Les dissensions entre Marine Le Pen et Florian Philippot réjouissent le Directeur de la rédaction de France Inter. Dans un billet daté du 22 septembre (la Mécanique médiatique) consacré au « Riffifi au FN », Jean-Marc Four développe l’argument selon lequel l’opposition entre Marine Le Pen et Florian Philippot serait une forme de revanche.
Morceaux choisis
« C’est aussi une forme de revanche pour la presse. Oui, la gourmandise journalistique sur le sujet trouve aussi sa source dans une sorte de “match retour”.
D’abord, pendant la récente campagne présidentielle, les journalistes sont nombreux à avoir souffert du traitement que leur a imposé le Front National. Accès interdits aux meetings pour quelques organes de presse, refus de Marine Le Pen de se rendre sur plusieurs grands médias, tri entre les journalistes pour couvrir certains déplacements de campagne. Dans l’entre-deux tours, les 30 principaux médias français avaient d’ailleurs formellement protesté contre les méthodes du FN. Il s’y ajoute un doute plus structurel qui taraude la presse : c’est la question de la responsabilité journalistique dans la montée du Front National depuis 20 ans.
Faute d’avoir su enrayer cette progression de l’extrême droite, il y a donc une tentation de vouloir précipiter son recul, en donnant un large écho à ces dissensions ».
Présenter certains journalistes comme des victimes du Front national alors que nombre de médias ont ostensiblement « roulé » pour Macron pendant la campagne électorale, voilà qui ne manque pas de piquant… Pendant ce temps, les langues se délient : « com verrouillée, médias critiqués, Macron force les journalistes à avaler leur chapeau », selon LCI. Pas de « revanche » à prendre dans ce cas ?
Le lancement de l’association « Les Patriotes », présidée par Florian Philippot, au lendemain des élections a signé le début de prises de position divergentes entre Marine Le Pen et Florian Philippot. Jusqu’en septembre, la couverture médiatique de ce débat a principalement porté sur l’euro et l’Europe. La rentrée a quant à elle été marquée par une couverture des leaders du Front national réduite à l’opposition de sa Présidente au rôle de F. Philippot au sein des Patriotes.
Cette couverture a pris deux formes : dans un premier temps, ne parler que des doutes pouvant exister après la défaite de la Présidentielle (et surtout pas du score inédit, 10,6 millions de voix au 2nd tour). Puis ne retenir des interventions des deux principaux leaders du FN dans les médias que les propos les mettant en opposition.
Le parti en plein doute et des interviews dont il ne ressort que des oppositions entre personnes
Pour 20 Minutes le 17 mai, « le Front national semble tanguer », une expression reprise par Le Parisien. Paris Match donne le 30 mai la parole à un politologue qui déclare « Le FN joue sa survie aux législatives », Libération nous indique le 7 septembre qu’au Front national : c’est le désordre après le KO », etc…
Il y a là un cas d’école qui pourrait être enseigné dans les écoles de journalisme : depuis la rentrée de septembre, chaque passage dans un média de Marine Le Pen et de Florian Philippot n’est relayé dans les autres médias que sur un seul sujet : les divergences entre les deux personnes. On assiste à une « démultiplication » systématiquement négative des interventions des deux leaders et sa réduction au plus petit dénominateur commun : leur opposition.
Ainsi, Le Figaro relate le 15 septembre une interview de M. Le Pen au Parisien : « Marine Le Pen demande à Florian Philippot de clarifier sa situation ». RTL estime que « Marine Le Pen souhaite que Florian Philippot soit plus clair sur ses intentions ». Le Point titre un article sur « Marine Le Pen-Florian Philippot : règlement de comptes par médias interposés ». À l’unisson, Le Figaro et L’Express estiment que « Le Pen et Philippot s’écharpent par médias interposés ». Pour RFI, on assiste à un « échange d’amabilités entre Marine Le Pen et Florian Philippot ». On pourrait ainsi multiplier les exemples.
Ce très large écho accordé aux dissensions au sein du Front National, au point de devenir l’angle quasi exclusif de la couverture médiatique de ce parti politique, est-il un hasard ?
Crédit photo : Emeric Folhen via Flickr (cc)