Abel et Caïn
On ne peut séparer les portraits d’Abel Mestre et de Caroline Monnot qui ont longtemps animé le blog « droites extrêmes » du Monde. Caroline Monnot aime se représenter sur les réseaux sociaux avec une tête d’autruche, libre à chacun d’en faire sa propre interprétation.
Elle travaille au journal Le Monde depuis 1989, et s’est concentrée principalement sur les radicalités politiques. Plus discrète que son collègue Abel Mestre, Caroline Monnot n’est pas pour autant une inconnue dans le milieu journalistique. Elle est aujourd’hui directrice de la rédaction ayant succédé à Luc Bronner.
Formation
Née le 1er octobre 1965 à Champigny-sur-Marne, ville de son école primaire (Marcel Cachin) et de son collège (Louise Michel), Caroline Monnot est issue d’une famille qu’elle qualifie de « modeste ». Elle intègre HEC après le bac. Délaissant l’économie et le marketing, elle bifurque vers le journalisme en passant par Sciences Po, dont elle ressort diplômée.
Elle atterrit donc au Centre de Formation des Journalistes à Paris (promo 1989), une école privée fondée en 1946 par des résistants français, et prenant notamment comme référence Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien pour lequel travaille Caroline Monnot. Une école ou la plupart des diplômés trouvent du travail soit au Monde, soit à l’AFP.
Parcours professionnel
Elle rentre en tant que journaliste au Monde en juillet 1989 à la faveur d’un stage effectué au service économie. Caroline Monnot est alors âgée de 24 ans.
Elle y suit l’actualité de l’extrême droite, de l’extrême gauche (bien que les articles sur cette extrémité-ci restent assez rares), et des courants intégristes de l’Église catholique.
Caroline Monnot devient par la suite chef adjointe du service politique du Monde, poste qu’elle occupe encore actuellement.
En novembre 2009, Caroline Monnot cofonde avec son ami Abel Mestre le blog du Monde « droite(s) extrême(s) », avec pour but de suivre l’actualité de toute l’extrême droite française. Bien que le principal animateur de ce blog soit Abel Mestre, Caroline Monnot cosigne régulièrement des articles avec ce dernier.
Leurs articles et leurs noms sont d’ailleurs régulièrement cités dans les ouvrages et textes traitant de l’extrême droite (Le Front National, de 1972 à nos jours, Valérie Igounet, Éditions du Seuil, 2014, par exemple).
La plupart des articles que publie Caroline Monnot pour le Monde sont cosignés avec d’autres journalistes de son entourage.
Spécialiste des politiques dites « extrêmes » elle interrogera notamment Olivier Besancenot et Jean-Luc Mélenchon pour différentes élections. Elle écrit aussi sur les syndicats, leurs crises, leurs actions.
En 2006 elle se fera vivement critiquer par les sympathisants de Lutte Ouvrière, lorsqu’elle publie un article intitulé « Selon les militants LO, le vote populaire tend vers le PS ou le FN », article retraçant le parcours des caravanes militantes de Lutte Ouvrière. Mais Caroline Monnot se dispense d’aller sur le terrain pour publier et recueille simplement des commentaires laissés sur le « Forum des amis de Lutte Ouvrière ».
Les titres suivants ne sont qu’un florilège des nombreux articles écrits ou co-écrits par Caroline Monnot :
- 2003, « Le voile divise l’extrème gauche ».
- 2004, « Le parti d’Arlette fait deux lectures du 21 mars ».
- 2007, « Pour le PCF, le déclin a commencé en 1981 ».
- 2009, « Du Bloc identitaire au FN, l’extrême droite française se concentre sur la peur de l’islam ».
- 2010, « Le gendarme mobile qui aimait les ratonnades ».
- 2012, « Occupation de la future mosquée de Poitiers : décryptage d’un coup de com’ politique ».
- 2013, « Serge Ayoub, le chef de bande de la mouvance skinhead ».
- 2014, « Jean-Marie Le Pen est-il un problème politique pour le Front national ? ».
En 2016 elle fait partie des trois « rubricards Front National » du Monde, avec Olivier Faye et Abel Mestre. Leur doctrine est résumée par Olivier Faye : « il faut traiter le FN comme les autres partis mais ce n’est pas un parti comme les autres ». Autrement dit, relève Philippe Bilger sur Boulevard Voltaire, « il est possible d’informer normalement sur le FN mais qu’on ne doit pas le faire puisqu’on a décrété qu’il n’était pas un parti comme les autres ».
En mars 2018, elle est promue directrice adjointe de la rédaction. Elle remplace Virginie Malingre. À son poste, elle est remplacée par Solenn de Royer (passée par Le Figaro de 2010 à décembre 2016, La Croix au début de sa carrière, France Inter), flanquée de Bastien Bonnefous (passé par Slate, Libération…).
À partir du 1er janvier 2021, Monnot succède à Luc Bronner, directeur de la rédaction en fonction depuis juillet 2015. Cette décision ne fut pas facile à prendre pour l’intéressée, comme elle le révèle dans Stratégies : « J’étais terrifiée. Je leur ai dit “vous êtes dingues”. Luc Bronner excellait à ce poste. Ils ont dû me rassurer, sur la charge y compris mentale du poste ».
Jérôme Fenoglio, directeur du quotidien, salue cette nomination en des termes d’un militantisme à peine voilé : « Son exigence éditoriale, sa vigilance sur les valeurs qui ont toujours constitué l’identité du Monde, nous assurent qu’elle portera au plus haut notre journalisme dans cette période troublée. Son expérience à la tête du service politique en 2017 sera évidemment cruciale pour que nous soyons à la hauteur de l’un des rendez-vous majeurs des années qui viennent, l’élection présidentielle de 2022. Sa très fine connaissance des discours extrémistes nous aidera à tenir le bon cap dans cette époque, où plus que jamais, nous devons chercher à être un point de repère pour nos concitoyens. » Les lecteurs du « quotidien de référence » sont prévenus ; Marine Le Pen également.
Parcours militant
Elle participe en avril 2017 au Salon du livre antifasciste à Montreuil – elle y anime notamment un « débat » avec Annick Coupé et VISA (vigilance et initiatives syndicales antifascistes) sur… le FN dans les élections présidentielles et législatives 2017. Évidemment. Outre le collectif antifasciste de Montreuil, les instituts syndicaux de recherche IHS-CGT, FSU et CEFI-Solidaires, les maisons d’édition Syllepse, Libertalia, Le Temps des Cerises, Agone… participent à l’événement.
Cependant elle est mise en cause par l’OPIAM, un blog qui flingue toutes les « inepties anti-Mélenchon » pour avoir dit sur Twitter « bonne nuit et ta gueule » à Mélenchon en avril 2014.
En avril 2002 elle s’en prend à Lutte Ouvrière dans Le Monde, au motif de la présence dehors devant le meeting d’un négationniste. « Non que LO entretienne une quelconque sympathie pour ces thèses [négationnistes] mais cette organisation a toujours considéré que le combat antifasciste n’était pas le sien, ou plutôt qu’il était secondaire », écrit-t-elle.
Le 9 mai 2010, date anniversaire de la mort d’un militant d’extrême droite en 1994, un cortège rendant hommage à ce militant défile dans Paris. Caroline Monnot se trouve à une contre-manifestation antifasciste à Paris. On la retrouve alors à côté d’une banderole « riposte sociale antifasciste ». Dans cette mobilisation on constatera la présence de plusieurs syndicats et mouvements de gauche : CGT, Sud Rail, Jeunes Communistes, Alternative Libertaire.
En 2021, peu de temps après sa nomination, elle expose à Libération les convictions de la rédaction du Monde qu’elle épouse parfaitement : « On est pro-Européens, attachés à des valeurs de solidarité, d’égalité, plutôt en faveur de la redistribution », avec « de vieux restes de culture chrétienne dans les murs » se marre-t-elle. Là-dessus, elle se dit « foncièrement athée, mais pas anti-religions ». Elle refuse de nous révéler son vote, arguant que « ça n’a aucun intérêt », avant d’indiquer qu’elle a mis un bulletin dans l’urne « aux deux tours de la présidentielle. Ça vous donne déjà une partie de réponse ».
Publications
- Le Système Le Pen : Enquête sur les réseaux du Front national. Caroline Monnot et Abel Mestre, 2011, Denoël.
- François Pinault milliardaire ou Les secrets d’une incroyable fortune. Caroline Monnot et Pierre-Angel Gay, 1999, Balland.
Collaborations
En mai 2010, Caroline Monnot participe au débat Images de l’extrême droite en Europe, avec Vincent Geisser, sociologue et politologue, Manfred Rist, journaliste suisse correspondant à Paris, Abel Mestre journaliste au journal Le Monde, et Alberto D’Argenzio, journaliste italien correspondant à Bruxelles de L’Espresso et d’Il Manifesto. Organisé par Madeline Woker et son équipe étudiante de Sciences-Po dans le cadre du Festival TRANSEUROPA.
En 2011, Caroline Monnot est sur France Culture à un débat autour du thème « Faut-il rediaboliser le Front National ? », avec Ivan Rioufol (éditorialiste pour Le Figaro) et Sylvain Crépon (docteur en sociologie et “spécialiste” du FN).
Décembre 2011, Caroline Monnot participe à une « rencontre-débat » du Collectif Dionysien contre le Front National et l’extrême droite, avec pour thème « Contre le FN et l’extrême droite, Saint-Denis contre attaque ! ». Ce collectif regroupe : Al, Apeis, Cgt Plaine-Commune, Collectif Antiraciste, Coordination 93 de lutte pour les Sans-Papiers, Fase, Mrap, Mouvement de la Paix, Npa, Pcf, Ps, Ras l’Front, section dionysienne du SNUipp-FSU, diversEs citoyennes et citoyens.
Le 20 juin 2013, elle se trouve à un colloque avec Abel Mestre à l’Université Paris Ouest, sur le thème « 1972–2012. Retour sur quarante ans de Front national », son intervention s’intitulant « La nébuleuse frontiste (réseaux frontistes d’extrême droite et d’ailleurs) ».
Ce qu’elle gagne
Selon Libération, elle gagnait 5.500 euros mensuel en tant que directrice adjointe de la rédaction entre 2018 et 2021.
Elle a dit
« À la sortie, les troupes sont “blindées ”. Et ne voient rien d’autre. Pas même la présence, dehors, de Pierre Guillaume, négationniste notoire, qui peut très tranquillement distribuer pendant de longues minutes son dernier tirage de La Vieille Taupe, sans que quiconque ne lui demande de s’éloigner. (…) Non que LO entretienne une quelconque sympathie pour ces thèses (négationnistes) mais cette organisation a toujours considéré que le combat antifasciste n’était pas le sien, ou plutôt qu’il était secondaire, car il détournait les militants de leur objectif principal, la formation d’un grand parti des travailleurs, dont la constitution réglerait à elle seule le problème. » Caroline Monnot sur un meeting d’Arlette Laguiller, 19 avril 2002.
« Nicolas Sarkozy est perçu comme quelqu’un de brutal » Caroline Monnot, 2007.
« C’est l’histoire d’un humoriste (Dieudonné) dont les meilleurs amis d’aujourd’hui sont ses pires ennemis d’hier. D’un comique qui, il y a douze ans, s’engageait en politique, à Dreux (Eure), contre Jean-Marie Le Pen, qu’il qualifiait alors de «grand marabout borgne», et qui offre désormais son théâtre à des courants politiques plus radicaux encore que le Front national. » Caroline Monnot et Abel Mestre, 2009.
« Chrétien fondamentaliste, islamophobe, voyant en Israël un poste avancé de l’Occident dans la lutte contre le djihad, Anders Behring Breivik se situe très nettement dans la sphère de la nouvelle extrême droite post-11-Septembre, celle du choc des civilisations. » Caroline Monnot, 2011.
« Bonne nuit et ta gueule », sur son twitter en s’adressant à Jean-Luc Mélenchon et l’Observatoire de la propagande et des inepties anti-Mélenchon, 2014.
« Pour Marine Le Pen son père est devenu un problème politique pour le FN » Caroline Monnot, 2014.
« Jean-Marie Le Pen évite la dédiabolisation du Front National avec des déclarations choquantes » Caroline Monnot, 2014.
« Les cons sont souvent fiers de leurs conneries » Twitter personnel de Caroline Monnot, 2014.
« Il y a huit ans, à la droite de la droite, s’agitait un monde parallèle qui formait une véritable contre-culture », Le Monde, 27/10/2016.
« Le service Politique ne roule pour personne. En revanche, c’est à nous qu’il revient de pointer les dynamiques lorsqu’elles surviennent, mais aussi les trous d’air, les erreurs stratégiques, les aberrations programmatiques, etc. Nous le faisons pour Emmanuel Macron comme pour tous les autres candidats importants. », Le Monde 10/03/2017, en réaction aux accusations selon lesquelles le journal roulerait pour Emmanuel Macron.
« Notre rôle, au service Politique, est à la fois de raconter la campagne et de décrypter les programmes. En clair, de donner au lecteur le maximum d’informations de manière à éclairer le mieux possible son vote », ibid.
« [J]e souhaite féminiser le dessin de presse », France Info, 28/01/2021.
Sur la révolution des Oeillets : « Le 25 avril 1974, j’avais huit ans, chez des copains de classe, à Champigny, j’ai vu toute la famille la grande mère, les parents, pleurer, s’étreindre, nous embrasser. C’était la fin d’une VRAIE dictature #Portugal », Twitter, 25/07/2021.
Ils l’ont dit
« L’auteure de l’article — Caroline Monnot -, souvent mieux inspirée, livre un commentaire à l’occasion d’un compte-rendu et s’appuie sur des organisations d’extrême-gauche contre une autre, dans un journal qui les récuse toutes. Drôle de jeu ! », Acrimed, avril 2002, au sujet de ses propos sur Lutte Ouvrière.
« Caroline Monnot, (…) ne s’était jamais fait remarquer jusqu’à présent par l’originalité de ses articles. Comme la plupart de ses confrères et consœurs, les articles de Caroline Monnot, bâtis à l’aide de petites phrases généralement anonymes renvoyaient une image assez déplorable de l’extrême gauche et du mouvement altermondialiste. » David Noël (secrétaire de la section d’Hénin-Beaumont du PCF, conseiller municipal PCF), août 2006.
« (…) Plutôt que d’aller suivre la caravane de LO, la journaliste du Monde a tout simplement recopié dans les colonnes du quotidien du soir les témoignages de “Zdanko” et d’ ”Ottokar” sur le Forum des Amis de LO. Zdanko et Ottokar y racontaient avoir discuté avec de nombreux badauds décidés à voter FN pour protester ou à voter utile en votant PS dès le premier tour. On peut s’interroger sur cette nouvelle pratique journalistique qui consiste à citer les intervenants d’un forum. » David Noël (secrétaire de la section d’Hénin-Beaumont du PCF, conseiller munucipal PCF), août 2006.
« Les journalistes Abel Mestre et Caroline Monnot du Monde ont choisi de me mettre en scène d’une manière particulièrement vicieuse, sans avoir même cherché à me contacter. Dans un magnifique collage marabout-de ficelle (Le Gallou = Ménard = Delapierre = Mélenchon), ils concluent ainsi un papier de leur blog consacré à une initiative du militant d’extrême-droite Le Gallou. Après avoir signalé que ce Le Gallou a donné une interview au site de Robert Ménard (et Dominique Jamet), les voilà qui ajoutent qu’une militante d’extrême-droite « y réalise des entretiens, comme celui avec… François Delapierre, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon ». Rien de plus car c’est leur chute. Mais en ne prétendant rien ils suggèrent tout. Pour ceux qui n’auraient pas compris le sous-entendu, les points de suspension sont là pour signaler qu’il y a des choses non dites que chacun peut compléter par lui-même. Ces manières sournoises me blessent au plus haut point. Je note leur extraordinaire continuité avec la technique de Ménard », François Delapierre, mis en cause par Abel Mestre et Caroline Monnot, 15/10/2012.
« Ce n’est pas un lapin sorti du chapeau, elle fait l’unanimité », Raphaëlle Bacqué, Libération, 14/01/2024.
« Son premier souvenir politique remonte à 1974. Des œillets fleurissent partout dans Champigny-sur-Marne. Le renversement de la dictature salazariste provoque l’émoi du fief de Georges Marchais, qui a accueilli l’immigration portugaise. Toute son enfance fut comme ça, typique du Val-de-Marne de l’époque, une enfance en banlieue rouge avec des voyages scolaires en URSS et des licences sportives à la FSGT », Libération, Ibid.
« Caroline, c’est quelqu’un de très vertébré. Sérieuse et fantaisiste, habitée par un formidable bouillonnement et une fièvre », Frédéric Carbonne, Stratégies, 20/01/2021.
Vie privée
Elle vit à Gentilly dans sa région d’origine, le Val-de-Marne. Elle a un frère architecte et une sœur pharmacienne.
Sa nébuleuse
- Caroline Monnot fait partie « des amis de la LICRA ». (Rapport d’activités de la LICRA 2010).
- Abel Mestre (voir portrait).
- Cédric Pietralunga, ancien journaliste de « Capital », directeur adjoint de la rédaction du Monde depuis juin 2024.
- Alexandre Lemarié, chef adjoint du service politique.
- Frédéric Carbonne, condisciple du CFJ et ancien rédacteur de France Info.
- Le site de ré-information de la gauche anticapitaliste « Bella Ciao », publiant régulièrement ses articles sur l’extrême gauche.
- Jean-Yves Camus, politologue français, auteurs de nombreux ouvrages, spécialiste de l’extrême droite.
- Le site belge Resistances.be, « web journal de l’observatoire belge de l’extrême droite ».
- Pierre-Angel Gay, ancien journaliste au Monde et à La Croix, aujourd’hui directeur de la communication institutionnelle, la communication publique avec les élus et les décideurs publics (print, web et événementiel), la communication économique (rapport annuel…), la communication RSE, ainsi que de la communication responsable.
- Stéphane François, historien des idées et spécialiste des sous-cultures d’extrême droite.
- Le site de référence antifasciste français REFLEXes (Réseau d’Étude, de Formation et de Lutte contre l’Extrême-droite et la Xénophobie) qu’elle source bien volontiers dans ses articles.
Crédit photo : capture d’écran vidéo (DR)