Le conseil d’administration de Radio France a définitivement adopté le 17 décembre dernier le contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre la radio publique et l’État actionnaire pour la période 2015–2019.
L’État sera fortement invité à remettre au pot. Pour la première fois cependant, la commission culture, éducation et communication du Sénat, dont l’avis n’est que consultatif, a retoqué le COM en dénonçant l’absence de réformes. Radio France va-t-elle dans le mur ?
Le contribuable paiera donc directement la dégradation nette de la situation de Radio France, dégradation due pêle-mêle à une série d’erreurs stratégique, au dérapage des coûts de rénovation de la Maison de la Radio, à des régimes salariaux à la fois très inégalitaires et très favorables pour certains, à un sureffectif chronique, sans oublier la polémique causée par les dépenses du nouveau PDG Mathieu Gallet.
Assez imprécis dans ses détails, le COM repose sur l’objectif de retour à l’équilibre en trois ans. Pour la première fois en effet, Radio France était déficitaire de 21,3 millions d’€ en 2015. Pour cela, Radio France veut stabiliser sa masse salariale, économiser sur les charges externes et faire augmenter la contribution de fonctionnement à l’audiovisuel public de 1,5% par an en 2018 et 2019. Le COM prévoit aussi « l’ouverture du cahier des missions et des charges et le développement des autres ressources propres » afin de parvenir à la « stabilisation » des ressources publicitaires et un « effort significatif » de 80 millions d’€ d’investissement consenti par l’État, notamment pour achever l’immense chantier de la maison de la Radio – budgeté encore à 47,7 millions d’€ en 2016…
Radio France sera toujours déficitaire en 2016, de 16,5 millions d’€ si le budget est tenu. Celui-ci prévoit 674,8 M€ en ressources et 691,3 M€ en charges, en augmentation respectivement de 1,7% et 0,9% par rapport à 2015. Ces ressources prévues en 2016 sont les suivantes : une Contribution à l’audiovisuel public de fonctionnement stable, à 577,2 millions d’€, une Contribution à l’audiovisuel public d’investissement de 29,6 millions d’€ (+5 millions d’€ d’augmentation) et une dotation en capital de 27,5 millions d’€.
Cependant la commission culture, communication et éducation du Sénat a retoqué le COM, sans pouvoir toutefois parvenir à empêcher son adoption, son avis n’étant que consultatif. Jean-Pierre Leleux (LR), ancien maire de Grasse et sénateur des Alpes-Maritimes, rapporteur en charge des crédits de l’audiovisuel, a rappelé que « les valeurs et l’identité défendues dans le COM étaient partagées » par la commission. Cependant la commission note une absence de réformes structurelles, contrairement aux recommandations formulées par la Cour des Comptes en avril 2015. Elle déplore aussi que le rapprochement des rédactions de France Inter, France Info, France Culture et France Bleu n’ait pas été engagé, pas plus que la réforme des formations musicales. Par ailleurs, le fait que le COM sanctuarise l’augmentation de la masse salariale (62,9 % des charges d’exploitation en 2019 contre 62,3 % en 2014), repousse le retour à l’équilibre à 2018 et la décision sur l’arrêt de la diffusion hertzienne du Mouv à 2017 suscite la grande inquiétude de la commission sénatoriale, qui rappelle « l’urgence des réformes » de fond dans l’ensemble de l’audiovisuel public. Dans les colonnes du Figaro, Jean-Pierre Leleux explicite la position de la commission sur ce COM, qui « démontre surtout une absence quasi-totale de réforme » et qui se refuse à prendre des décisions douloureuses et courageuses : « Tout est remis à plus tard alors même que cette feuille de route arrive déjà tardivement, dix-huit mois après la prise de fonction de Mathieu Gallet. Repousser la résolution des problèmes, c’est prendre le risque d’aller dans le mur »
La section Radio France du Syndicat National des Journalistes a répondu assez vivement à ces reproches formulés par la Commission, notamment au sujet de la fusion des rédactions : « La particularité des journalistes de Radio France est de travailler pour leur chaîne, mais aussi pour les autres radios du groupe. Un journaliste de France Bleu est ainsi également le correspondant en région de France Info, France Inter ou Culture. Un reporter ou un spécialiste de France Inter travaillent également pour France Info et l’inverse est aussi vrai. » Et d’accuser les sénateurs de vouloir tailler à la hache dans les effectifs : « en fait leur projet de rédaction unique vise juste à supprimer la moitié des postes de journalistes ».
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