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Usul2000, une critique hémiplégique des médias

11 juin 2016

Temps de lecture : 4 minutes
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Usul2000, une critique hémiplégique des médias

Temps de lecture : 4 minutes

Depuis avril 2014 le youtubeur Usul produit sur sa chaîne une série « Mes chers contemporains » dont chaque épisode est consacré à une personnalité (BHL, Besancenot, Chouard, Lordon, Elizabeth Lévy, Pujadas) ou à un thème (la génération Y, le salaire à vie, la pensée 68).

Ces épisodes d’une durée de 20 à plus de 50 min­utes, financés main­tenant sans pub­lic­ité via Tipee et con­stru­its d’une manière agréable et pro­fes­sion­nelle sont large­ment suiv­is et dif­fusés via le web mil­i­tant « révo­lu­tion­naire ». À tra­vers le dernier opus « Le Jour­nal­iste, David Pujadas », l’Ojim a voulu savoir de quoi il retournait.

Démar­rant de façon hila­rante avec les com­pli­ments qua­si obséquieux de Fab­rice Luc­chi­ni et Jamel Deb­bouze envers le jour­nal­iste, virant sur un entre­tien com­plaisant avec Nico­las Sarkozy et une ques­tion incom­préhen­si­ble de Pujadas à ce dernier sur le CSA (3’30) le por­trait annonce la couleur : une dénon­ci­a­tion du jour­nal­isme de com­plai­sance. La remise d’une laisse d’or (4’50) à David Pujadas est un moment amu­sant et la défense de Claude Séril­lon écarté pour des raisons poli­tiques est jus­ti­fiée. Mais pourquoi ne pas par­ler de la mise au plac­ard tout aus­si poli­tique de Fab­rice Le Quin­trec ? (voir le por­trait de l’Ojim « Fab­rice Le Quin­trec, la lib­erté au fond d’un plac­ard »).

La cri­tique des médias « très pop­u­laire à l’extrême droite » est l’objet d’un numéro de bon­neteau vir­tu­ose. La cri­tique hors de la gauche marx­isante serait exprimée par le seul « Alain Bon­net de Soral », curieuse­ment anobli pour l’occasion. Exit le tra­vail de l’Ojim, ses 180 por­traits (dont celui de Pujadas), ses info­gra­phies, exit Les Bobards d’or de la fon­da­tion Polémia… Mieux : une intéres­sante jux­ta­po­si­tion per­met d’éliminer par un mécan­isme de con­ta­gion tout un pan de la cri­tique (8’19), réin­for­ma­tion = mer­dias = gauchi­asse = jour­nalopes = pen­sée unique = bien-pen­sance. Résumons, celui qui cri­tique la pen­sée unique est au mieux un éruc­teur d’insultes ou un grossier per­son­nage. Encore mieux : grand rem­place­ment = com­plot juif = com­plot bobo/franc-maçon = com­plot LGTB anti-France. Citer l’expression grand rem­place­ment fait de celui qui l’emploie un com­plo­tiste anti­sémite. On pour­rait atten­dre plus de finesse.

Les inter­ven­tions de la chapelle troskyste Acrimed (6’27, 10’15, 21’53, 44’49 etc.) sont dans la droite ligne jarg­onante des bour­dieu­sants sous-esti­mant curieuse­ment l’importance des pro­prié­taires des médias et pas­sant sous silence l’habi­tus (pour­tant un con­cept bour­dieu­sant) des jour­nal­istes, leur quant-à-soi, leur con­formisme idéologique con­sen­tant, l’écrasant for­matage des écoles de jour­nal­isme et le culte de la pen­sée unique (une expres­sion à pro­hiber il est vrai, voir supra).

Au-delà d’excellentes cri­tiques de la super­fi­cial­ité du JT de Pujadas (les toi­lettes en inox des accusés de ter­ror­isme, un reportage com­plaisant sur un investisse­ment chi­nois), la vidéo prend un tour­nant sur les cha­peaux de roues… dans la repen­tance for­cée. Si les JT ne par­lent pas de l’Afrique sub­sa­hari­enne c’est que « ces gens ne sont même pas blancs » (sic) et si on passe sous silence ou presque les grèves à May­otte c’est parce que ce sont « des noirs qui font grève » ce qui s’explique car « il règne dans les médias un cer­tain entre soi blanc » qui con­cerne « les téléspec­ta­teurs tous blancs et tous un peu racistes ». On pour­rait faire remar­quer « qu’il règne chez les blogueurs un cer­tain entre soi blanc » dont Usul blanc hon­teux représente un échan­til­lon type.

Une juste cri­tique de la poli­tique de course à l’audience par Claude Séril­lon, un décryptage du « con­cours de dédi­caces » des can­di­dats à la pri­maire côté Répub­li­cains (20’13), un pas­sage en revue des dif­férents reg­istres des émis­sions con­sacrées aux atten­tats de Brux­elles (polici­er, film cat­a­stro­phe, politi­cien, sécu­ri­taire, émo­tion), le manque d’analyses géopoli­tiques, une excel­lente analyse de l’inanité des micro trot­toirs, autant de moments intéres­sants et fouil­lés des JT de France2.

À l’opposé, qual­i­fi­er le Petit Jour­nal « d’émission de diver­tisse­ment » est un con­tre-sens com­plet. Usul ne saisit pas que le Petit Jour­nal est le fin du fin du cap­i­tal­isme libéral : la défense du sys­tème sous cou­vert de déri­sion con­trôlée. De la même façon que Vice News (action­naires entre autres : Dis­ney et Pigasse) recy­cle la fausse rébel­lion au ser­vice du cap­i­tal en met­tant ensem­ble les élé­ments qui « relient l’insurrection ado­les­cente et le cap­i­tal­isme » (Libéra­tion, 28 mars 2013).

La con­clu­sion est juste : les JT de Pujadas nous ren­seignent sur une chose « les opin­ions des jour­nal­istes dom­i­nants parisiens ». On pour­rait com­pléter en amont par l’effrayant for­matage idéologique des écoles de jour­nal­isme et le non moins effrayant con­formisme intel­lectuel d’une majorité (non certes la total­ité) de jour­nal­istes. Cama­rade, encore un effort !

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