Suite à l’agression d’un Rom par des jeunes de cité vendredi dernier à Pierrefitte-sur-Seine, le quotidien britannique Daily Telegraph a publié les photos choquantes du jeune homme.
Gravement amoché, celui-ci gît dans un charriot de supermarché. Et le Daily Telegraph de titrer : « La photo qui va choquer la France. » Pourtant, le journal Le Parisien, qui avaient récupéré ces photos peu soutenables auprès de riverains, a décidé de ne pas les publier. Cela en dit long sur la différence de sensibilité qui existe entre la presse française et la presse britannique, voire même anglo-saxonne, toujours portée vers le sensationnel.
« Dans l’excitation de ramener un document exceptionnel, on s’est posé la question, ce qui est normal. Mais on a presque immédiatement décidé de ne pas la publier », raconte l’un des deux journalistes du Parisien ayant rapporté la photo. « Je constate que nous respectons la loi », ajoute-t-il. Dans le pire des cas, certains sites français ont montré une photographie floutée du jeune Darius.
« En Grande-Bretagne, le droit à l’image est limité par une interprétation très large de “l’intérêt public”. En France, deux articles de la loi sur la presse encadrent de façon beaucoup plus stricte la dignité des victimes et l’identification des mineurs », explique Le Monde. En effet, l’article 39 bis punit de 15 000 euros d’amende « le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l’identité ou permettant l’identification d’un mineur victime d’une infraction ».
L’article 35 quater prévoit quant à lui que « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d’une victime et qu’elle est réalisée sans l’accord de cette dernière, est punie de 15 000 euros d’amende ». « Si l’amende est assez faible, elle s’accompagnerait de fort dommages et intérêts », précise le service juridique du Figaro.
Afin d’éviter toute fuite et entorse à la loi, la procureure de la République de Bobigny, Sylvie Moisson, chargée de l’enquête sur le lynchage du jeune Rom, a rappelé dans un communiqué que « le droit français s’oppose à la diffusion de la photo d’une victime mineure, qui a droit à la protection absolue de son image sous peine de poursuites pénales. Je ne doute pas que le droit et la déontologie de la presse empêcheront en France toute diffusion de cette photo qui n’a de place légitime que dans la procédure de l’enquête criminelle en cours ».
Et d’ajouter que l’enquête « porte aussi sur les conditions de réalisation de cette photo qui est donc aussi protégée par le secret de l’enquête ».
Plusieurs médias français ont déjà été poursuivis pour des affaires similaires. Par exemple, en mai 2009, le magazine Choc avait publié des photos d’Ilan Halimi, torturé à mort en janvier 2006 par le Gang des Barbares. Le magazine racoleur avait été condamné, la sentence s’appuyant sur une affaire qui fait jurisprudence en la matière : la publication par Paris Match en février 1998 d’une image montrant la dépouille du préfet Érignac gisant au sol dans les instants suivant son assassinat.