La qualification de Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle n’a pas donné lieu aux manifestations massives qui avaient été organisées en 2002. On assiste par contre une nouvelle fois à une offensive médiatique menée par différents représentants de la société civile. La presse papier et les éditions en ligne s’en font le relais.
Ce sont tout d’abord certains hauts fonctionnaires qui déclarent dans la presse ne pas vouloir travailler avec Mme Le Pen si elle était élue. Un président de chambre à la cour d’appel de Versailles annonce sa démission en cas de victoire de Marine Le Pen, relaie le Huffington Post. Ce sont aussi d’après Le Monde « les présidents des universités Paris-Descartes, de Bourgogne et de Poitiers (qui) ont écrit à leurs étudiants et à leurs enseignants pour les inciter à voter au second tour contre le Front national. » 20 Minutes ajoute à la liste des « hauts fonctionnaires qui refuseront de servir Marine Le Pen » l’ambassadeur de France au Japon.
Le blog de France Info est parmi le seul à donner la parole à des voies discordantes de hauts fonctionnaires : « certains s’inquiètent, d’autres regrettent les prises de position publiques. Ce n’est pas le rôle d’un haut fonctionnaire ». Tiens, c’est vrai, on en avait presque oublié le devoir de réserve inscrit dans le statut de la Fonction publique…
RTL nous informe qu’« une centaine d’artistes a cosigné une courte tribune dans Libération pour “faire barrage à Marine Le Pen” ».
On aura compris qu’il est important de participer à ce mouvement de vindicte, et surtout de le faire savoir dans les médias. Grâce à Twitter, les opinions peuvent être envoyées en temps réel, avant même le temps de la réflexion. 20 Minutes nous relate un tweet menaçant de Benjamin Biolay suite au ralliement de Nicolas Dupont Aignan à Marine Le Pen : « A tes risques et périls petite teupu [pute en verlan]. Tu vas le payer cher ». Gilles Lellouche traite quant à lui — toujours selon 20 Minutes — le leader de Debout la France de « grosse merde ». Nous n’irons pas plus loin dans le registre ordurier utilisé par des représentants de la culture française. Est-ce le respect des personnes et de leurs opinions qui serait menacé avec l’élection de Marine Le Pen ? Heureusement, des vigies sont sur le qui-vive.
Le secteur associatif n’est pas en reste. Dans le Journal du Dimanche, « 61 associations appellent les citoyens à aller voter au second tour de la présidentielle. Et à se mobiliser face à ceux qui prônent le repli sur soi ». Parmi les signataires, on peut s’interroger sur l’« intérêt à agir » de certains d’entre eux, tant le contenu de cet appel est éloigné de leur objet (la défense de l’environnement, etc. ).
Enfin, ce sont 36 sociétés de journalistes qui dénoncent « l’entrave à la liberté d’informer » par le FN, selon Le Monde. « Le Front national a décidé de choisir les médias qui sont autorisés à suivre Marine Le Pen. » indique le texte.
Cette pratique, justifiée parfois par le manque de place dédiée aux journalistes pour couvrir les déplacements des candidats, n’est pas nouvelle, comme le relatait Le Monde en 2012. « “On ne peut pas se permettre que notre candidat soit noyé sous une forêt de micros et de caméras et que les médias fassent barrage entre le président et les Français”, expliquait alors Franck Louvrier, directeur de la communication de Nicolas Sarkozy.
Plus proche de nous, le site Sputniknews nous informe que « Macron a refusé d’accréditer Sputnik et RT (sites d’information financés par la Russie, note du rédacteur) afin qu’ils soient admis à son quartier général à l’approche de la fin du vote au premier tour de l’élection présidentielle ». Le site 7sur7.be nous apprend quant à lui que M. Macron a négocié l’exposition de sa vie “privée” via un “contrat d’exclusivité moral” passé avec l’agence Bestimage. Aucune réaction indignée ?
Foin de ces arguments, il importe avant tout de participer à la campagne d’indignation nationale relayée par les médias.