À deux semaines d’intervalle, mi-octobre et début novembre, les deux principaux titres satiriques, Siné Mensuel et Charlie Hebdo tirent la sonnette d’alarme auprès de leurs lecteurs. Ils seraient au bord de la cessation de paiement. Explications.
L’Hebdomadaire Charlie Hebdo, leader de cette famille de presse, est le plus sévèrement touché (100 000 euros de pertes pour 5,2 millions d’euros de chiffre d’affaires prévisionnel en 2014). Le déficit a doublé par rapport à 2013. En cause, une baisse de 7 à 8% de sa diffusion (30 000 exemplaires, selon l’éditeur en 2013) depuis 2010, alors qu’elle constitue sa source exclusive de revenus. Le titre dirigé par Stéphane Charbonnier compte “lever” pas moins d’un million d’euros en deux mois pour, enfin, effectuer sa révolution numérique. En 2011, après l’incendie qui a ravagé ses bureaux, le titre avait récupéré près de 300 000 euros en quelques semaines. Dans les deux cas, les dons, effectués auprès de l’association Presse & pluralisme, peuvent être défiscalisés à hauteur de 66% pour les particuliers et de 60% pour les entreprises.
L’objectif, pour Les Éditions rotative, éditrices du titre, est de doter Charlie Hebdo d’un vrai dispositif numérique générateur de revenus. CharlieHebdo.fr n’a réalisé que 25 000 euros de recettes. Un site renouvelé, intégrant une version numérique payante de Charlie Hebdo et la possibilité de consulter les archives, est ainsi dans les tuyaux au premier semestre 2015. Une application mobile, sur tablette et sur smartphone, doit aussi être lancée. Le titre, qui recrutera un salarié sur le site, pense atteindre par ce biais 120 000 euros de recettes sur ce canal d’ici deux ans. L’arrivée d’argent frais permettra également à Charlie Hebdo de moderniser sa formule print, qui date de cinq ans. Il s’agit par ce biais d’au moins freiner l’érosion de la diffusion. Très tardivement, Charlie Hebdo réalise que sa survie dépend à présent d’une réforme sensible de son modèle économique.
Sans actionnaire industriel comme Charlie Hebdo (détenu par ses trois dirigeants, Stéphane Charbonnier, Laurent Souriceau et Eric Portheault), Siné Mensuel est aussi aux abois. Le titre, d’abord créé en 2008 sous forme d’Hebdomadaire par le dessinateur Maurice Sinet, vivote en version mensuelle. Il diffuserait moins de 10 000 exemplaires. Également dépourvu d’outil numérique réel, Siné Mensuel pourrait définitivement être arrêté fin 2014 sans l’aide financière de son lectorat.
Le navire amiral de la famille de presse satirique, Le Canard enchaîné, est lui-même attaqué sur ses fondamentaux. Sa diffusion (399 567 exemplaires) a baissé de 16% en 2013, entraînant un fort recul de son chiffre d’affaires l’année dernière. Ce dernier est passé de 30 millions d’euros en 2012 à 25 millions en 2013. Sans son trésor de guerre de plus de 100 millions d’euros, Le Canard enchaîné, rétif à tout développement digital, serait également menacé à moyen terme.