Co-fondateur en 1963 du Nouvel Observateur avec Claude Perdriel, Jean Daniel, 95 ans, a adressé une longue lettre vendredi 13 mai aux salariés de L’Obs.
Le journaliste nonagénaire, qui continue à produire un éditorial chaque semaine, leur demande clairement de laisser sa chance à Matthieu Croissandeau. Le directeur du journal depuis 2014 vient de se voir infliger un désaveu cinglant. Une motion de défiance a été votée contre lui le matin même par 80% des salariés inscrits (220 sur 300) après l’annonce de son plan de relance sur 18 mois, incluant l’éviction de ses deux adjoints, Aude Lancelin et Pascal Riché.
Le licenciement de la première, sans raison officiellement affichée, a cristallisé le mécontentement en interne. Dans les faits, le torchon brûlait depuis des mois entre Matthieu Croissandeau, adepte d’une ligne sociale-démocrate, et Aude Lancelin, transfuge de Marianne arrivée en juin 2014 et tenante d’une gauche écarlate. Le traitement, très favorable, dans les colonnes de L’Obs du mouvement gauchiste Nuit debout en est un exemple emblématique. Les interviews répétées de l’ex-ministre grec de l’économie, Yanis Varoufakis, tenant d’une ligne crypto communiste, en est un autre. Le lectorat de L’Obs, qui n’est pourtant pas à droite, n’a guère apprécié ce coup de barre à gauche. Il a eu l’impression que son journal s’était clairement positionné du côté des frondeurs face au gouvernement, alors qu’il le soutient majoritairement. Conséquence : une baisse des ventes de L’Obs, qui s’est accélérée : ‑13% en 2015.
En se séparant d’Aude Lancelin avec le soutien de son actionnaire Le Monde ‑et donc maintenant de Jean Daniel, Matthieu Croissandeau, ne résout qu’une partie des problèmes de L’Obs. Comme les autres newsmagazines, le titre subit de plein fouet la désaffection générale des lecteurs pour ce type de presse. Côté numérique, Matthieu Croissandeau est cette fois bien responsable du dévissage de l’audience du site de L’Obs. Auparavant centré sur l’information chaude, tempsreel.nouvelobs.com s’est repositionné sur les sujets et l’écriture magazine depuis un an. Résultat, de la troisième place des sites d’information, selon Médiamétrie, il a reculé à la 9e début 2016. Pascal Riché, directeur adjoint de la rédaction en chargé du numérique, a été remercié en raison de l’insuffisance de ses résultats. S’il ne parvient pas à redresser la barre à moyen terme, également sur le plan digital, c’est désormais Matthieu Croissandeau qui sera en première ligne et servira de plomb.