« L’esprit Canal », c’est lui. Emblématique directeur des programmes de Canal+, Alain de Greef est mort lundi 29 avril des suites d’un cancer.
Sa carrière dans l’audiovisuel a débuté en 1971. À l’époque, fraîchement sorti de l’Institut des hautes études cinématographiques (Idhec, aujourd’hui Fémis), il rejoint l’ORTF comme chef monteur, puis Antenne 2 en 1974.
Sur la 2, il rencontre Pierre Lescure et monte l’émission « Les Enfants du rock ».
En 1984, il participe au lancement de Canal+, une chaîne privée qui se donne pour vocation de « briser les codes » et revendique une liberté de ton supérieure aux trois autres chaînes, toutes publiques.
Alain de Greef dirige tout d’abord la production, avant d’être nommé par Lescure à la direction des programmes. « En toute liberté, il peut enfin donner libre cours à sa conception de la télévision, où les émissions ne sont pas formatées et soumises à la sanction de l’audience », écrit Le Monde.
C’est dans cet état d’esprit qu’il lance les programmes phares de la chaîne, et ô combien symboliques de l’esprit Canal, tels que « Nulle Part Ailleurs », « Les Guignols de l’info », « Groland » ou encore « Les Deschiens ». Par ailleurs, il repère et propulse des artistes comme Jamel Debbouze, Jules-Edouard Moustic et Benoît Poelvoorde.
La provocation est son pain quotidien. Avec cette arme de destruction massive qu’est Canal+, il passe au crible de la dérision tout ce qu’il vomit : l’ordre moral et politique, l’Église, les institutions, les Français de souche, forcément beaufs et racistes… « Alain de Greef avait compris depuis longtemps que la société avait besoin de sa part de chaos et qu’il était nécessaire de bousculer ses règles à travers la télévision », se réjouit encore Le Monde. En 2001, il est viré de la chaîne, avec Pierre Lescure, après son rachat par Vivendi.
En retrait du monde médiatique, il ne se privera pas pour autant de critiquer la télévision. Pour preuve, en novembre 2014 dans un entretien accordé au journal Le Monde, il s’en prend aux actuels dirigeants de Canal+ ainsi qu’aux « experts en marketing » qui conduisent la chaîne à de nombreuses « dérives ». Surtout, il se dit navré de voir des émissions comme « Le Grand Journal » inviter des personnalités comme Nadine Morano ou Éric Zemmour. « C’est comme voir un odieux graffiti sur une toile de Vermeer ! », se lamentait-il.
En 2005, après la sortie d’un livre sur le monde de la télévision, Vous regardez trop la publicité, il déclare au site L’Internaute que « la vie est manifestement trop courte » et qu’il « repartirait bien pour un tour ». À présent qu’il est bel et bien parti, il reste à souhaiter que « l’esprit Canal » le suive au plus vite dans la tombe…
Voir notre dossier : « L’esprit Canal : derrière la dérision, le fanatisme »
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