Les limites sont souvent très fines, et non moins souvent dépassées, entre la publicité et l’information. Surtout si l’actionnaire principal conçoit les médias quasi exclusivement comme un outil d’influence pour ses autres affaires, l’information étant moins prioritaire. Et comme illustration de la vision des médias selon Bolloré, son journal gratuit Direct Matin vient de se faire prendre en flagrant délit deux fois de suite.
Le 24 septembre dernier, Direct Matin consacrait un grand article aux « têtes du Grand Journal » sur Canal+. Une chaîne appartenant à Vincent Bolloré soumise depuis le début de l’été à un grand ménage dont l’épisode le plus marquant a été la saga des Guignols, finalement sauvés, mais qui auront perdus leur mordant en cours de route.
Aucune mention de ces péripéties dans l’article de Direct Matin. Au contraire, il louait « la nouvelle équipe de l’émission [qui] s’impose sur Canal Plus » et « fait souffler un vent de fraîcheur ». Un tableau idyllique servi aux lecteurs qui ne sont pas censés savoir que le vent qui souffle dans l’émission remanié n’est pas frais mais glacial. Car l’émission est devenue aussi chaleureuse et populaire que la banquise en Antarctique. Elle signe d’édition en édition ses pires scores de l’histoire en plongeant maintenant sous la barre des 3% d’audience alors qu’elle dépassait encore les 5% de part de marché l’an dernier, voire les 8% l’année précédente, ce qui à l’époque était déjà considéré comme catastrophique eu égard au passé glorieux de l’émission…
Deux semaines avant, le 8 septembre, Direct Matin avait encore apporté sa petite contribution à la bonne santé de la maison Bolloré. Il publiait une interview de Yusof Basiron, directeur du conseil malaisien de l’huile de palme, qui avait pour mission de rétablir « la vérité sur ce produit » dans les colonnes du journal et sur son site web. Mais l’interview de ce scientifique et lobbyiste n’est pas tout à fait désintéressée : la com’ du Conseil Malaisien de l’Huile de Palme est prise en charge par l’agence Havas qui appartient… à Bolloré. Pour que la boucle soit bouclée, il reste à inviter le directeur du Conseil Malaisien de l’Huile de Palme au « Grand Journal » ou pourquoi pas, à lui créer une marionnette chez les Guignols.