Le 23 septembre 2020, près d’une centaine de médias français ont signé une tribune parue en couverture de Charlie Hebdo. Ils lancent ainsi un appel pour que la « liberté d’expression et de la presse », de leur point de vue menacée, soit « protégée ». Ce n’est pas Le Gorafi, malgré les apparences : bienvenue en França-médiatique, le pays d’Ubu-Presse.
« Fort de café », « un canular », « les bras m’en tombent », telles auraient sans doute été les réactions de la majeure partie des intellectuels et observateurs de la vie médiatique et culturelle française il y a cinquante ans, en cette époque récente où la langue française avait encore de l’importance, était parlée dans les rues, apprise dans les écoles et aimée par des Français en très grande majorité de souche. Une époque où le vocabulaire acquis individuellement dépassait quatre cent mots et où l’amour de la langue favorisait la qualité de la réflexion critique.
Réflexion critique, culture de la Raison issue de la philosophie des Lumières, voilà donc ce qui s’est éloigné, éloignement symbolisé par la tribune en question : les médias signataires, incapables de balayer devant leur porte et de se remettre en question, préfèrent désigner du doigt une menace extérieure, réelle bien sûr, celle du fanatisme politique religieux musulman, plutôt que d’interroger leur propre pratique de ce qu’ils nomment « liberté d’expression ».
Les signataires
La Tribune s’intitule « Ensemble, défendons la liberté. Lettre ouverte à nos concitoyens ». Elle se prolonge sur les réseaux sociaux (haut lieu de liberté s’il en est…) et en particulier sur twitter avec le hashtag #DefendonsLaLiberté. Ces mêmes réseaux sociaux qui sont actuellement en train de limiter la liberté d’expression – la limite étant ce qui est autorisé dans le cadre de pensée officielle de la mondialisation libérale-libertaire. On pense comme Obama et Macron ou alors on la ferme.
Très impliquées dans sa mise en oeuvre, France Inter et Radio France insistent sur le contexte : « Charlie Hebdo à nouveau menacé de mort par Al-Qaïda il y a un peu plus de 10 jours, après avoir republié les caricatures de Mahomet. La DRH de l’hebdomadaire satirique, Marika Bret, exfiltrée de son domicile. Face à ces menaces et aux violences à l’encontre des médias de plus en plus récurrentes, vos journaux, chaînes de télévision, radios, ont décidé de prendre la plume ce mercredi matin. Une tribune inédite, pour défendre la liberté d’expression, signée par plus de 90 médias, dont Radio France, tandis que Charlie Hebdo en fait sa « Une ».
Les médias signataires sont : « Alliance de la presse d’information générale, BFMTV, Canal, Challenges, Charlie Hebdo, Cnews, Europe1, France Télévisions, L’Alsace, L’Angérien Libre, L’Avenir de l’Artois, L’Echo de l’Ouest, L’Echo de la Lys, L’Equipe, L’Essor Savoyard, L’Est-Eclair, L’Est républicain, L’Express, L’Hebdo de Charente-Maritime, L’Humanité, L’Humanité Dimanche, L’indicateur des Flandres, L’informateur Corse nouvelle, L’Obs, L’Opinion, L’Union, La Charente Libre, La Croix, La Dépêche du Midi, La Nouvelle République, La Renaissance du Loir-et-Cher, La Renaissance Lochoise, La Savoie, La Semaine dans le Boulonnais, La Tribune Républicaine, La Vie Corrézienne, La Voix du Nord, Le Bien public, Le Canard Enchaîné, Le Courrier français, Le Courrier de Gironde, Le Courrier de Guadeloupe, Le Courrier de l’Ouest, Le Courrier Picard, Le Dauphiné libéré, Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le Journal d’Ici, Le Journal des Flandres, Le Journal du Dimanche, Le Journal du Médoc, Le Journal de Montreuil, Le Journal de Saône-et-Loire, Le Maine Libre, Le Messager, Le Monde, Le Parisien / Aujourd’hui en France, Le Parisien Week-end, Le Pays Gessien, Le Phare Dunkerquois, Le Point, Le Progrès, Le Républicain Lorrain, Le Réveil de Berck, Le Semeur hebdo, Le Télégramme, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Les Echos, Les Echos du Touquet, LCI, Libération, Libération Champagne, M6, Marianne, Midi Libre, Monaco Matin, Nice Matin, Nord Eclair, Nord Littoral, Ouest France, Paris Match, Paris Normandie, Presse Océan, Radio France, RMC, RTL, Sud-Ouest, TF1, Var Matin, Vosges Matin. »
Vous avez dit consensus ?
Plus que des signataires, c’est un consensus : si l’on ajoute France Inter, France Culture et Franceinfo, signataires en tant que parties prenantes du groupe Radio France, la liste comporte pratiquement tous les médias officiels, ceux qui défendent quotidiennement des opinions communes sur tous les sujets sociaux, culturels ou politiques importants. Une tribune du camp du « Bien », celui des « progressistes ». Ainsi, le quotidien, que l’on dit encore chrétien, La Croix est signataire mais il n’y a ni La Nef ni L’Homme nouveau, médias plus conservateurs. De même, ni Présent, ni Valeurs Actuelles, ni Eléments, exemples parmi tant d’autres, comme TVLibertés, ne paraissent avoir été contactés pour signer une tribune en appelant à la liberté. Cela signifie-t-il que ces médias, au lectorat tout de même important et au sérieux journalistique tout aussi respectable que celui des signataires, parmi lesquels il y a L’Humanité tout de même, ne défendraient pas la liberté ? Plus encore, qu’ils seraient des dangers pour cette même liberté ? Ou encore, dans un grand élan comique, s’ils ne sont pas invités, faut-il comprendre que ces médias ne sont pas des… médias ? Aux yeux des signataires, il ne fait pas de doute que ce sont des raisons « valables » : les médias cités, comme tous les médias non progressistes, ne sont pas invités pour toutes ces raisons.
Défense de la liberté et censure de la liberté
Du coup, la question se pose : quelle est la liberté défendue, sinon celle de ceux qui pratiquent la censure de cette même liberté au sein des médias au quotidien ? Le refus de l’AFP de signer la tribune, source parfois unique et quotidienne de ce qui est dit dans les médias signataires, lesquels recopient en masse les communiqués de l’agence, en dit long : l’AFP ne signe pas pour « ne pas mettre en danger ses journalistes dans les pays musulmans ». Une tribune pour défendre des libertés… que ces médias mettent sans arrêt en danger en défendant en permanence l’immigrationnisme échevelé, le refus de reconnaître la réalité ethnique et religieuse des violences perpétrées en France et en Europe, ainsi qu’une conception du monde fondée sur un « vivre ensemble » qui est justement mis à mal par ce qu’ils défendent. Ce qui menace concrètement les libertés, à commencer par les libertés de la presse et d’expression : la conception du monde défendue et mise en avant par les médias officiels signataires de cette tribune. Un tel degré d’aveuglement confine au comique. D’autant que les médias concernés ne sont guère libres, tenus par un minuscule nombre de milliardaires et hautement financés par l’Etat. Sans ces deux mannes, la majorité n’existerait plus depuis longtemps.
La tribune
Elle commence ainsi : « Il n’est jamais arrivé que des médias, qui défendent souvent des points de vue divergents et dont le manifeste n’est pas la forme usuelle d’expression, décident ensemble de s’adresser à leurs publics et à leurs concitoyens d’une manière aussi solennelle. » Ce n’est pas une blague : les auteurs de ce texte semblent réellement penser que les médias signataires « défendent souvent des points de vue divergents » et que « le manifeste » leur est étranger. En réalité, les points de vue convergent au quotidien et le manifeste politique est une habitude, sous forme soft, dans toutes les salles de rédaction. S’il ne fallait qu’une preuve, la récente unanimité et uniformité de réaction, avec des éditoriaux parfois identiques à la virgule près, contre Valeurs Actuelles, après la publication de la fiction ayant Danièle Obono comme personnage principal, suffira.
La tribune rappelle ensuite que « ces dernières années », la violence des mots a été remplacée par la violence physique et que des journalistes ont été assassinés ou réduits au silence pour leurs opinions, mais sans indiquer que l’on ne parle ici que d’opinions progressistes. Elle n’évoque pas le soutien permanent des médias signataires à la venue de migrants, parmi lesquels se trouvent des tueurs. Elle ne parle pas plus de la culture de l’excuse en vigueur dans les salles de rédaction concernées, à propos des djihadistes partis combattre au Moyen-Orient les « valeurs » et la « démocratie » que la tribune indique vouloir défendre, ces mêmes tueurs dont les médias considérés réclament le retour ici, au prétexte qu’ils seraient français, tandis qu’ils font silence au sujet des dizaines de tueurs du même ordre en passe d’être libérés de prison et lâchés dans la nature, plusieurs centaines, de quoi former une véritable petite armée sur le territoire français.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais
Plus loin, le texte rappelle ceci : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi, proclame l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée à notre Constitution. Cet article est immédiatement complété par le suivant : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
C’est exactement ce dernier article de loi que les médias co-signataires battent chaque jour en brèche à coup d’omissions, de mensonges, de procès en intention ou de diffamation, par exemple en gratifiant tel ou tel média qui pense autrement de « média d’extrême droite », façon de le rendre illégitime. « Extrême droite », expression qui tourne en boucle dans tous ces médias et qui vise uniquement à empêcher des citoyens journalistes de « parler, écrire, imprimer librement » dans le respect de la loi. Une manière de faire qui ne concerne pas uniquement les médias pensant différemment mais aussi des personnalités politiques. Un exemple parmi des centaines : en quoi est-il factuellement justifiable de qualifier Robert Ménard d’homme « d’extrême droite » dès que l’on parle de lui dans un de ces médias ?
Il s’agit uniquement par ce biais de rapporter des personnalités ou des médias au mot « fascisme » et de dénaturer par avance leurs opinions. Une atteinte à la déclaration des droits de l’homme, à la liberté de la presse et d’expression perpétrée en permanence par les signataires de la tribune publiée par Charlie hebdo.
La conclusion indique que nous ne sommes pas en 2020 mais en 1789 : « Nous avons besoin de vous. De votre mobilisation. Du rempart de vos consciences. Il faut que les ennemis de la liberté comprennent que nous sommes tous ensemble leurs adversaires résolus, quelles que soient par ailleurs nos différences d’opinion ou de croyances. Citoyens, élus locaux, responsables politiques, journalistes, militants de tous les partis et de toutes les associations, plus que jamais dans cette époque incertaine, nous devons réunir nos forces pour chasser la peur et faire triompher notre amour indestructible de la Liberté. »
Cela pourrait sembler partir d’un vrai bon sentiment et d’une vraie volonté de défendre les libertés, si ce n’était du carton-pâte étant donné le nombre important de médias exclus de cette tribune, considérés comme n’appartenant pas à ce prétentieux « rempart ».
Les médias signataires sont de moins en moins lus, ne saisissent pas que cet état de fait est dû à leur uniformité, ils se plaignent régulièrement, au moins le « jour de la liberté de la presse », de leur baisse de lectorat et du manque de confiance des citoyens à leur égard, sans s’interroger sur les causes de ce manque de confiance exponentiel, ni sur le rôle de la « créolisation » évoquée par Mélenchon, en réalité du Grand Remplacement de la population ethniquement européenne, sur cette baisse du lectorat et de la confiance comme sur les menaces pesant sur leur conception de la liberté.
C’est bien l’idéologie du « vivre ensemble » et du multi-culturalisme, idéologie dont ils sont les propagateurs, qui est la véritable menace : comment se peut-il que ces médias ne le voient pas ?
Une telle chute de l’esprit critique en dit long sur la réalité de ce qui se pense dans les salles de rédaction concernées. C’est aussi l’incroyable uniformité de ces médias qui en dit long, uniformité qui voit les uns et les autres se succéder aux postes de responsabilités, quelles que soient les prétendues orientations des rédactions sauf… quand l’un des journalistes est réellement différent politiquement : il y a ainsi eu une levée de boucliers début septembre 2020 lorsque Louis de Raguenel est entré au service politique d’Europe 1, en provenance de Valeurs Actuelles. Un journaliste qui assume sa droite, les journalistes d’Europe 1 (sauf 3 courageux) n’ont pas supporté et le syndicat des journalistes a appelé à la « vigilance ». Europe 1 a pourtant signé l’appel à la défense de la liberté publié dans Charlie Hebdo : un bel exemple de la valeur de cette tribune. Une valeur nulle.