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22‑M, Marcelle tente de s’étendre au-delà de Marseille

21 mai 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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22‑M, Marcelle tente de s’étendre au-delà de Marseille

Temps de lecture : 5 minutes

Le média marseillais Marcelle a annoncé lundi 22 avril qu’il lançait un support dédié au pourtour méditerranéen : 22‑M. Installé depuis plus de cinq ans dans la cité phocéenne, ce site d’information original et plutôt conformiste politiquement va tenter d’étendre sa sphère d’activité notamment grâce à l’intelligence artificielle.

Un média orienté solutions

Un média en onze langues lancé le 22 avril 2024 pour fêter le « jour de la terre » : avec la créa­tion de 22‑M, le média col­lab­o­ratif mar­seil­lais Mar­celle part à l’assaut de la Méditer­ranée. Il s’agira d’une « décli­nai­son de la vision édi­to­ri­ale » de la mai­son mère qui s’est fait un nom dans la plus grande ville du sud de la France en pro­posant un con­tenu « 100 % dédié aux solu­tions » et qui n’entend pas se faire dicter sa ligne et ses pub­li­ca­tions par l’immédiateté qui domine dans les médias en ligne.

Con­va­in­cu que « notre avenir est en grande par­tie com­mun, parce que de nom­breuses prob­lé­ma­tiques sont partagées et que les solu­tions des uns pour­raient devenir celles des autres », le média s’étend donc à l’ensemble des 22 pays, d’où le nom « 22‑M », de la sphère méditer­ranéenne. Une zone où rési­dent un demi-mil­liard d’habitants autour d’une mer qui serait men­acée, selon le Giec, en « mer morte » d’ici 2050.

Info sans frontières ou presque

Le pro­jet présen­té est très auda­cieux : dis­pos­er de 22 jour­nal­istes cor­re­spon­dants, un dans chaque pays. Pour l’heure ils ne sont qu’une dizaine. Déjà une belle équipe à con­sid­ér­er que Mar­celle ne dis­pose que de 2 000 abon­nés revendiqués, pour une pub­li­ca­tion de 1650 arti­cles pub­liés en cinq ans d’existence.

Comme pour Mar­celle, le mod­èle priv­ilégié est ici asso­ci­atif avec l’association d’intérêt général « Mar­celle et nous ». Pour lancer 22-M, le média a ouvert son cap­i­tal à plus de 3000 actions nou­velles à 50 euros. Comme pour le « grand frère » Mar­celle, 22‑M entend être un média « dédié aux solu­tions » avec des thé­ma­tiques tournées vers « l’individu », la société et l’environnement mais aus­si l’économie et le monde asso­ci­atif. L’idée est ici de « se don­ner du temps » en s’en ten­ant au « slow jour­nal­isme » avec un arti­cle pub­lié par jour.

Risques d’antagonismes

À rebours de l’instantané, le mod­èle peut s’avérer séduisant. Dans un autre reg­istre, c’est un peu le pari mené par Slo­bo­dan Despot et son Antipresse. Ancré à gauche et évolu­ant dans un envi­ron­nement du type « retraité de l’éducation nationale » et « tra­vailleurs soci­aux », Mar­celle pro­pose des arti­cles assez divers et se veut résol­u­ment posi­tif un peu à l’image du Média Posi­tif mais avec des arti­cles de fond et de la recherche journalistique.

Le pari est intéres­sant mais risqué. Les pays de la zone méditer­ranéennes sont pleins d’antagonismes et les intérêts de pays aus­si divers que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, l’Egypte, la Pales­tine, le Liban, la Syrie et la Turquie lais­sent entrevoir un casse-tête en matière de ligne éditoriale.
Pour respecter les jours ouvrables des dif­férents pays, le site ne pub­liera que du lun­di au jeudi.

L’Intelligence Artificielle au service de la presse associative

Le média assume le recours à l’intelligence arti­fi­cielle (IA) pour traduire les arti­cles de 22‑M. Cepen­dant, cette tra­duc­tion fera l’objet d’une relec­ture de la part des jour­nal­istes dis­posés dans les dif­férents pays. Une méth­ode qui a le mérite de la trans­parence et qui cor­re­spond finale­ment à la mar­que de fab­rique qui fut celle du Cour­ri­er Inter­na­tion­al, l’IA en plus.

22‑M prévoit par ailleurs de laiss­er la place à des tri­bunes sci­en­tifiques et des reportages de ter­rain. Les tri­bunes seront dif­fusées en parte­nar­i­at avec l’association Neede tit­u­laire, avec Aix-Mar­seille Uni­ver­sité (AMU), de la chaire de l’Unesco « Édu­ca­tion à la tran­si­tion envi­ron­nemen­tale en Méditer­ranée ». Les illus­tra­tions des tri­bunes seront-elles aus­si générées via de l’IA. Les tri­bunes se veu­lent acces­si­bles « pour des jeunes de « 10/12 ans ».

22‑M, idéaliste à durée de vie éphémère ou pompe à subventions ?

22‑M lais­sera son pub­lic dis­pos­er d’une par­tie de ses arti­cles disponibles gra­tu­ite­ment en ligne. Pour le reste, il s’agira de s’abonner quel que soit votre pays de l’espace Méditer­ranée. Les arti­cles gra­tu­its le seront grâce à des par­rainages et des actions de mécénat.

Le site s’en explique et assume de tels sou­tiens « issus du pub­lic comme du privé ». Cette trans­parence en matière de finance­ment glob­al laisse néan­moins plan­er le risque de voir le média se can­ton­ner à des papiers assez liss­es en con­tour­nant les scan­dales qui peu­vent avoir cours dans la zone méditer­ranéenne. Le but du média est, certes, d’apporter des solu­tions, mais il con­vient par­fois de révéler des scan­dales pour pou­voir trou­ver des solu­tions… La part venant des abon­nés, des entre­pris­es et de l’Etat n’est par ailleurs pas détail­lée, ce qui laisse un léger doute sur la part de dépen­dance à des acteurs privés et publics.

Col­lab­o­ratif, par­tic­i­patif et « engagé », 22‑M comme Mar­celle coche toutes les cas­es du pénible voca­ble de l’entrepreneur médi­a­tique con­tem­po­rain. Il s’agira désor­mais de met­tre en musique une par­ti­tion qui peut appa­raître séduisante à cer­tains égards et qui témoigne d’une cer­taine volon­té de réap­pro­pri­a­tion de l’outil médi­a­tique d’une par­tie des con­som­ma­teurs de presse. À moins que le miroir aux alou­ettes ne soit qu’un miroir aux subventions…

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