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La revue Conflits en kiosque

2 avril 2014

Temps de lecture : 4 minutes
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La revue Conflits en kiosque

Temps de lecture : 4 minutes

Annoncée depuis plusieurs mois et très attendue, la revue trimestrielle de géopolitique Conflits livre son premier numéro daté d’avril-mai-juin 2014. Conçu avant l’annexion de la Crimée par la Russie, le sommaire de ce numéro un est consacré à l’Eurasisme (« Eurasisme, le grand dessein de Poutine »). La revue arrive ainsi à point nommé pour éclairer l’actualité internationale en fournissant des analyses approfondies que les médias traditionnels, dans leur grande majorité, ont malheureusement renoncé à produire, au profit de réactions sentimentales et manichéennes.

Piloté par l’universitaire Pas­cal Gau­chon, fon­da­teur du fes­ti­val de géopoli­tique de Greno­ble, la nou­velle revue se pro­pose d’exposer « les faits et les réflex­ions » per­me­t­tant au lecteur « de com­pren­dre le monde » où il vit, par le biais d’une géopoli­tique cri­tique priv­ilé­giant « le temps long » et « les hori­zons loin­tains », mais aus­si une « géopoli­tique des réal­ités » : « Ce n’est pas que nous ne croyions ni au bien ni au mal, mais il n’est pas sain de mélanger les ordres et de con­fon­dre les bons sen­ti­ments et la poli­tique », écrit Pas­cal Gau­chon dans un édi­to­r­i­al pro­gram­ma­tique. « Le véri­ta­ble sujet d’étude de la géopoli­tique, c’est l’antagonisme sous toutes ses formes […] ain­si que les équili­bres que ces rival­ités finis­sent par génér­er, et qui restent tou­jours frag­iles », rap­pelle l’universitaire qui ajoute : « Nos com­pa­tri­otes ont ten­dance à oubli­er cette réal­ité. Nous sommes là pour la rap­pel­er ». Nul hasard donc au nom don­né à la revue.

Le dossier con­sacré à l’Eurasisme rap­pelle ain­si que la guerre froide, dont on annonce aujourd’hui la résur­gence, ne s’était somme toute jamais inter­rompue. La poli­tique des États-Unis, « d’une remar­quable con­ti­nu­ité depuis 1991 » est en effet de tout faire pour isol­er la Russie et empêch­er l’unité de l’Eurasie, inac­cept­able pour elle, en faisant entr­er dans « le sys­tème euro-atlan­tique » les pays de l’ancienne URSS, et en par­ti­c­uli­er l’Ukraine, et ce, avec le sou­tien de l’Union européenne. Dès la chute de l’URSS, le poli­to­logue améri­cain d’origine polon­aise Zbig­niev Brzezin­s­ki encour­ageait son pays à isol­er la Russie, perçue comme une men­ace, et à faire ren­tr­er dans « le sys­tème euro-atlan­tique » les pays de l’ancienne URSS. En décem­bre 2012, Hillary Clin­ton affir­mait encore sa volon­té de « ralen­tir ou empêch­er » le proces­sus d’unification con­duit par la Russie, proces­sus qui avait déjà con­duit à une union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kaza­khstan, effec­tive depuis le 1er jan­vi­er 2012. L’Eurasie ne serait alors qu’une réplique à l’atlantisme des États-Unis et de Brux­elles. Un des (nom­breux) mérites de ce dossier est de rap­pel­er une vérité que l’on a ten­dance à oubli­er : la réal­ité géo­graphique fon­da­men­tale de l’Eurasie est celle de la con­ti­nu­ité ter­ri­to­ri­ale (« la grande plaine d’Europe du Nord se déploie sans rup­ture sen­si­ble de la Flan­dre à la Moscovie ») ; bref, la Russie est en Europe… con­traire­ment aux États-Unis qu’un océan sépare d’elle. Or, « selon la “loi d’airain” de la dis­tance, nous sommes, par la force des choses, plus sol­idaires de nos voisins que du reste du monde ». La stratégie d’expansion atlantiste de l’Union européenne, fondée sur une instru­men­tal­i­sa­tion des droits de l’homme, témoigne ain­si d’une dépoli­ti­sa­tion de l’Union qui va con­tre ses pro­pres intérêts… mais pas con­tre ceux des États-Unis qui, prof­i­tant de la « lâcheté » (Jacques Attali) de ses dirigeants ecto­plas­miques (Van Rompuy et Ash­ton) l’instrumentalise de manière évidente.

Un entre­tien avec le géo­graphe Yves Lacoste, fon­da­teur de la revue Hérodote et précurseur de l’étude de la géopoli­tique en France ; un arti­cle sur le choc des reli­gions en Afrique ; un autre sur la géopoli­tique de l’ordre teu­tonique, des chroniques, des por­traits et des cri­tiques de livre achèvent de ren­dre cette jeune revue immé­di­ate­ment indis­pens­able à tous ceux qui dés­espèrent de voir le monde expliqué par les amuseurs du « Grand Jour­nal » de Canal+, surtout lorsque ces derniers se moquent de la pro­pa­gande des médias russ­es après avoir tran­quille­ment servi leur pro­pre pro­pa­gande atlantiste…

Crédit pho­to : DR www.revueconflits.com

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