[Rediffusions estivales 2017 – article publié initialement le 21/06/2017]
Arte a diffusé mardi 13 juin 2017 un documentaire intitulé « 3 jours en septembre ». Il est résumé de la façon suivante sur le site de la chaine : « Au début du mois de septembre 2015, la chancelière allemande Angela Merkel décide de laisser entrer en Allemagne des milliers de réfugiés syriens bloqués en Hongrie. Retour sur trois jours qui ont changé l’histoire ».
Parmi les personnes témoignant au cours du documentaire, Marie Schutte, bénévole à la gare de Keliti (Hongrie), Melissa Fleming, porte parole de l’UNHCR (haut comité aux réfugiés des Nations Unies), Petra Bendel, spécialiste des migrations, Thomas de Maizière, Ministre de l’intérieur allemand, Angela Merkel, la Chancelière allemande, József Czukor, ancien ambassadeur de Hongrie à Berlin, Bernd Ulrich, journaliste au journal allemand Die Zeit et le journaliste d’Arte qui nous gratifie de nombreux commentaires entre les interviews.
Verbatim
Le journaliste d’Arte introduit le sujet en indiquant qu’en Hongrie, les migrants étaient alors bloqués à la gare, « c’est la confusion la plus totale. (… ) ». Les migrants veulent quitter la Hongrie car « le gouvernement s’évertue à ne leur donner aucune perspective ».
Pourquoi le nombre de réfugiés a‑t-il augmenté si soudainement en septembre ? « à cause de l’exacerbation des conflits » selon Petra Bendel.
L’élément déclencheur : « Le tweet du ministère de l’office fédéral (allemand) a créé un effet d’aspiration » car il indiquait qu’il n’y aurait pas de renvois de syriens en Hongrie… . « Ils savaient qu’ils pouvaient tous aller en Allemagne » selon Thomas de Maizière.
À partir du moment où ce tweet a été connu, « tout le monde avait la nationalité syrienne », « mais quasiment personne ne pouvait le prouver » indique Marie Schutte.
Le journaliste du Zeit indique qu’il fallait alors « choisir dans la précipitation entre la culture de l’accueil ou du rejet ».
Le journaliste d’Arte précise que « la gare de Budapest devient une caisse de résonnance médiatique ». « La marche des migrants a un effet d’aimant, plus rien ne semble les arrêter ». « L’Allemagne met l’Autriche et la Hongrie devant le fait accompli, sans se soucier du sort des réfugiés » en affrétant des bus pour conduire les migrants dans ces pays.
Selon le journaliste « les scènes de Hongrie (un migrant qui a agrippé une voie de chemin de fer pour exiger de pouvoir aller en Allemagne) et les photos de la culture de l’accueil allemande ont pour point commun de nous montrer que quand les images circulent librement, le contrôle échappe aux politiques ». « L’Allemagne a montré un jour accueillant et le flux des réfugiés semble sans fin, ce qui n’est pas sans susciter quelques craintes ».
La parole est alors donnée à un représentant des autorités allemandes qui indique que l’Allemagne « ne peut à elle seule accueillir à elles seules tous les réfugiés du monde ». Le journaliste d’Arte reprend : « Le refrain de la surpopulation des réfugiés est repris par tous les extrémistes et populistes d’Europe ». « Pour eux, les crises humanitaires ne sont pas un argument ».
Celui du Zeit devient sentencieux : « Cette absence d’image (sur l’exode) devrait nous interroger ». Le journaliste d’Arte enfin interroge : « la politique des frontières cadenassées ne détruit-elle pas nos valeurs ? ». « Ces jours ont-ils secoué les consciences ? L’Europe est-elle en train de devenir adulte ou se dirige-t-on vers un durcissement des frontières comme en Hongrie ? ».
Analyse
Il ressort de ces interviews et surtout des commentaires du journaliste d’Arte que la Hongrie serait arc boutée « dans la culture du rejet », sans que l’on en connaisse les raisons. A aucun moment ne sont évoqués la situation sociale et économique de ce pays, la coexistence plus en moins difficile entre cultures, la volonté d’éviter la formation des ghettos ethniques dont peuvent s’enorgueillir la France et d’autres pays européens, etc…
Le flux des migrants, bien qu’attisé par des outils technologiques et medias modernes (smartphones, tweets) est présenté comme un phénomène naturel : « Le contrôle échappe aux politiques ».
Quand la question du flux « sans fin » de migrants est évoquée, la parole est donnée à un Ministre allemand qui ne parle pas de le freiner mais de le répartir avec les autres pays européens. L’augmentation continue du nombre des demandeurs d’asile est un « refrain repris par les extrémistes » et non pas un élément factuel. Les pays qui « ferment leur frontières » ne sont pas « adultes ».
Ce documentaire est dans la lignée de celui diffusé mardi 11 avril sur la chaine France 5 et intitulé « Après la jungle ». Consacré à « la redirection des migrants de Calais vers des centres d’accueil et d’orientation», il n’a exploré qu’un seul registre : celui de l’émotion, de l’empathie et de la culpabilisation, comme si ces émotions devaient guider toutes les décisions et opinions en la matière.
Tout au long de « 3 jours en septembre », aucun élément chiffré sur une période plus longue ne sera donné. Il importe de ne pas diluer le message. Aucun élément sur les conséquences de ces arrivées massives et le choc des cultures dans des pays européens confrontés au chômage de masse ne sera dispensé. Pas de précisions non plus sur les nationalités et motivations essentiellement économiques de migrants autres que syriens. Ne parlons pas de certaines raisons, notamment économiques et démographiques, de l’Allemagne dans cet accueil massif, passées sous silence par le journaliste d’Arte. À ce stade, il s’agit de commenter le choc de photos, comme celle du petit Aylan, et de susciter l’émotion et le bon sentiment. Pas d’élargir la réflexion sur le sujet. Bref, une certaine forme de militantisme.