Libération va bien, très bien même. Bien qu’en deçà des 100 000 exemplaires diffusés par jour (très en deçà même si l’on tient compte des « ventes aux tiers » SNCF, compagnies aériennes, hôtels etc. qui sont en réalité des opérations promotionnelles gratuites), bien que perdant force picaillons et bientôt une partie de sa rédaction, le quotidien du Marais (le quartier parisien, pas le marais politique, quoique…) distribue bons et mauvais points. Et n’hésite pas à s’attaquer aux puissants.
Car il en faut de la témérité pour viser le Sieur M’bala M’bala, alias Dieudonné ! Et gare aux imprudents qui s’aviseraient de prendre sa défense. Dans un courageux article paru le 24 septembre, Dominique Albertini et Willy Le Devin écrasent d’un coup de talon distrait mais sur une page entière « le pétard mouillé des avocats de Dieudonné » qui viennent de publier un mémoire en défense concernant leur client. Décryptage. Dieudonné n’est plus un humoriste mais un « polémiste » (expression récurrente du Figaro au Monde). Ses avocats défendent un « sulfureux client ». Aussi sulfureux que la rédaction de Libé qui a plaisamment surnommé leur nouveau directeur, Fraidenraich, « Troisième Reich » ? Le livre Interdit de Rire, est « imprimé en Serbie ». Diable, Srebrenica n’est pas loin. Et par « les éditions suisses Xénia », c’est à dire les banques genevoises, la chasse aux minarets, les étrangers privés de pain… Mais si Patrick Drahi nouvel actionnaire de référence de Libération est résident suisse, c’est évidemment pour des raisons morales et il ne saurait être confondu dans l’opprobre. D’ailleurs « le livre aurait été refusé par plusieurs maisons françaises ». L’honneur est sauf, l’édition française a tenu bon. Et puis, c’est un « Suisse d’origine serbe » (double marque d’infamie) Slobodan Despot « proche des milieux identitaires » qui a accueilli le mal chez Xénia, sa maison d’édition valaisanne. Pire il fréquente la « tête de gondole en Helvétie » des identitaires, Oskar Freysinger. Ce dernier est député du premier parti suisse l’UDC et également conseiller d’État du Valais – équivalent d’un ministre – mais vu en lumière rasante, il présente une couleur jaune clair évoquant le soufre. Une narine délicate décèle le danger facilement.
Lecteur de Libé rassure toi, après le brûlot politico-sentimental de la belle VT (les initiés comprendront), Interdit de Rire n’entraînera pas de « crise de régime » et la « bombe a des allures de pétard mouillé ». Ouf, après Duflot, VT, Montebourg, Thévenoud, les faux diplômes de Camba, les « Sans Dents » et les illettrées, Hollande peut enfin dormir tranquille, le M’bala n’a pas déposé un engin explosif sous sa couche. De longues arguties comptables démontreront que le « cadeau fiscal » de 200 000 € en faveur du M’Bala n’en est pas un et d’ailleurs rien ne prouve que Dieudonné soit un « contribuable exemplaire ». Rien ne prouve non plus que Fernand Raynaud, Raymond Devos ou Coluche n’aient pas eu un jour des démêlées avec le fisc, mais ce n’est pas ce que le public demande à un humoriste. Mais évidemment si c’est un « polémiste ».… L’article regrette : « Dieudonné sans théâtre fixe ? Ce n’est pas pour demain ». Il est vrai qu’au bagne de Cayenne bientôt rétabli, il y aurait de la place et un public choisi. Las, le monde est mal fait et « le livre semble rencontrer un beau succès » car « entre 12 000 et 15 000 exemplaires avaient été écoulés en prévente dès dimanche dernier » et l’ouvrage « se classait en deuxième position des ventes sur Amazon ». Interdit de rire.
David de Stefano, Sanjay Mirabeau, Interdit de Rire, Xénia éd.
Crédit photo : hervaud via Flickr (cc)