Les journalistes constituent-ils une caste qui cultive l’entre soi jusqu’à l’enfermement ? Quelques réponses avec deux bons connaisseurs.
Atlantico : Lors de l’émission des Paroles et des actes, jeudi sur France 2, Jean-François Copé a une nouvelle fois fustigé “la bien-pensance” des journalistes parisiens. La presse française est-elle vraiment coupée des réalités que vivent les Français moyens ? Peut-on parler, comme le dit le secrétaire général de l’UMP, de “Saint-germanisation-des-Près” des esprits médiatiques ?
Jean-Marie Charon : Je pense que ce sont des formules qui expriment une tension entre les politiques et les médias. On a d’un côté la communication d’un pouvoir qui cherche à imposer son agenda politique et de l’autre des médias qui tentent de démonter un message qu’ils jugent trop construit. Il s’agit là d’un décalage de plus en plus fort entre la logique de communication et celle de l’information. En dénonçant une certaine caste journalistique, le pouvoir tente donc de surfer directement sur l’opinion, qui n’est pas imperméable à cette dénonciation des grands médias. On évoque ainsi souvent des salaires mirobolants ou encore la connivence des grands journalistes qui jugulerait la liberté de l’information. Du reste on peut se demander si cette logique de confrontation n’est pas tout simplement partie intégrante du système démocratique. C’est plutôt l’inverse qui serait inquiétant : des politiques satisfaits des médias, cela sous-entendrait que l’on vit dans un régime dictatorial.
André Bercoff : Vieux débat, vieilles contradictions. Nous sommes loin et depuis longtemps, de Zola et d’Albert Londres, d’Orwell et de Kessel, de London et Camus. La connivence entre journalistes et politiques, les milieux où l’on se congratule et se coagule, la dimension “Ménines de Velasquez” de ceux et celles qui vivent dans le même lieu est aujourd’hui le dénominateur commun, plus ou moins caché à gauche comme à droite, de l’information en général et du journalisme politique en particulier. La pipolisation récente du “milieu” étale au grand jour les amours tumultueuses ou harmonieuses des hommes de pouvoir et des chroniqueuses spécialisées.
Que la presse française en général et parisienne en particulier ne vive pas les états d’âme du Français moyen paraît une banalité de base, sauf que, depuis dix ans, la rumeur permanente et transversale d’Internet permet aux dits Français de faire publiquement et massivement état de leurs opinions, ce qui était impensable auparavant. Quant à l’esprit germanopratin, il règne depuis plus de soixante ans sur ce qui se dit, s’écrit et se filme puisque le socle de l’intelligentsia repose sur toujours sur le même trépied : université, journalisme et édition. La décentralisation n’a pas ébranlé la monarchie quasi absolue du VIème arrondissement. Mais encore une fois, Internet creuse comme une jeune taupe.
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