L’ambiance de travail cauchemardesque du groupe Mondadori (Grazia, Closer, Biba, Téléstar, Top Santé, Modes & Travaux, etc…) : quand le CHSCT (Comité d’hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) commande une étude sur « l’environnement psychosocial », bref, l’ambiance au travail suite à des restructurations difficiles et que la direction tente de bloquer l’étude à coups de procédures judiciaires, c’est mauvais signe. Et ça n’a pas raté : le rendu de l’étude demandée il y a un an – retardée de neuf mois après diverses procédures dont une saisine de la cour de Cassation – et réalisée par le cabinet Actysens Conseil cet été montre carrément qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de Berlusconi.
Les réorganisations qui ont mis le feu aux poudres sont celles de l’année 2016. A l’automne encore, la direction a imposé « le regroupement géographique par métiers des journalistes des rédactions de Top Santé, Vital, Vital Food, Modes & Travaux, L’Ami des jardins et Pleine Vie, ainsi que la création d’une “content factory”, c’est-à-dire une usine à contenus chargée de fournir à ces rédactions des sujets pour leurs rubriques mineures », résumait alors le SNJ. Les salariés ont fait grève en décembre, obtenu la suspension de la réorganisation – et un plan de départ volontaire de 30 postes début 2017. Mondadori France, qui comptait 1000 salariés en 2013 et n’est plus qu’à un peu plus de 700 aujourd’hui, réalise 330 millions d’€ de chiffres d’affaires par an.
Pour l’étude, 440 personnes ont accepté de répondre au questionnaire et 58 à un entretien individuel. Elles travaillent au sein du groupe, qui édite les magazines Grazia, Closer, Biba, Téléstar, Nous deux, Autoplus, Le Chasseur Français, etc… Le mal-être des salariés semble carabiné d’après Le Canard Enchaîné qui en cite les bonnes feuilles : « idées suicidaires, références à des violences verbales (insultes, cris aux postes de travail) et à des pulsions agressives dirigées envers d’autres salariés et qui s’expriment parfois en maltraitant le matériel ».
Un quart des salariés qui ont accepté l’entretien individuel ont pleuré pendant celui-ci. D’autres ont parlé « burn-out », décrit leur travail ainsi : « on nous demande de fabriquer des articles comme des yaourts », et pointé le manque de reconnaissance de leurs chefs : « si tu n’es pas content, tu peux te casser », « vous êtes déjà allés au Pôle emploi des journalistes », etc.
Le SNJ-CGT fait son propre résumé. L’étude démontre « l’appréhension très limitée par la direction des RPS auxquels sont exposés les salariés de Mondadori France », autrement dit que la direction ne se rend pas compte que l’ambiance au travail est pourrie, « les conséquences lourdes des réorganisations successives, l’absence d’intérêt de la hiérarchie pour le travail réel des salariés, la fréquence des violences psychologiques dans l’entreprise, des risques importants de “burn-out”, les canaux d’alerte sont déficients ou négligés ».
La réaction de la direction au rendu de l’étude, le 6 octobre, en présence d’un inspecteur du Travail, n’a pas dénoté : un responsable a commenté une opération de dératisation prévue dans les locaux dans un mail destiné à une collègue cadre et envoyé par erreur à tout le personnel : « je suis outrée que Mondadori s’attaque si lâchement à ces petites bêtes si charmantes. Je vous envoie dès ce soir la ligue de défense des rongeurs et saisis le CHSR (comité hygiène et sécurité des rongeurs) ».
La bonne blague a causé dès le 9 octobre une lettre de protestation intersyndicale (CGC, CGT, SNJ, FO, CFDT) et le vote de deux motions le 12 octobre par 400 salariés sur 700. Une pour protester contre « cette attitude [qui] constitue un déni des risques psychosociaux avérés dans l’entreprise », une autre pour protester contre la réduction des indemnités de licenciement « par deux ou par trois » suite aux propositions du syndicat des éditeurs de la presse magazine.
Cependant le vendredi 13 octobre Carmine Perna, directeur général de Mondadori France, a recadré les choses et dévoilé son plan pour améliorer l’ambiance au travail. Carabiné lui aussi : « groupes de parole dans le cadre de réorganisations, médiation en cas de conflits relationnels, coaching managérial, dispositif d’alerte à la Médecine du travail, hotline psychologique, infirmière à la disposition des salariés, campagne bien-être, assistante sociale… ». Mamma mia !