Dans un rapport sur le bilan d’étape de l’application de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, le député Marcel Rogemont se montre sévère sur la fréquence accordée par le CSA à la chaîne Numéro 23.
Ce mercredi 20 janvier, la commission Culture de l’Assemblée nationale va se pencher sur le premier bilan d’étape de l’application de la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Une loi votée il y a trois ans, qui a renforcé les prérogatives du CSA, lui confiant, notamment la nomination des présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.
Dans son projet de rapport, Marcel Rogemont, député socialiste d’Ile-et-Vilaine, déjà rapporteur de la loi en 2013, revient donc sur les désignations contestées de Mathieu Gallet à la présidence de Radio France et de Delphine Ernotte à la tête de France Télévision. Pourtant, il ne souhaite pas revenir sur « l’ensemble des critiques et mises en cause auxquelles les deux nominations ont donné lieu ».
… Autrement dit, dès son introduction, Marcel Rogemont limite considérablement et volontairement la portée de son travail.
Les nominations de Mathieu Gallet et Delphine Ernotte
Selon le député, ces recrutements doivent se faire désormais sur « des critères de compétence managériale et d’expérience », plutôt que sur la présentation du « projet stratégique », comme cela a été le cas pour Mathieu Gallet. Le CSA « avait, comme le candidat, une connaissance largement insuffisante de l’entreprise, en particulier de sa situation financière », d’où un « projet stratégique controversé, insuffisamment précis, trop inspiré par des études effectuées par des cabinets extérieurs ou insuffisamment nourri par le dialogue social ». On en connait le résultat : une grève historique au printemps dernier.
En revanche, Marcel Rogemont souhaite le maintien de la confidentialité de la procédure. Elle est même qualifiée de « mal nécessaire ». Il reconnait cependant que le secret des délibérations et des candidatures a été « particulièrement mal vécu par les salariés de Radio France et de France Télévisions ». Pire, ce secret a « contribué à alimenter toutes sortes de rumeurs, de soupçons d’irrégularités, de partialité ou de pressions subies ou exercées par les uns ou les autres » dans le cadre de la nomination de Delphine Ernotte.
Au final, le député socialiste ne fait qu’une seule véritable proposition en invitant l’État « à élaborer une feuille de route plus précise, basée sur un exercice de projection financière réaliste, en amont de la procédure de nomination ».
Le fonctionnement interne du CSA
En ce qui concerne le fonctionnement interne du CSA, Marcel Rogemont « ne peut que regretter vivement que (…) la nécessité pour le collège de faire respecter le secret des délibérations et le devoir de réserve soit restée totalement lettre morte », comme en témoigne « la violation caractérisée du secret des délibération qui a marqué la procédure de nomination de Mme Delphine Ernotte ». « Il en va pourtant de la crédibilité et de la légitimité de l’institution », estime-t-il.
Par ailleurs, il souhaite que le CSA renonce à ses avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés d’audiovisuel public.
« L’affaire Numéro 23 »
Mais le point le plus intéressant du rapport reste le dernier sujet abordé : « l’affaire Numéro 23 ». Pour Marcel Rogemont, les choses sont claires. En attribuant une fréquence au projet Numéro 23, le CSA a commis une « erreur », si ce n’est une « faute » ! Et d’accabler l’autorité supérieure : « cette opération s’est à l’évidence inscrite dans une optique de spéculation sur des fréquences qui relèvent du domaine public hertzien ». « Le fait que le CSA ait jugé nécessaire d’introduire, dans la convention de la chaîne, de façon inédite, un délai de deux ans et demi avant une éventuelle cession, ne peut qu’interroger sur sa connaissance de l’objectif réel de l’opération ».
« Au surplus, continue-t-il, les obligations, particulièrement peu ambitieuses, exigées par le CSA en contrepartie de l’attribution gratuite d’une fréquence du domaine public n’ont pas été remplies par la chaîne, sans que le régulateur ne s’en émeuve avant le déclenchement d’une polémique sans précédent ». Aussi, demande-t-il la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur cette affaire. Un dossier sensible pour le CSA.
Au final, ce rapport d’étape se veut fort peu critique sur la mise en œuvre de la loi. Les propositions de Marcel Rogemont semblent bien faibles pour clore le débat sur les nominations controversées de Mathieu Galet et de Delphine Ernotte. Pas de grandes critiques, pas de grandes réformes en vue, ni de remise en question, malgré 21 recommandations placées en introduction. C’est donc un bilan d’étape plutôt consensuel qui est présenté aux députés.
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