment « le parti unique du marécage » peut-il s’en sortir ?

  • Il est vrai que la con­gré­ga­tion des oli­garchies du « par­ti unique » devrait ren­dre des comptes Elle a en effet depuis qua­tre ans : 
    • soutenu mordi­cus la can­di­da­ture Biden en 2020,
    • cen­suré les révéla­tions des frasques finan­cières de la famille Biden (Chine, Ukraine)
    • démoral­isé le pays tout le long de l’année 2020 (con­fine­ment, révoltes Back Lives Matter)
    • taxé de com­plo­tisme toute résis­tance au système,
    • « effacé » les autres can­di­dats 2024 tels que Kennedy (lui refu­sant même la pro­tec­tion des gardes du corps ser­vices secrets),
    • mis en place des orgues de Staline judi­ci­aires visant à broy­er la can­di­da­ture Trump,
    • et insisté à quelques jours encore du débat sur le fait que Biden était un super­man du neu­rone et que les clips mon­trant ses défi­ciences ver­bo-motri­ces n’étaient que vul­gaires « cheap fakes » (bass­es contrefaçons),
  • Pire encore, les oli­garchies ont abusé sans retenue d’un vieil­lard, cam­ou­flant la vérité sur son compte, se trou­vant main­tenant por­teuses d’une grenade prête à explos­er nationale­ment et inter­na­tionale­ment. Des excus­es seraient de rigueur. Good luck !

8. Faudra-t-il une guerre civile pour sauver l’oligarchie ?

  • La ten­ta­tion pour­rait être de con­damn­er Trump à de lour­des peines d’emprisonnement en juil­let afin de créer un « cli­mat insur­rec­tion­nel » prop­ice à l’édiction puis à la péren­ni­sa­tion de toutes sortes de mesures d’exception (état d’urgence, loi mar­tiale, etc.).
  • Mais à force de crier au loup il y a un dan­ger que celui-ci descende dans la rue et que celui-ci ne soit pas le diable.
  • Car les États-Unis sont prob­a­ble­ment le seul pays occi­den­tal où un risque insur­rec­tion­nel vrai soit plau­si­ble con­tre toute tyran­nieNés du mythe d’une telle insur­rec­tion, les États-Unis sont de fac­to en guerre civile depuis leur créa­tion, les courants Jef­fer­son­ien et Hamil­tonien per­du­rant au fil des siè­cles : cette con­fédéra­tion d’états « libres » a été tirail­lée depuis tou­jours entre iso­la­tion­nisme et inter­ven­tion­nisme inter­na­tion­al, entre cen­tral­i­sa­tion et autonomie.
  • Or cela fait main­tenant qua­tre-vingts ans que Wash­ing­ton a pro­gres­sive­ment imposé aux états une dic­tature mono-par­ti­sane jacobine (laque­lle a désor­mais mis le tur­bo en trans­for­mant son puri­tanisme con­géni­tal en wok­isme abso­lutiste), tan­dis que Wall Street a joué la carte de l’internationalisme économique hors sol.
  • Si l’on ajoute à cela que les hal­lu­ci­na­tions du wok­isme, qui arrangeaient Wall Street autant que Wash­ing­ton, sont de plus en plus démo­graphique­ment minori­taires du fait de l’immigration his­panique, asi­a­tique et arabo-musul­mane, et si l’on réalise que Wall Street pousse ouverte­ment le pays à subir les guer­res privées du post-cap­i­tal­isme financier (ambi­tion du con­trôle par la force des ter­ri­toires de l’ancienne URSS, le tout aux frais des con­tribuables améri­cains et européens), le risque de révo­lu­tion devient réel.
  • Et cette fois-ci, il s’inscrira au sein d’une nou­velle lutte des class­es du réel qui n’aura plus besoin du socié­tal pour fleurir.

Or, et cela ne présage rien de bon, l’oligarchie sem­ble oubli­er qu’un mou­ve­ment de réin­stal­la­tion de la république améri­caine pour­rait pass­er par une con­ven­tion des états de la république améri­caine qui, elle, pour­rait provo­quer une nou­velle révo­lu­tion améri­caine. C’est dans cette ligne de pen­sée que se situe par exem­ple le mou­ve­ment Our Coun­try Our Choice.

9. Ce débat a‑t-il des implications internationales?

  • Oui, nous en par­lerons ultérieure­ment. À suiv­re donc !