Le reporter d’images français Stéphan Villeneuve, âgé de 48 ans, est mort lundi 19 juin 2017 à Mossoul des suites de l’explosion d’un engin artisanal explosif (IED) dans les rues de Mossoul. Son fixeur, Bakhtiyar Addad, un journaliste kurde habitué à travailler avec les médias français, est décédé aussi, tandis que deux autres journalistes français – Véronique Robert, qui travaillait elle aussi pour Envoyé Spécial, et Samuel Forcy (Le Figaro, Télérama, Les Inrocks) ont été blessés et sont soignés dans un hôpital militaire américain en Irak.
Fils de Bernard Villeneuve, administrateur du SPQN (Syndicat de la presse quotidienne nationale) et ancien directeur du Matin de Paris et de La Tribune, Stéphan Villeneuve a commencé par faire des études à la Sorbonne, puis a été recruté à l’agence CAPA à la demande de son père, révèle Hervé Chabalier, fondateur de l’agence, au Figaro : « Son père m’avait demandé de le prendre à Capa pour lui donner envie de faire quelque chose. Il a appris le métier en gravissant les échelons. Il était bon. Dès qu’il a commencé à filmer, il a voulu aller dans les endroits difficiles ». Il reste grand reporter à CAPA de 1988 à 2005, puis prend son indépendance en devenant free lance.
Il couvre la chute du mur de Berlin, mais aussi la plupart des terrains de guerre, la Bosnie, le Kosovo, l’Irak – il fait avec Grégoire Deniau un documentaire intitulé Dans la fournaise irakienne en 2004 – les conflits africains, la Syrie – où il fait un nouveau documentaire, Vie de guerre à Alep, en 2013 – ou encore le Yémen. Un de ses reportages réalisés fin 2011 dans ce pays est diffusé dans l’Effet papillon sur Canal + le 8 janvier 2012. Il a aussi réalisé des reportages pour l’émission 24 heures sur la chaîne cryptée.
En 2014, Stéphan Villeneuve avait réalisé un des premiers documentaires sur l’Etat Islamique : Daech, naissance d’un état terroriste. Jérôme Fritel, coréalisateur du documentaire disait de lui au Figaro qu’il : « était tout sauf un journaliste de salle de rédaction. Il considérait que pour comprendre, il fallait aller sur le terrain. Il avait une empathie naturelle, un don pour le contact avec les gens, qui faisait de lui un reporter hors pair ». Au Parisien, Jérôme Fritel confie que « ce qui l’intéressait, ce n’était pas le “boum boum”, ce qui l’intéressait c’était les humains, les gens qui subissent la guerre. C’était un grand sensible ».
À Mossoul où il était arrivé le 19 juin, il travaillait pour #5bis productions. Son rédacteur-chef Nicolas Jaillard affirme à son sujet à France Info qu’il était « un journaliste qui aimait raconter la guerre ». Dans les colonnes du Parisien, il met l’accent sur la sensibilité et l’attachement de celui-ci à la beauté de l’image : « C’était un photographe Stephan au départ, donc il avait un regard particulier, énormément de sensibilité avec les gens ». L’ensemble des proches et collègues du journaliste insistent sur sa prudence et son grand professionnalisme sur le terrain.
Sur le plan privé, Stéphan Villeneuve a laissé derrière lui « un clan familial extrêmement soudé », selon Jérôme Fritel. Il était marié pour la seconde fois avec Sophie, et avait quatre enfants – deux jumeaux, Luna et Corto, du premier mariage – ils passent actuellement leur bac, et deux filles âgées de 5 et 9 ans, Anna et Bianca, du second. Passionné de lectures et de moto, il aimait les Harley-Davidson et partait en voyage une fois l’an avec une bande de motards. À l’approche de la cinquantaine, il restait surtout un passionné du journalisme de terrain, un caractère fort, « sur le terrain, 100 % journaliste et quand il était à Paris, 100 % avec sa famille » qui vivait sa vie et son métier avec intensité.
Hommage à nos confrères et amis Stéphan Villeneuve et Bakhtiyar Haddad, tués à Mossoul https://t.co/PNWH6fb7lv pic.twitter.com/6MXTFVD8ji
— Agence CAPA (@AgenceCAPA) 20 juin 2017