Le nouveau mousquetaire de la droite
Née en novembre 1991 à Toulouse, Eugénie Bastié est journaliste au Figaro et à Causeur, rédactrice en chef de la revue Limite, et essayiste. Elle est devenue une habituée des plateaux de CNews et de la chaîne Histoire.
Cette jeune journaliste, couramment qualifiée de « réactionnaire », ou de « fille spirituelle » d’Éric Zemmour, a grandi à Pibrac, en Haute-Garonne. Son père est paysagiste et sa mère médecin nucléaire au cancéropôle de Toulouse, elle est l’aînée de 5 enfants.
Sa plume acerbe, largement utilisée et relayée sur les réseaux sociaux, se révèle au moment des débats sur le Mariage pour tous, en 2013. Elle est alors étudiante à Sciences Po et écrit pour Causeur, la revue fondée par Élisabeth Lévy, avant d’effectuer un stage remarqué au Figarovox, où elle est embauchée en 2015.
Son minois, ses yeux d’un bleu tranchant et son sourire en coin, en font rapidement une « bonne cliente » des médias, qui s’interrogent sur le parcours et les convictions de cette jeune fille, et multiplient invitations en plateau et sujets sur le phénomène « réac » qu’elle incarne. L’insolence avec laquelle elle répond à Jacques Attali sur le plateau de « Ce soir ou jamais », à qui elle coupe le sifflet d’un : « le vieux monde est de retour, Monsieur Attali », est – pour l’instant ! — le point d’orgue des faits d’armes de cette journaliste engagée (« Ce soir ou jamais », 25 septembre 2015 sur le thème : « Face à l’afflux de réfugiés, que faire ? Que penser ? »).
À noter également, parmi les faits d’arme du jeune « mousquetaire Bastié » (« Néo-féminisme : le mousquetaire Bastié fait mouche… Et porte l’estoquade », article de David Desgouilles paru sur Causeur le 8 avril 2016), un entartage en règle par des militants LGBT, au cours de l’enregistrement d’une émission sur le féminisme, en novembre 2015.
C’est d’ailleurs par ses écrits sur la question féministe qu’elle démarre une carrière d’auteur, avec la parution en 2016 d’Adieu Mademoiselle, et en 2018 d’un second ouvrage, Le Porc émissaire : Terreur ou contre-révolution, sur le mouvement #Metoo.
À la rentrée 2021, elle remplace partiellement Éric Zemmour – interdit de fait par le CSA – à son émission vedette Face à l’info sur CNews. Elle participe également à Place aux idées le samedi.
Voir aussi : Trois remplaçants à Éric Zemmour sur CNews
Formation
Eugénie Bastié a passé sa scolarité dans un pensionnat privé catholique situé à Lectoure, dans le Gers. En 2009 elle entre à Sciences po Paris, dont elle sort diplômée en 2014 (affaires publiques). Elle est également titulaire d’une licence de philosophie passée à Paris IV Sorbonne.
Parcours professionnel
En parallèle de ses études, Eugénie Bastié collabore à Causeur à partir de 2013, pour lequel elle suit les débats liés au Mariage pour tous. Elle effectue ensuite un stage au Figarovox, le site « débats et opinions » du Figaro dirigé par Vincent Trémolet de Villers. À l’issue de ce stage (2015) elle est embauchée par le nouveau directeur des publications du Figaro, Alexis Brézet. Cette collaboration se pérennise dans le temps puisqu’elle devient en avril 2017 journaliste au service « Débats et opinion » du Figaro.
Elle fonde en 2015 avec Gautier Bès de Berc, Camille Dalmas et Paul Piccarreta la revue Limite, qui se dit d’ « écologie intégrale ». Elle en est la et rédactrice en chef politique.
Elle tient depuis 2016 une chronique dans l’émission Historiquement show de Patrick Buisson sur la chaîne Histoire. Elle participe également à l’émission de LCI 24h Pujadas, et depuis janvier 2017 au Club de la Presse sur Europe.
Ce sont aussi les nombreux « buzz » médiatiques dont elle est l’origine qui la font connaître : sa première passe d’arme avec Jacques Attali dans Ce soir ou jamais et son entartrage par des militantes féministes lors de l’émission Flashtalk ne sont que les premiers d’une longue série. Elle fait à nouveau la une lors du mouvement #Metoo lors de l’émission de Léa Salamé sur France Inter lorsque la journaliste cite une phrase de son récent ouvrage, Le Porc émissaire : « une main aux fesses n’a jamais tué personne ». Marlene Schiappa lui adresse ses reproches sur Twitter dans les minutes qui suivent, de même qu’une de ses collègues de la revue Limite. Elle rétropédale rapidement et déclare finalement « si je devais refaire le livre aujourd’hui, je n’écrirais plus cette phrase ». Quelques mois plus tard, en mars 2018, elle justifie à l’antenne de Cnews les inégalités salariales entre hommes et femmes par le fait que ces dernières seraient « moins performantes au travail » du fait de leur cycle. Le scandale ne se fait pas attendre.
Très présente sur Twitter, avec plus de 53 000 abonnés en avril 2019, elle doit au réseau social un certain nombre de « bad buzz » qui ont eux aussi rapidement fait le tour de la toile. Elle tweete ainsi à la suite de la mort du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame lors de l’attaque terroriste du 23 mars 2018 « Ne jugeons pas trop vite cet homme en héros, il a peut-être mis des mains aux fesses à Saint-Cyr ». Le trait d’humour, en référence à l’article de Libération de mars 2018 révélant des cas de « harcèlement sexiste » dans la célèbre école militaire (Guillaume Lecaplain et Anaïs Moran, « Lycée Saint-Cyr : une machine à broyer les femmes », Libération, publié le 22 mars 2018) ne passe pas : la journaliste choisi de retirer le jour même son tweet et publie des excuses le jour suivant.
Parcours militant
Issue d’une famille gasconne de la petite bourgeoisie, de tendance conservatrice et gaulliste, Eugénie Bastié n’a pas de parcours militant connu avant son engagement aux côtés de la Manif pour tous. Elle a déclaré elle-même avoir voté pour Nicolas Dupont-Aignan au premier tour en 2012, et on peut qualifier son environnement politique de conservateur, souverainiste et gaulliste.
Ses références intellectuelles sont Charles Péguy, Bernanos, ou le Pape François. Mais elle cite également Pasolini, Simone Weil ou encore Mona Ozouf ou Hannah Arendt. Elle s’érige dans son ouvrage Adieu Mademoiselle en critique de Simone de Beauvoir.
Elle répond sans ciller aux journalistes qui l’interrogent sur sa religion et dit elle-même qu’elle va à la messe chaque dimanche, mais refuse d’en faire un étendard politique en expliquant que cela constituerait une forme de communautarisme, ce qu’elle critique.
Publications
Début 2016, Eugénie Bastié a publié son premier ouvrage aux éditions du Cerf. Adieu Mademoiselle : la défaite des femmes est un essai critique qui met en lumière les contradictions du néoféminisme moderne, son échec et sa misère. Ses critiques lui reprochent de consacrer un ouvrage entier à la critique du féminisme en ne mentionnant la question des violences faites aux femmes qu’au sujet des agressions de Cologne de 2016. La journaliste pointe en effet du doigt dans son ouvrage le silence des mouvements féministes quant à la violence nouvelle engendrée par l’immigration de masse, mais aussi par l’Islam radical.
Elle poursuit sa critique du féminisme contemporain avec la publication en 2018 d’un second ouvrage, Le Porc émissaire : Terreur ou contre-révolution, également aux éditions du Cerf. Il s’agit d’un essai critique sur le mouvement #Metoo. Elle y dénonce le mécanisme de délation à l’origine du hashtag et y refuse les positions qu’elle estime « victimaires » des mouvements féministes sur la question des violences faites aux femmes et s’inquiète d’une dérive puritaine de ces mouvements.
Dans La Guerre des Idées, son troisième ouvrage paru en 2021, elle délaisse la critique du féminisme pour se plonger dans les lignes de fractures du débat public contemporain. Elle distribue quelques coups au passage, notamment les figures les plus éminentes de la sociologie critique (Geofrrey de Lagasnerie, Didier Eribon), symptômes de la faillite de l’intelligentsia de gauche. Au fond, cet essai pose la question de savoir si un débat public est encore possible à une époque de « netflixisation » de la société. A cet égard, elle explique dans un entretien à Paris Match qu’« il y a une jeunesse musulmane qui aura une conception de la laïcité totalement différente de celle qu’on a en France, une autre plus tentée par la rhétorique LGBT, une autre encore conservatrice… On se demande bien ce qui unit les jeunes d’aujourd’hui ».
Dans La Guerre des Idées, son troisième ouvrage paru en 2021, elle délaisse la critique du féminisme pour se plonger dans les lignes de fractures du débat public contemporain. Elle distribue quelques coups au passage, notamment les figures les plus éminentes de la sociologie critique (Geofrrey de Lagasnerie, Didier Eribon), symptômes de la faillite de l’intelligentsia de gauche. Au fond, cet essai pose la question de savoir si un débat public est encore possible à une époque de « netflixisation » de la société. À cet égard, elle explique dans un entretien à Paris Match qu’« il y a une jeunesse musulmane qui aura une conception de la laïcité totalement différente de celle qu’on a en France, une autre plus tentée par la rhétorique LGBT, une autre encore conservatrice… On se demande bien ce qui unit les jeunes d’aujourd’hui ».
Collaborations
En septembre 2015, Eugénie Bastié lance la revue Limite, en collaboration avec Gautier Bès de Berc, Camille Dalmas et Paul Piccarreta deux amis. Elle en est est la rédactrice en chef politique.
Selon la description de ses fondateurs, Limite, trimestriel de combat culturel, est « la revue de la jeune génération chrétienne, écologiste, antilibérale et bioconservatrice (qui) promeut une écologie intégrale, c’est-à-dire une écologie environnementale, sociale, et humaine ».
Parmi les collaborateurs de cette revue, on y trouve plusieurs auteurs catholiques engagés, tels que Fabrice Hadjadj, Richard de Sèze, Paul Piccarreta ou Falk Van Gaver.
Elle est avec Marianne Durano à l’origine d’un dossier spécial consacré au féminisme, paru dans le 8e numéro de la revue en octobre 2017. Elle y réunit Peggy Sastre, Nathalie Heinich, Hélé Béji, Eliette Abécassis, Nancy Huston, Marie Jauffret, Iseul Turan et Isabelle Collin. Marianne Durano et Eugénie Bastié profitent de ce dossier pour lancer un appel à un « féminisme intégral » sous la forme d’un manifeste. Les deux femmes tentent de créer l’évènement en organisant en février 2018 une soirée-débat intitulée « Osez le féminisme intégral » avec Thérèse Argot et Natacha Polony. L’évènement reste toutefois peu relayé au-delà des sphères catholiques et anti-féministes.
L’expression n’est d’ailleurs que peu reprise dans les médias, qui préfèrent parler, pour les plus indulgents, d’« alter-féminisme » (Lucie Delaporte, « Entre alterféminisme et antiféminisme, la droite tâtonne », Médiapart, publié le 12 février 2018), et pour les plus sévères de « féminisme identitaire ». Eugénie Bastié est ainsi classée dans le « féminisme néo-réac ou féminisme identitaire » par un article de L’Obs aux côtés de Thérèse Argot, Ludivine de la Rochère, Madeleine de Jessey, ou encore Agnès Marion, les Antigones et les Caryatides (Marie Vaton, « D’Olympe de Gouges aux Effronté(e)s, plongée dans la galaxie féministe », L’Obs, publié le 14 janvier 2018) Quelle que soit la désignation, elle s’inscrit en effet dans un courant critique du féminisme largement relayé dans les média de l’ultra-droite, avec par exemple une participation aux côtés de Bérénice Levet, Solange Bied-Charreton, Natacha Polony, Ingrid Riocreux, Marcella Iacub et Marion Maréchal au dossier du numéro 166 de la revue Elements « Le Conservatisme au féminin », en juin 2017.
Ce qu’elle gagne
Non renseigné.
Elle l’a dit
À Jacques Attali, sur le plateau de « Ce soir ou jamais », le 25 septembre 2015 : « L’immigration, c’est pas Erasmus. L’immigration n’est pas une chance, c’est un drame , c’est une tragédie. Aujourd’hui l’Europe qui s’est construite sur la dilution du politique, c’est-à-dire : on renonce à la politique, on devient juste un grand supermarché ( … ) Le vieux monde est de retour, Monsieur Attali »
À Renaud Camus, au cours d’un échange en vers sur tweeter : « Oserais-je l‘avouer ? Que le diable m’emporte. / J’ai pour vous la tendresse qu’on a pour Don Quichotte. »
À propos de sa profession : « Je considère que le journalisme n’est pas un exercice objectif, mais j’essaie d’être honnête intellectuellement. »
À propos du féminisme de Simone de Beauvoir : « J’admire Beauvoir, qui avait du génie dans l’erreur, comme Marx et Nietzsche. Elle avait une puissance de pensée qui a bouleversé les dogmes de l’époque. Mais cela s’est payé par un certain nombre de dérives néoféministes, que Le Deuxième Sexe contenait déjà en germe. » (Interview à Causeur, 10 avril 2016).
À propos du harcèlement sexuel, lors de l’émission de Léa Salamé sur France Inter en septembre 2018 : « une main aux fesses n’a jamais tué personne, contrairement aux bonnes intentions qui pavent l’enfer des utopies », citation tirée de son ouvrage alors à paraître Le Porc émissaire : Terreur ou contre-révolution.
Ils l’ont dit d’elle
« Tout s’explique par son cursus. Il lui manque ce «graal» qu’est, en France, une agrégation ou, encore plus, un passage à l’École normale supérieure. Il y a un peu d’Eric Zemmour en elle, sans le poison de la xénophobie. Eugénie, c’est la surdouée de province, hétérosexuelle et méritocrate, qui frappe à la porte d’une élite parisienne qu’elle estime dévoyée et clanique », un confrère d’un grand journal parisien cité dans Le Temps, 14/05/2021.
« Eugénie Bastié est une journaliste tout à fait remarquable. Son enquête de grande qualité est un travail fondamental qui nous donne des raisons d’espérer. On se dit que le sens commun n’a pas disparu et que la réflexion est encore possible. Sans ce genre de personne, on serait totalement désespéré. Il est bon qu’elle existe », Alain Finkielkraut, cité dans Valeurs actuelles, 10/05/2021
« Eugénie Bastié, le nouveau visage de la droite réac’ », selon le portrait dressée d’elle par le Supplément de Canal+, émission du 17 avril 2016.
« Elle a un côté chipie, vous ne trouvez pas ? », Élisabeth Lévy, répondant à Canal+.
« Eugénie Bastié est-elle l’étoile montante de la réacosphère ? L’expression est aussi laide que juste », d’après le journal Libération, qui dresse son portrait à l’acide dans son édition du 18 mai 2016.
« La petite Zemmour en pire », c’est le surnom que lui donne Jacques Attali depuis leur accrochage sur le plateau de « Ce soir ou jamais ».
Sa nébuleuse
Élisabeth Lévy : la rédactrice en chef de Causeur constitue la première prise de contact d’importance d’Eugénie Bastié avec le monde médiatico-politique. Le style enflammé de cette chroniqueuse expérimentée a sans aucun doute joué un rôle sur l’assurance dont a rapidement fait preuve la jeune journaliste débutante.
Jacques de Guillebon : journaliste à Causeur au moment où Eugénie Bastié y entre ; il peut être considéré comme un « grand frère spirituel » d’Eugénie Bastié. Journaliste, essayiste et auteur, Jacques de Guillebon est un catholique engagé, antilibéral et de sympathie royaliste. Il est, avec Fabrice Hadjadj, le « parrain » de la revue Limite, qu’Eugénie Bastié fonde avec Paul Piccarreta, Gautier Bès de Berc et Camille Dalmas. C’est Jacques de Guillebon qui permet à cette revue d’être éditée au Cerf, puis amène l’ouvrage d’Eugénie Bastié à ces mêmes éditions (« Adieu Mademoiselle ») où il travaillait alors.
Natacha Polony : comme son aînée, Eugénie Bastié est journaliste au Figaro, comme elle, elle est souverainiste, et invitée sur les plateaux télévision pour porter une voix « réac », ce qu’elle fait avec talent et aplomb. Les deux femmes se sont naturellement trouvées à la rédaction du Figaro, et la première peut faire figure de grande sœur pour la seconde.
Jean-Christophe Buisson : directeur adjoint du Figaro, il est également le présentateur de l’émission « Historiquement Show » sur la chaîne Histoire où Bastié est chroniqueuse.
Crédit photo : Twitter@eugeniebastie