Figure de proue de l’hyper-classe médiatique mondiale
« Nous vivons un âge d’or du journalisme »
Arianna Huffington, la fondatrice du site international The Huffington Post compte parmi les personnalités médiatiques et journalistiques les plus influentes du monde. Son site, fort d’une influence certaine outre-Atlantique, a su s’importer dans pas moins de 15 pays et connaît un véritable rayonnement.
Formation
Arianna Stassinopoulos, fille d’un journaliste grec, est née à Athènes en 1950. Elle possède toujours la double nationalité États-unienne et grecque. À 16 ans, elle décroche une bourse et s’installe en Angleterre où elle poursuit des études d’économie à l’université de Cambridge. Elle y obtient une maîtrise. Elle sera également la 3ème femme élue présidente de la « Cambridge Union Society », la plus ancienne société de débat dans le monde. En 1973 elle publie son premier ouvrage : The Female Woman dans lequel elle critique le mouvement féministe Women’s Lib. C’est au Royaume-Uni qu’elle connaîtra ses premiers émois journalistiques avec Bernard Levin (de 22 ans son aîné), un célèbre journaliste anglais proche du parti travailliste (presse écrite et radio) avec qui elle entretient une relation amoureuse. Ce dernier est décrit par le Times comme le journaliste le plus célèbre de son époque. Elle le quittera en 1980 suite au refus de ce dernier de se marier et d’avoir des enfants. Elle s’envole alors pour les États-Unis et rencontre, en 1986, l’homme politique (républicain) et homme d’affaires (riche héritier de l’industrie du pétrole texan) Michel Huffington avec qui elle se marie. Le couple aura 2 enfants (2 filles aujourd’hui étudiantes dans la prestigieuse université de Yale). Son mari devient secrétaire adjoint de la défense pendant le mandat de Ronald Reagan. Le couple s’installe alors en Californie pour que Michel puisse accéder à un siège à la chambre des représentants. En 1997 le couple se sépare, son mari annonce publiquement sa bisexualité et s’engage dans le militantisme LGBT.
Parcours professionnel
Partie aux États-Unis (à New York) en 1980, elle travaille pour le National Review (un magazine d’opinion américain à large diffusion) et publie un livre sur Maria Callas : La femme derrière la légende et un autre sur Pablo Picasso : Picasso créateur et destructeur. En 1994, elle publie un livre quasi-mystique sur la politique conservatrice et sur la religion dans lequel elle entend aider le lecteur à développer son « 4ème instinct », à s’ouvrir à la « connaissance de soi » et à la « découverte de la spiritualité ». En 1998 après l’affaire « Monica Lewinsky » impliquant le président Bill Clinton dans une affaire d’adultère avec une stagiaire, Arianna demande sa démission.
En 2000, elle publie Comment renverser le gouvernement ? Un ouvrage dans lequel elle entend dénoncer la corruption sous le mandat de Clinton.
En 2003 elle publie Fanatics and fools (Des fanatiques et des imbéciles), un livre sans concession pour l’aile droite du Parti Républicain, notamment Dick Cheney ou Georges Bush.
L’année suivante, dans Pigs at the Trough (littéralement « Les cochons aux auges »), elle dénonce le management dans les entreprises contemporaines, leur esprit insensible et avare en contradiction avec les valeurs fondamentales de l’américain moyen. Parmi les entreprises pointées du doigt se trouve AOL, présentée avec d’autres géants américains (Tyco, Merrill Lynch, WorldCom) comme des modèles de corruption.
C’est en 2005 qu’elle fonde le site The Huffington Post, avec l’homme d’affaire Kenneth Lerer, un site d’information internet basé très largement sur l’interactivité entre les internautes et les journalistes. Le site connaît un succès immédiat. Il est alors marqué très à gauche.
En 2011 elle décide de vendre le HP… au même géant AOL qu’elle estimait corrompu 7 ans auparavant… Une transaction estimée entre 300 et 315 millions de dollars.
Depuis l’émergence du Huffington Post, Arianna est devenu une véritable vedette des média, elle est présente en temps qu’invitée ou chroniqueuse dans de nombreuses émissions radio et télé. Une célébrité qui la pousse même à prêter sa voix pour un dessin animé (The cleaveland Show). Arianna fait aujourd’hui partie du conseil d’administration de la « Archer School for Girls », une école élitiste pour fille de 12 à 18 ans.
Arianna Huffington estime que son journal en ligne est à la fois une entreprise de presse et une plate-forme collaborative. Une manière d’utiliser des collaborateurs gratuitement tout en récoltant des bénéfices. Ce qui lui permet d’estimer que « nous vivons un âge d’or du journalisme ». Depuis 2011 elle a réussi à exporter le modèle Huffington Post dans 15 pays où il a à chaque fois rencontré le succès. Arianna Huffington explique le changement de ligne du site par la demande : les articles politiques attirent en effet moins de 15% du lectorat contre 50% à ses débuts. En France, elle jette son dévolu sur Anne Sinclair pour animer le HP France (lancement début 2012), confiant avoir apprécié son travail de bloggeuse lors de son passage à Washington.
Son dernier ouvrage paru en 2014 « Thrive » porte sur le « bien être », sa nouvelle lubie.
En 2012, elle est classée 29e au palmarès des femmes les plus puissantes du monde publié par le magazine Forbes.
Le 11 août 2016, elle quitte le poste de rédacteur en chef du Huffinton Post pour diriger Thrive Global, une entreprise dont l’objectif est de lutter pour le bien-être et contre l’épuisement des salariés.
Elle lève 7 millions de dollars en 2016, puis 30 autres à l’automne 2017, portant la valorisation de son entreprise à 120 millions de dollars. Institutional Venture Partners (20 millions de $), Marc Benioff, CEO de Salesforce (5 millions de $), Phil Fernandez, co-fondateur de Marketo, Sean Parker, co-fondateur de Napster, Lerer Hippeau Ventures, Greycroft Partners et Advancit Capital y ont investi.
Selon Gizmodo (14/11/2017) suite à une enquête interne sur des allégations de harcèlement sexuel par Jimmy Soni en 2012–2013, un cadre dirigeant qu’elle appréciait particulièrement, elle ne dénonce pas ses agissements mais l’envoie au contraire lancer le HuffPost India à New Delhi en mai 2014.
Parcours militant/politique : un caméléon libéral-progressiste
Malgré sa relation avec le journaliste Bernard Levin proche des milieux travaillistes anglais, Arianna Huffington ne laisse pas transparaître un véritable intérêt pour les politiques de gauche. Son mariage avec Michel Huffington lui permet d’intégrer les réseaux républicains. La journaliste se situe à l’aile gauche du parti, libérale certes, mais aussi progressiste. Après son divorce elle reste active dans les réseaux républicains mais se rapproche des démocrates sur les sujets de société. Ainsi, elle se déclare favorable à l’avortement et opposée au port d’arme. Son entrée sur la scène politique se réalise en 2003, elle affronte Arnold Schwarzenegger (Républicain) pour le poste de gouverneur de Californie. C’est un échec mais une belle expérience politique de son propre aveu. Elle effectue ainsi un virage « socialisant » qui durera environ 7 ans. En 2004, elle soutient John Kerry contre Georges W. Bush à l’élection présidentielle et met ainsi définitivement un terme à son passé Républicain. En 2007, elle intègre le top 100 des femmes les plus influentes du monde pour le magazine Forbes et y figure tous les ans depuis, ainsi que dans le classement du Times. En 2008, elle publie Lunatic Fringe Hijacked qui traite de la vulnérabilité de la sécurité intérieure américaine. En 2009, elle organise un diner avec des personnalités de la presse au cours duquel sera lancé le mouvement « Move Your Money » qui propose aux américains de retirer leur argent des six principales banques américaines, accusées d’être trop puissantes, au profit de banques de proximité ou de caisses de crédit à but non lucratif. En 2010 enfin, elle écrit un ouvrage sur l’abandon des classes moyennes, dernier ouvrage où elle défend une vision « socialisante » de la politique.
.@HillaryClinton: Supreme Court should rule in favor of same-sex marriage http://t.co/OGyG5wkBe6
— Arianna Huffington (@ariannahuff) 15 Avril 2015
Combien elle gagne
Depuis 2011 Arianna Huffington est payé 4 millions de dollars par an par AOL pour diriger le Huffington Post. La vente du site au groupe AOL en février 2011 lui aurait rapporté 18 millions de dollars.
Elle l’a dit
« Dormir est une drogue miracle », Le Figaro Madame, 2014.
« Notre définition actuelle et impossible de la réussite est un problème mondial et il exigera une réponse mondiale »
« Le Huffington Post projette d’employer la technologie pour nous aider à affronter toutes ces forces dont la technologie elle-même, qui peuvent nous faire perdre l’équilibre »
« Nous chercherons à redéfinir le succès et à le placer au centre de nos discussions »
À propos d’un collectif de blogueurs et d’un syndicat de journaliste ayant lancé un appel à la grève, Arianna Huffington déclare : « Allez‑y, faites la grève, personne ne s’en apercevra »
« Les anciens vénéraient le sommeil. Mais, au moment de la Révolution industrielle, il est devenu synonyme de temps à coloniser et monétiser. Et cette idée fausse que le burn-out et le manque de sommeil ne sont qu’un prix à payer pour avoir du succès reste d’actualité. Le problème est vraiment grave ! », Le Point, 04/10/2017.
« Nous sommes tous des toxicomanes numériques. La technologie nous permet de faire des choses incroyables, mais elle a aussi provoqué une accélération dans nos vies qui n’est pas tenable. Nous sommes sous le contrôle de ces objets alors que c’est nous qui devrions les contrôler », ibid.
« Cela ne fait aucun doute que son manque de sommeil ne lui rend pas service [à Trump] – ni à son pays. Le sommeil est particulièrement important pour les hommes politiques, car la prise de décision y est essentielle et les enjeux s’avèrent cruciaux », ibid.
« Tout le monde devrait éteindre son téléphone et respecter le sabbat », Haaretz, 14/03/2018.
Sa nébuleuse
Non renseigné.
Publications
- The Female Woman (1973)
- After Reason (1978)
- Maria Callas: The Woman Behind the Legend (1981; 1993)
- The Gods of Greece (1993)
- The Fourth Instinct (1994)
- Picasso: Creator and Destroyer (1996)
- Greetings from the Lincoln Bedroom (1998)
- How to Overthrow the Government (2000)
- Pigs at the Trough (2003)
- Fanatics & Fools (2004)
- On Becoming Fearless…In Love, Work, and Life (2007)
- Right is Wrong: How the Lunatic Fringe Hijacked America, Shredded the Constitution, and Made Us All Less Safe (2008)
- Third World America: How Our Politicians Are Abandoning the Middle Class and Betraying the American Dream (2010)
- Thrive: The Third Metric to Redefining Success and Creating a Life of Well-Being, Wisdom, and Wonder (2014)
Traductions en français
- Picasso, créateur et destructeur, Stock, 1989 (réédition Livre de poche, 1991)
- L’Amérique qui tombe : comment les politiques ont trahi le rêve américain et abandonné la classe moyenne, Fayard, 2011
- S’épanouir, réussir sans défaillir, Fayard, 2015
- La Révolution du sommeil, Fayard, 2017.
On a dit sur elle
« Avant de fonder le très progressiste site d’information, Arianna Stassinopoulos était une femme ambitieuse flirtant avec les conservateurs américains », Libération, 12/08/2016.
« Le succès, Arianna Stassinopoulos l’a toujours désiré. Dotée d’une ambition dévorante, elle décroche à 16 ans une bourse et s’envole pour l’Angleterre. A Cambridge, où elle étudie l’économie, elle devient la première femme étrangère à présider le prestigieux club de débat. Deux décennies et trois ouvrages plus tard, installée aux Etats-Unis, elle épouse Michael Huffington, héritier d’une fortune pétrolière texane. A en croire une enquête extrêmement fouillée, publiée en 1994 par Vanity Fair, Arianna Huffington a mis le grappin sur ce multimillionnaire conservateur pour satisfaire son propre appétit de pouvoir », ibid.
« Elu représentant de Californie en 1992, Michael Huffington brigue deux ans plus tard un siège de sénateur. Mais selon Vanity Fair, l’homme n’a ni vision ni connaissance politique. En coulisses, c’est madame qui tire les ficelles et donne les consignes de vote. A l’époque, le bien-être collectif n’est semble-t-il pas la préoccupation majeure d’Arianna Huffington. D’anciens assistants parlementaires évoquent des menaces », ibid.
« Connue pour ses commentaires très à droite dans la presse américaine, elle se convertit peu à peu aux idées progressistes. En 2003, elle se présente en indépendante pour être gouverneur de Californie, contre un certain Arnold Schwarzenegger. La presse révèle que la candidate, qui vit dans une maison à plusieurs millions de dollars, n’a payé que 700 dollars (624 euros) d’impôts en deux ans », ibid.
« Elle met sur pied le Huffington Post, site d’information participatif marqué très à gauche. Le concept de départ est révolutionnaire : utiliser son carnet d’adresses très fourni (notamment à Los Angeles) pour faire écrire des célébrités sur l’actualité, mais aussi s’appuyer sur un vaste réseau de blogueurs et de «journalistes citoyens» – non rémunérés. Le site, qui excelle dans le référencement Google, devient rapidement l’un des plus consultés aux Etats-Unis », ibid.
« Visionnaire, la femme d’affaires a compris très tôt la montée en puissance de l’information sur Internet, contraignant la sphère médiatique à se réinventer. Opportuniste, elle a su utiliser un vivier de contributeurs volontaires, leur promettant pour tout salaire la gloire de publier sur le «HuffPo», ibid.
« Fondatrice du HuffPost, femme d’affaires, éditorialiste star, candidate au poste de gouverneur en Californie, Arianna Huffington a longtemps été une hyperactive ambitieuse. Mais le 6 avril 2007, elle s’effondre, victime du « mal du siècle » : le burn-out et le manque du sommeil. Depuis, la Gréco-Américaine a arrêté les mails à trois heures du matin pour se réinventer en évangéliste du sommeil », Le Point, 04/10/2017
« Arianna Huffington a également lancé une plateforme sur laquelle des experts en neurosciences, des médecins, des étudiants, des célébrités, comme Selena Gomez et Ashton Kutcher, et des entrepreneurs, à l’image de Jeff Bezos et de Richard Branson, partagent leurs expériences personnelles sur la façon dont ils sont parvenus à réussir sans aller jusqu’à l’épuisement. A ce jour, la plateforme revendique une communauté de plus de 15 000 contributeurs qui touche plus de 20 millions d’utilisateurs », Frenchweb, 30/11/2017
Crédit photo : jdlasica via Flickr (cc)