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Coup de filet antiterroriste en Belgique : l’info remplacée par des images de chats

24 novembre 2015

Temps de lecture : 4 minutes
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Coup de filet antiterroriste en Belgique : l’info remplacée par des images de chats

Temps de lecture : 4 minutes

Scène surréaliste dimanche soir en Belgique.

Alors que la police fédérale avait demandé aux médias de ne pas divulguer d’in­for­ma­tions sur la vaste opéra­tion antiter­ror­iste en cours à Brux­elles, jour­nal­istes et inter­nautes ont pub­lié, pen­dant plus de deux heures, des pho­tos de chats sur les réseaux soci­aux.

Dimanche 22 novem­bre au soir, coup de filet antiter­ror­iste oblige, la police belge a demandé très directe­ment aux médias de garder le silence sur les opéra­tions en cours. « Vers 21 h 30, j’ai reçu deux appels, l’un du cen­tre de crise, et l’autre du cab­i­net du pre­mier min­istre [Charles Michel, NDLR], nous deman­dant de pren­dre de la dis­tance, de ne pas nom­mer pré­cisé­ment les quartiers où les opéra­tions avaient lieu pour ne pas com­pro­met­tre les opéra­tions. J’ai réu­ni les chefs de ser­vice et j’ai pris la déci­sion d’accepter », racon­te Christophe Berti, le rédac­teur en chef du quo­ti­di­en Le Soir.

Le quo­ti­di­en a immé­di­ate­ment joué la trans­parence vis-à-vis de ses lecteurs en pub­liant ce mes­sage sur Twit­ter : « Men­aces ter­ror­istes sur Brux­elles : Le Soir sus­pend la dif­fu­sion d’informations sur les opéra­tions en cours. » Du côté des jour­nal­istes, ils ont suivi les déci­sions de la direc­tion sans bronch­er. « J’étais chez moi, j’ai reçu un mes­sage de la rédac­tion en chef, je venais de tweet­er qu’il y avait un héli­cop­tère au-dessus de chez moi, j’ai arrêté », a expliqué Jurek Kuczkiewicz, rédac­teur chargé des ques­tions européennes au Soir. Même atti­tude pour Sophie Lejoly de l’a­gence Bel­ga : « Le fait que ces événe­ments arrivent une semaine après la tuerie de Paris compte, on est plus responsables. »

En revanche, la RTBF a choisi de n’obéir qu’à moitié, his­toire sans doute de ne pas paraître servile. « Nous avons con­tin­ué à dif­fuser des infor­ma­tions sur les opéra­tions en cours, en don­nant leur nom­bre, le nom des com­munes, mais sans pré­cis­er les rues con­cernées. Il me sem­blait que ne rien dire aurait été encore plus angois­sant. Après coup, les autorités ne nous ont fait aucun reproche », s’est expliqué Jean-Pierre Jacqmin, le directeur de l’information du groupe pub­lic. Et d’a­jouter : « De toute façon, en Bel­gique, on ne donne pas d’ordre à la presse ! »

Pour le secré­taire général du con­seil de déon­tolo­gie des jour­nal­istes belges, les médias « ont fait preuve de respon­s­abil­ité, d’autorégulation ». « C’est nor­mal, ajoute-il, ils ont une respon­s­abil­ité sociale. Mais cette sus­pen­sion doit rester tem­po­raire, et il faut qu’elle soit expliquée aux lecteurs, aux audi­teurs. » Et de pour­suiv­re : « Après les atten­tats con­tre “Char­lie Heb­do” et l’Hyper Cacher, à Paris, en jan­vi­er, les rédac­tions nous avaient demandé de pré­cis­er quelle ligne de con­duite adopter en cas d’urgence. »

Comme une façon de dis­siper l’an­goisse générée par ce pesant silence radio, de nom­breux inter­nautes se sont mis à partager mas­sive­ment des pho­tos et GIFs ani­més de chats, par­fois grimés en ter­ror­istes, en jour­nal­istes ou en F16 belges. Même les jour­nal­istes se sont pris au jeu. En fin de soirée, Le Soir a affiché en une de son site inter­net une pho­to de chat pen­dant quelques minutes.

Après minu­it, c’est la police belge qui y met­tait du sien, en pub­liant sur Twit­ter une image de gamelle de chat avec cette men­tion : « Pour les chats qui nous ont aidés hier soir… Servez-vous ! » Les jour­nal­istes à la gamelle ? La main qui les nour­rit ? Sans doute de l’humour belge…

Mal­gré la bonne humeur et le sen­ti­ment du devoir accom­pli, Sophie Lejoly prévient : « On a pris des déci­sions à chaud dimanche, mais à un moment don­né, il fau­dra que les poli­tiques nous don­nent une expli­ca­tion. » Alors, ser­vil­ité ou respon­s­abil­ité ? La ques­tion ne man­quera pas de se poser.

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