Depuis jeudi 11 février 2016, certains journaux français, reprenant les affirmations de la presse britanniques, accusent le Vatican d’encourager les évêques à ne pas prévenir la police en cas d’acte pédophile dans le clergé (ici ou là).
Ainsi, si l’on en croit ces médias, l’Église aurait diffusé récemment des « nouvelles règles » en ce sens. Ces soi-disant nouvelles règles sont en réalité tirées d’un cours donné en 2015 par Mgr Anatrella, prêtre au diocèse de Paris et psychothérapeute, cours qui a été publié début février 2016 par le Vatican dans les Actes du séminaire de formation. De ce cours de formation de 40 pages dispensé aux évêques récemment ordonnés, le Guardian et The Independant ont tiré la conclusion que « les évêques n’ont pas à prévenir la police en cas d’acte pédophile ».
D’après son auteur, Mgr Anatrella, il n’a pourtant « jamais été question de ne pas signaler à la police les délits sexuels sur mineurs ». « Il faut prendre le temps de lire l’ensemble de mon texte », ajoute-t-il pour « I‑Média ». Dans le chapitre concerné par les accusations, un expert auprès du Tribunal de la province ecclésiastique d’Ile-de-France décrit les procédures canoniques à suivre, procédures prévues par le Code de droit canonique et réactualisées par les papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François.
Mgr Anatrella y rappelle l’obligation faite aux évêques par Benoît XVI de signaler à la justice locale les cas d’actes de pédophilie. Il salue également certaines avancées du pape François comme la création d’une Commission de protection des mineurs dans l’Église et d’un Tribunal pour juger les évêques qui auraient couvert des prêtres coupables d’actes pédophiles, sans les signaler à la justice civile, ni à la justice ecclésiale. En outre, il estime qu’un « travail important » doit malgré tout encore être « réalisé dans le cadre de la formation des séminaristes, qui reste encore insuffisante ».
Répondant à cette polémique, le prélat rétorque qu’il est « évident qu’il doit exister une coopération entre les tribunaux ecclésiastiques et les autorités policières et judiciaires concernant ces délits et ces crimes ». « Dans tous les cas et en respectant la présomption d’innocence, insiste-t-il, l’autorité ecclésiale se doit de procéder à un signalement auprès des services compétents selon les procédures en vigueur », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, il se dit « accusé à tort » alors qu’il « explique la procédure à suivre selon les lois civiles de chaque pays et les lois canoniques de l’Église ». Dans un paragraphe sans équivoque, Mgr Anatrella disait clairement « que l’évêque ou son représentant va d’abord inciter le mineur victime et sa famille à porter plainte auprès de la police. S’ils ne le font pas, alors il revient à l’autorité ecclésiastique de faire un signalement. »
De son côté, lundi 15 février 2016, la Commission pontificale pour la protection des mineurs, présidée par le Cardinal Sean O’Malley, a rappelé dans une déclaration l’obligation de dénoncer à la justice tout possible cas d’abus sexuels. Le pape François ayant, par ailleurs, largement œuvré en ce sens, « le Président et les Membres de la Commission affirment qu’ils respecteront les obligations de la loi mais aussi que, au-delà des contraintes juridiques, ils assumeront leur devoir moral de signaler aux autorités judiciaires en charge de la protection sociale tout mauvais traitement, même présumé. »
Un bel exemple d’incompréhension sur lequel les médias français et britanniques se sont jetés. L’occasion de donner dans l’anticléricalisme à peu de frais ?
Crédit photo : Mike via Flickr (cc)