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[Dossier] Tuerie d’Orlando : comment les médias ont voilé l’ennemi

5 août 2016

Temps de lecture : 11 minutes
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[Dossier] Tuerie d’Orlando : comment les médias ont voilé l’ennemi

Temps de lecture : 11 minutes

[Pre­mière dif­fu­sion le 17 juin 2016] Red­if­fu­sions esti­vales 2016

Chaque époque et chaque culture développe son propre sens de la pudeur et de l’obscénité, lequel peut parfois se crisper dans un puritanisme effrayant. Si pour les maniaques de l’État Islamique, un simple visage de femme dans l’espace public tient à une scandaleuse provocation, les médias français ont eux aussi des pudeurs névrotiques, mais elles sont d’un autre ordre. C’est au visage de l’ennemi qu’il faut imposer le voile intégral selon nos vierges effarouchées du politiquement correct, et plus cet ennemi provoque, tue, massacre et revendique, plus il faut rajuster les pans de tissu noir, dissimuler à nouveau une mèche de cheveux, resserrer le rectangle afin que ne passe qu’un regard anonyme, quitte à déployer pour cela les plus invraisemblables trésors rhétoriques. Dès qu’on évoque les attaques islamiques, en France, on n’est plus dans l’information, mais dans un concours de sophistique. À défaut d’obtenir une perspective éclairante sur les faits, on pourra du moins saluer des prouesses de virtuoses.

« Ce nouveau drame des armes à feu… »

Le 12 juin, dans Libé, on titre : « L’État islamique revendique la fusil­lade à Orlan­do » et on rap­porte les élé­ments cru­ci­aux qui étab­lis­sent cette réal­ité avec une red­outable péd­a­gogie. « Plusieurs heures après l’attentat, celui-ci a été revendiqué par une branche de l’État islamique, alors que plusieurs médias améri­cains (…) avaient aupar­a­vant affir­mé qu’Omar Mateen avait appelé la Police peu avant la fusil­lade pour prêter allégeance à l’État islamique. » Avant, après, déc­la­ra­tion du tueur lui-même, con­fir­mée ensuite par le groupe dont il se revendique : dif­fi­cile d’être plus clair. Pour­tant, dans le même arti­cle, le jour­nal­iste de Libé croit essen­tiel de not­er une réflex­ion du père du tueur inter­viewé pré­cipi­ta­m­ment par une chaîne de télévi­sion juste après les événe­ments, et qui déclare donc que cet acte n’a « rien à voir avec la reli­gion », tout en affir­mant par ailleurs : « Nous n’étions au courant de rien. » S’il n’était au courant de rien, on ne voit pas en quoi il serait fondé à car­ac­téris­er l’acte en ques­tion… Le témoignage n’a en fait stricte­ment aucune valeur : on inter­roge le père parce qu’il faut bien inter­view­er quelqu’un, il débite mécanique­ment le lieu com­mun oblig­a­toire sur le fait que rien n’a jamais à voir avec la reli­gion, si elle est islamique, que ce qui la mag­ni­fie, puis admet que père ou pas, il n’en sait pas davan­tage que le jour­nal­iste. Cette non-infor­ma­tion est donc glis­sée là, juste après les faits bruts, afin de les cou­vrir du mantra habituel, comme un martèle­ment automa­tique dont on n’interroge pas une sec­onde la per­ti­nence. Enfin, le plus extra­or­di­naire demeure la con­clu­sion de l’article : « Ce nou­veau drame des armes à feu… » Le tout illus­tré par un tableau sur les dernières fusil­lades améri­caines. Les 50 morts du Pulse d’Orlando auront donc été vic­times… des armes à feu ! Il faut en ce cas admet­tre que les vic­times du Bat­a­clan, comme les car­i­ca­tur­istes de Char­lie Heb­do auront égale­ment été vic­times d’armes à feu, et nous devons peut-être nous atten­dre bien­tôt à de grandes mobil­i­sa­tions con­tre les armes à feu afin que ces dernières cessent de sup­primer le quidam pour un oui ou pour un non, cette manie se faisant pour le moins irri­tante. Ce type de papiers devrait être étudié par des psy­chi­a­tres comme cas d’école, tant ils témoignent d’un trou­ble cog­ni­tif man­i­feste, tant ils révè­lent en leur sein ce moment où l’aiguillon idéologique vient faire dérailler la suc­ces­sion logique du discours.

Une arme ou un bipolaire ?

Selon L’Express, le lende­main, qui rap­porte égale­ment les pro­pos du père, on apprend que ce dernier, qui affirme donc que la tuerie n’a « rien à voir avec la reli­gion » : « affirme de fortes opin­ions poli­tiques » (savourons l’euphémisme) et qu’il a notam­ment « man­i­festé son sou­tien pour les Tal­ibans. » (lesquels Tal­ibans, habitués à sanc­tion­ner les actes de sodomie par des exé­cu­tions publiques, auraient, on l’imagine, été offusqués par la tuerie d’Orlando). Dans le corps de l’article, un témoignage du patron de la police fédérale nous explique d’Omar Mateen avait déjà été inter­rogé par le FBI parce que soupçon­né de liens avec d’éventuels ter­ror­istes. Aupar­a­vant, le témoignage de l’ex-femme : elle décrit son mari comme musul­man pra­ti­quant mais dit qu’elle ne l’aurait pas enten­du faire l’apologie du ter­ror­isme. En revanche, elle affirme que quelques mois après leur mariage, Mateen se serait mon­tré « insta­ble, bipo­laire ». Pourquoi ? Parce qu’il lui arrivait de la bat­tre quand il ren­trait et que la lessive n’avait pas été faite. Bref, il lui arrivait de se com­porter comme un cer­tain islam archaïque, pré­cisé­ment, le lui autori­sait… Titre du papi­er : « Un tueur “insta­ble et bipo­laire ?” » On nous prou­ve tout le long que le coupable est un islamiste rad­i­cal engagé tel que lui-même l’a affir­mé pour éclair­er son acte, mais non, l’angle à adopter pour appréhen­der les faits serait de garder en tête que le tueur était…. bipo­laire. Ce ne sont plus les armes à feu qui sont coupables, non, ce coup-ci, la respon­s­abil­ité incombe à la san­té mentale.

La Manif pour tous ?

Par­mi les plus remar­quables con­tor­sion­nistes du déni, on trou­ve Antho­ny Bel­langer qui, dans sa chronique du 13 juin dans le 7/9 de France Inter, réalise un morceau d’anthologie dans la mau­vaise foi, la con­fu­sion, l’aveuglement idéologique, l’esbroufe rhé­torique et la mal­hon­nêteté intel­lectuelle la plus décomplexée.

Après avoir résumé les faits, le jour­nal­iste annonce : « Tout est en place pour servir l’agenda de ceux qui vien­dront vous dire : “Je vous l’avais bien dit !” » On ne voit pas quel est le rap­port avec l’agenda des per­son­nes en ques­tion, mais on com­prend dès cette intro­duc­tion que le défi que se pose notre acro­bate est de tor­dre les faits de manière à ce qu’ils ne racon­tent pas ce qu’ils racon­tent. Ça a l’air d’un atten­tat islamiste ? Trop sim­ple. Atten­dez un peu… D’abord, pourquoi juin ? Parce que ce serait le mois de toutes les « gay prides » du monde.

On pour­rait sim­ple­ment penser que c’est surtout, cette année, le mois de ramadan et qu’au seuil de ce mois, le 26 mai dernier, le porte-parole de l’État islamique a appelé tous les musul­mans du monde à tuer des occi­den­taux, mais, Bel­langer a quelque chose de plus futé à nous pro­pos­er, en s’intéressant davan­tage à la nature des vic­times qu’à celle du coupable. « Pas ques­tion de le nier », admet-il, tout de même, être gay en islam n’est pas exagéré­ment sim­ple, il arrive qu’on en meure pour des raisons juridiques. « Mais, et c’est très impor­tant de le soulign­er, toutes les reli­gions ont des choses à reprocher à l’homosexualité. » Certes, mais il y a quand même une nuance entre « reprocher » et « con­damn­er à mort », mais là, subite­ment, on ne fait plus du tout dans la nuance. Voilà que l’artiste entre alors en pleine amal­gamite aiguë. « Je ne soulign­erai jamais assez com­ment le débat sur le mariage pour tous en 2012 a réveil­lé partout dans le pays la bête de l’intolérance et de la vio­lence faite aux gays au nom d’une cer­taine morale catholique. » Cap de l’odieux franchi à pleines tur­bines. Faire un lien entre les familles cathos de la Manif pour tous en France, et le mas­sacre d’Orlando, en Floride, comme ça, d’une phrase à l’autre, sans le moin­dre scrupule, c’est pos­si­ble. Dans le camp du Bien : tout est permis.

On aimerait pour­tant avoir des preuves de ce qui est avancé. Quelles vio­lences con­crètes ont pu subir les homo­sex­uels français durant l’épisode de la Manif pour tous ? Les Veilleurs ont-ils lynché quelqu’un ? Per­son­ne. Ah si : un cou­ple homo­sex­uel, en avril 2013, qui a étalé les stig­mates de cette vio­lence sur le Net. Mince, en dépit de l’exploitation idéologique de l’agression, il avait fal­lu admet­tre que ses auteurs, Malik et Taieb, n’étaient pas des Ver­sail­lais, et que leur « homo­pho­bie » tenait plus à leur fond cul­turel musul­man qu’à leurs liens avec Frigide Bar­jot. Il aurait fal­lu, pour pour­suiv­re ce genre de par­al­lèles odieux, que le dou­ble meurtre de policiers, le lende­main, dans les Yve­lines, par un autre « déséquili­bré », Larossi Abbal­la, soit égale­ment relié par Bel­langer à la haine anti-flics telle qu’elle est objec­tive­ment entretenue depuis deux mois par les mil­i­tants à temps plein de Nuit debout, qui scan­dent bien, quant à eux : « Tout le monde déteste la police ! », alors qu’on n’entendit jamais, lors des Man­i­fs pour tous, des slo­gans tels que : « Tout le monde déteste la jaquette ! »

La haine anti-minorité ?

Quelle leçon faut-il retenir de ce mas­sacre ? « La leçon ultime, c’est que les gays sont une minorité par­mi d’autres visées par la vio­lence, la haine et le meurtre. » (« la méchanceté, le lyn­chage et l’humiliation », aurait pu con­tin­uer d’égrainer le chroniqueur redon­dant). Et voilà Bel­langer alig­nant alors une suite de minorités : chré­tiens en pays musul­mans, chi­ites en pays sun­nites, Noirs aux Etats-Unis… « C’est le fait minori­taire qui est sys­té­ma­tique­ment visé. » Notre pres­tidig­i­ta­teur ne le for­mule pas directe­ment, mais il vient pour­tant d’accomplir un mir­a­cle : les musul­mans en France sont minori­taires, il faut donc retenir de la tuerie d’Orlando qu’il est urgent de pro­téger les… musul­mans ! Admirons l’audace ! On remar­quera tout de même que la démon­stra­tion est fondée sur une prémisse franche­ment dis­cutable : les minorités seraient tou­jours men­acées par la majorité. Est-ce si vrai ? Pour­tant, la révo­lu­tion com­mu­niste fut essen­tielle­ment le fait d’une minorité rad­i­cale ayant tenu sous son joug un pays immense durant 70 ans. L’épisode de la Ter­reur, en 1793, fut bien le fait d’une minorité livrant à sa démence la majorité de la pop­u­la­tion. La minorité croate en Yougoslavie, durant la Sec­onde Guerre Mon­di­ale, leva des Ous­tachis géno­cidaires con­tre la majorité serbe avec l’appui de l’envahisseur alle­mand. En somme, il existe des minorités dan­gereuses pour la majorité, comme des minorités men­acées par la majorité. Et puis, il y a des minorités décrois­santes et issues d’une anci­enne majorité, comme les Chré­tiens en terre d’islam, et puis des minorités nou­velles venues dans une dynamique con­quérante, comme la minorité musul­mane en Europe. Peut-on met­tre toutes ces « minorités » sur le même plan ? Non, mais un con­cept flou, où l’on peut faire ren­tr­er n’importe quoi, per­met une espèce d’effet levi­er pro­pre à ren­vers­er la con­clu­sion logique d’une démonstration.

Natures des victimes ou nature des bourreaux

Ces quelques exem­ples extraits des médias dom­i­nants ne sont qu’un flo­rilège, mais un flo­rilège qui résume par­faite­ment la pos­ture générale. Lors des événe­ments de Cologne, au dernier jour de l’an, après le déni, les médias avaient, on s’en sou­vient, incrim­iné l’antiféminisme. On nous a par­lé, après Orlan­do, d’homophobie. Après Char­lie : de haine de la lib­erté d’expression. L’hypercasher tradui­sait le regain d’antisémitisme. On n’osa, le 13 novem­bre dernier, arguer de la « ter­ras­so­pho­bie », de la haine du foot­ball ou des préjugés anti-rock. De la haine des flics, aujourd’hui. Du mépris de l’armée, hier. C’eut été, pour­tant, con­tin­uer d’utiliser la même grille de lec­ture de manière cohérente, grille de lec­ture qui con­siste, pour mieux voil­er l’agresseur, à focalis­er sur ses cibles et à réin­ter­préter l’acte non en fonc­tion de celui qui le com­met mais en fonc­tion de celui qui le subit. Ce qui per­met de biais­er à chaque fois, de morcel­er la cohérence du réel afin de le flouter.

Qu’aurait-on com­pris au nazisme si, afin de ne pas sus­citer de la ger­manopho­bie, on s’était con­tenté de dénon­cer l’antisémitisme de manière générale, l’anticommunisme de manière générale, le mépris des slaves de manière générale, les attaques à la lib­erté d’expression de manière générale, l’handicapohobie, la gitanopho­bie, la haine du métis­sage de manière générale, sans jamais iden­ti­fi­er la cohérence du pro­gramme et la logique de ses pro­mo­teurs ? Rien. Alors com­ment aurait-on pu le com­bat­tre ? Et avec lui ses expres­sions mor­tifères ? Parce que les nou­velles men­aces bat­tent en brèche le pro­jet mul­ti­cul­turel soutenu par le pou­voir idéologique en place, celui-ci nous livre à un enne­mi dont il s’acharne lui-même à con­fec­tion­ner le camouflage.

Notre enne­mi a un nom : l’islamisme ; il a un pro­gramme : l’instauration de la Sharia ; il attaque en pre­mier lieu ce qui déroge à cette loi : mode de vie occi­den­tal, lib­erté fémi­nine, lib­erté d’expression, homo­sex­u­al­ité, musique, cafés ; et ceux qui incar­nent son enne­mi : Juifs, mil­i­taires et policiers français. Il a une stratégie claire et effi­cace par­faite­ment décrite par Mont­br­i­al dans Le Figaro par exem­ple, lequel n’est pas un garde-chiourme du poli­tique­ment cor­rect mais un spé­cial­iste des ques­tions du ter­ror­isme, qui tente d’observer les faits davan­tage que la doxa. Or, par leur enfu­mage sys­té­ma­tique, les médias dom­i­nants se font morale­ment com­plices de l’État islamique et des meurtres que ses affil­iés multiplient.

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