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En Hongrie, le Fidesz a imposé le pluralisme dans les médias

25 avril 2016

Temps de lecture : 4 minutes
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En Hongrie, le Fidesz a imposé le pluralisme dans les médias

Temps de lecture : 4 minutes

Année 1988. Personne n’a encore entendu parler de la chute du mur de Berlin ni même des accords de la table ronde en Pologne, entre le régime du général Jaruzelski et le syndicat Solidarité.

Les habi­tants de la cham­bre 217 du col­lège uni­ver­si­taire de droit de la rue Méne­si à Budapest – Áder, Kövér et Orbán, qui occu­pent aujourd’hui respec­tive­ment les fonc­tions de prési­dent de la République hon­groise, prési­dent du par­lement et pre­mier min­istre – passent leur temps libre à jouer au foot et à dis­cuter devant une bière des chances de pou­voir créer un par­ti poli­tique non com­mu­niste. Au même moment, une équipe spé­ciale au sein du Comité cen­tral du par­ti com­mu­niste MSzMP éla­bore dif­férents scé­nar­ios de « tran­si­tion en douceur » du total­i­tarisme à la démoc­ra­tie. Un des points clés de cette tran­si­tion s’avère être le qua­trième pou­voir, c’est-à-dire les médias. Il est décidé de ven­dre dis­crète­ment les médias au cap­i­tal étranger, prin­ci­pale­ment autrichien et alle­mand, afin d’empêcher qu’ils tombent entre les mains des forces anti­com­mu­nistes. La pri­vati­sa­tion com­mence par les jour­naux régionaux, et l’opération est ensuite couron­née par la vente du plus impor­tant quo­ti­di­en com­mu­niste, Nép­sz­abadág, au groupe médi­a­tique alle­mand Berte­les­mann. Mais il y a une con­di­tion : le rédac­teur en chef et les respon­s­ables des dif­férents ser­vices doivent rester en place pen­dant au moins cinq ans.

De fait, le pre­mier gou­verne­ment non com­mu­niste en Hon­grie, qui arrive au pou­voir au print­emps 1990 après les pre­mières élec­tions démoc­ra­tiques depuis un demi-siè­cle, se retrou­ve tout de suite en mau­vaise pos­ture dans les médias. Au fil des années, le Nép­sz­abad­ság con­serve un tirage supérieur à celui de tous les autres quo­ti­di­ens hon­grois pris dans leur ensem­ble. La sit­u­a­tion est la même sur le marché des heb­do­madaires forte­ment dom­iné par la revue post­com­mu­niste HVG. Le mono­pole des post­com­mu­nistes dans les médias finit par met­tre en rage les Hon­grois qui en ont assez de la pro­pa­gande gau­cho-lib­er­taire et pro-gou­verne­men­tale. En 2006, la foule en colère prend d’assaut et incendie le siège de la télévi­sion publique MTV. C’est la seule fois où c’est arrivé en Europe cen­trale après 1989. La petite chaîne privée de télévi­sion câblée HirTV est la seule à trans­met­tre l’événement. À cause de cela, elle est accusée par le vice-pre­mier min­istre István Hiller de ter­ror­isme et d’avoir organ­isé les trou­bles soci­aux, ce qui manque de lui coûter sa concession.

L’année 2006 mar­que en fait l’apogée des gou­verne­ments post­com­mu­nistes et des médias gau­cho-lib­er­taires qui les sou­ti­en­nent. En novem­bre 2006, le quo­ti­di­en gau­cho-lib­er­taire Mag­yar Hirlap est racheté par l’homme d’affaire Gábor Széles, ami de Vik­tor Orbán, qui trans­forme com­plète­ment le pro­fil de ce jour­nal. Peu après, la dom­i­na­tion de l’hebdomadaire HVG est défiée par l’hebdomadaire con­ser­va­teur Heti Válasz. La nou­velle loi sur les médias de 2011 fait le reste en lim­i­tant les pos­si­bil­ités de con­cen­tra­tion des médias entre les mêmes mains, et en garan­tis­sant des finance­ments suff­isants aux médias publics (radio et télévi­sion) grâce aux sub­ven­tions budgé­taires (100 Mds Ft, soit env­i­ron 350 Mios €) et à la pub­lic­ité. Aujourd’hui, la chaîne publique d’information en con­tinu MTV1 est une des meilleures en Europe. Elle le doit aus­si à son impor­tant réseau de cor­re­spon­dants dans des cap­i­tales comme Paris, Brux­elles, Lon­dres, Damas, Bag­dad, etc. La réus­site de la chaîne est égale­ment due à de nou­velles for­mules comme ces nou­velles d’une minute très bien pré­parées et répétées tous les quarts d’heure. Ain­si, dans le temps qu’il faut pour nouer sa cra­vate, on entend sous forme con­den­sée les 3 ou 4 actu­al­ités les plus impor­tantes de la journée sans avoir à lire du texte qui défile à l’écran.

Mais con­traire­ment à ce qui a été dit il y a quelques années, il n’y a pas eu de cen­sure gou­verne­men­tale après l’arrivée du Fidesz au pou­voir en 2010. Ce sont même tou­jours les médias ten­dance gauche lib­er­taire qui domi­nent, ce que con­fir­ment les rap­ports du think tank Mertek Muhe­ly pour­tant hos­tile au gou­verne­ment d’Orbán. Sur Inter­net, ce sont les sites Ori­go et Index qui sont lead­ers, dans la presse imprimée, c’est tou­jours Nép­sz­abad­ság et HVG, et à la télévi­sion c’est RTL. Néan­moins, ce n’est plus une dom­i­na­tion absolue grâce à l’apparition de médias con­ser­va­teurs qui prospèrent, comme les quo­ti­di­ens Mag­yar Nemzet et Mag­yar Idök (n° 2 et 3 sur le marché de la presse quo­ti­di­enne), l’hebdomadaire Heti Válasz (n° 2 de la presse heb­do­madaire) déjà men­tion­né, ain­si que plusieurs chaînes de télévi­sion publiques et privées (MTV1, MTV2, Duna, Duna World…). Ain­si, le plu­ral­isme des opin­ions est plus ou moins assuré et la qual­ité du débat poli­tique ne s’en porte que mieux. Car au final dans une démoc­ra­tie, le citoyen moyen ne vote pas tant pour un homme poli­tique ou un par­ti que pour l’image qui en est don­née par les médias.

De notre cor­re­spon­dant à Budapest

Crédit pho­to : Moy­an Brenn via Flickr (cc)

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