La guerre passant également (voire surtout) par la propagande médiatique et le contrôle de l’information, il n’y avait pas de raison pour que l’État islamique s’en prive. Depuis juillet, l’organisation terroriste publie son propre magazine numérique.
Intitulé « Dabiq », cette revue dénombre une cinquantaine de pages et entend promouvoir le jihad dans le monde entier. Un jihad qui, évidemment, est présenté comme un acte de résistance face à l’oppression, et non comme une démarche barbare et terroriste.
Anglophone, la revue s’adresse à la fois aux musulmans du monde mais aussi aux autres organisations jihadistes que l’État islamique souhaite fédérer autour de lui. Aussi, Dabiq vise les « loups solitaires » des pays occidentaux, leur demandant d’agir dans l’intérêt de l’EI depuis les pays où ils se trouvent.
Tout comme son homologue (et concurrent), le magazine Inspire, diffusé par Al-Qaïda, la revue de l’État islamique est montée comme un vrai manuel de conseils pratiques pour jihadistes en herbe.
« En décembre dernier, deux Somaliens ont été arrêtés à Bonn par les Allemands. Ils préparaient un attentat avec une bombe qui était parfaitement comparable à celles décrites dans Inspire. Inspire est la bible en matière de propagande djihadiste. Surtout, elle est conçue comme une vraie revue et on y trouve absolument tout: des conseils opérationnels, de la réflexion idéologique, des témoignages, des reportages… Inspire diffuse du savoir-faire à grande échelle, comme autant de bouteilles lancées à la mer », rappelait l’année dernière Yves Trotignon, spécialiste du terrorisme, dans Slate. C’est ce même rôle que l’EI entend donner à sa revue.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les jihadistes ont bien assimilé les techniques de propagande journalistique déjà bien rôdées dans la presse occidentale : le poids des mots, le choc des images. Pas une page sans son combattant héroïque brandissant fièrement le drapeau de l’EI, quand celui-ci n’est pas planté au milieu d’un champ de bataille en ruines. Les corps de combattants tués sont également beaucoup mis en avant pour prouver indignation et désir de vengeance.
Les articles, se référant sans arrêt au Coran, présentent un monde divisé en deux. D’un côté, le camp de l’islam et de la foi, avec ses braves moudjahidin ; de l’autre, le camp de « l’incrédulité et de l’hypocrisie » dirigé par l’Amérique et la Russie. Contre les « juifs, les croisés et leurs alliés », Dabiq appelle clairement à « se concentrer sur le fait de provoquer la mort de l’ennemi, ou de lui infliger des blessures et des dégâts ».
Dans sa dernière édition, le magazine de l’organisation terroriste se vante même d’avoir réduit en esclavage les femmes et les enfants yazidis, cette minorité irakienne polythéiste dont les adeptes sont considérés comme des « adorateurs de Satan ».
Avec ce quatrième numéro paru sur internet, l’État islamique a bel et bien lancé sa guerre médiatique à destination du monde entier. Et contrairement à la guerre terrestre localisée au Moyen-Orient, cette guerre est vouée à réveiller les vocations endormies des extrémistes vivant au sein même des pays de la coalition.
Pour information, le numéro 2 de Dabiq a été traduit en français.