S’il est une expression qui met en colère les Polonais, c’est celle de « camps de la mort polonais » ou « camps de concentration polonais » parfois utilisée dans les médias internationaux pour parler des camps de concentration allemands dans la Pologne occupée pendant la Deuxième guerre mondiale.
Les fautifs expliquent généralement cela par un raccourci phraséologique, « polonais » voulant dire ici « situés en Pologne occupée ». Mais vu de Pologne, cela s’inscrit dans un discours qui tend à vouloir faire porter une partie de la responsabilité de la Shoah aux Polonais dont le gouvernement en exil à Londres et son Armée de l’intérieur qui luttait contre l’occupant en Pologne n’ont pourtant jamais collaboré avec les nazis et avaient même une organisation spéciale pour venir en aide aux juifs persécutés, la Commission d’aide aux juifs. Sans parler du fait que des résistants polonais se sont volontairement fait envoyer dans des camps de concentration pour voir ce qui s’y passait, faisant parvenir par le lieutenant Jan Karski (qui s’était lui-même introduit deux fois dans le ghetto de Varsovie) l’information sur le génocide en cours au président américain en personne. Après avoir rencontré le ministre des Affaires étrangères britannique pour l’alerter sur l’extermination des juifs en Pologne, Jan Karski a en effet remis en mains propres son rapport et un appel à l’aide des juifs à Franklin Delano Roosevelt le 28 juillet 1943. Au nom du gouvernement polonais en exil, le lieutenant Karski a proposé que les Alliés adressent un ultimatum à Hitler en menaçant de bombarder les populations civiles allemandes et qu’ils bombardent les nœuds ferroviaires par où passaient les trains emmenant les juifs dans les camps de concentration, mais les Alliés avaient d’autres priorités ou n’ont pas voulu croire les Polonais. En 2012, Jan Karski a été décoré post-mortem de la Médaille de la Liberté par le président Barack Obama au cours d’une cérémonie pendant laquelle le président américain a lui aussi parlé de « camps de concentration polonais », laissant un goût amer aux Polonais.
Une loi en discussion depuis l’année dernière au parlement de Varsovie ferait de l’allusion aux « camps de concentration polonais » un délit de révisionnisme passible d’une peine de prison au même titre que la négation de l’Holocauste.
Parallèlement, en décembre 2016, la télévision publique allemande ZDF a été condamnée par la Cour d’appel de Cracovie à présenter ses excuses et dédommager le Polonais Karol Tendera, un rescapé d’Auschwitz aujourd’hui âgé de 95 ans, pour avoir parlé en 2013 à propos d’une émission d’Arte de « camps de la mort polonais ». La ZDF s’est bien exécutée le 23 décembre, mais à reculons : les excuses ont été placées dans un endroit peu visible, tout en bas de la page d’accueil de son site Internet, sous le titre « Excuses auprès de Karol Tendera » (Entschuldigung bei Karol Tendera). Ce n’est que lorsque l’on clique sur ce titre énigmatique que l’on peut voir s’afficher le texte des excuses au format image, ce qui le rend invisible aux moteurs de recherche.
Face à une telle mauvaise volonté qui ferait presque penser que la télévision ZDF a utilisé volontairement la formulation « camps de la mort polonais », de nombreux internautes polonais se sont mis à commenter les articles du site Internet et de la page Facebook de ZDF en affichant des images de camps de concentration avec des messages en anglais dans le style : « camps de la mort allemands, pas polonais, souvenez-vous ! ». Ce mouvement s’est accompagné d’une campagne de hashtags #GermanDeathCamps #GermanNotNazi #GermanNotPolish (camps de la mort allemands / allemands pas nazis / allemands pas polonais).
On pourrait logiquement penser que, face à cette réaction, la télévision publique allemande corrigerait le tir, mais pas du tout ! Elle a au contraire entrepris de supprimer et bloquer tous les messages provenant d’utilisateurs affichant les inscriptions lui rappelant que les camps de concentration en Pologne étaient allemands et que les Allemands y exterminaient les juifs et tziganes polonais et non polonais et qu’ils y ont aussi tués de nombreux Polonais non juifs.
La ZDF n’en est pas à son premier fait de révisionnisme. Début 2013, elle avait produit et diffusé le téléfilm « Nos mères, nos pères » (Unsere Mütter, unsere Väter) sur les tribulations d’un groupe de jeunes soldats allemands de la Wermacht entre 1941 et 1945. Ce téléfilm avait lui aussi fait scandale en Pologne, car il présentait la résistance polonaise comme nettement plus antisémite que les soldats de la Wehrmacht avec notamment une scène inventée de toutes pièces ou une unité de l’Armée de l’intérieur polonaise (AK), après avoir découvert que le train qu’elle venait de capturer transportait des juifs vers un camp de concentration, avait décidé de les abandonner à leur triste sort. Dans une autre scène, les soldats de l’AK affirmaient : « Les juifs, nous on les noie comme on fait avec les chats ». Malgré les critiques virulentes en Pologne contre ce film, la télévision publique polonaise TVP avait décidé de l’émettre en juin 2013 pour permettre à ses téléspectateurs de juger par eux-mêmes, créant elle aussi la polémique.