La loi liberticide dite NetzDG a été adoptée en Allemagne le 5 avril 2017 et mise en application le 1er janvier 2018. Cette loi prévoit de très fortes sanctions financières contre les réseaux sociaux qui ne pratiqueraient pas une stricte politique de censure.
Une censure qui dit son nom
La loi incite par la contrainte financière les sociétés privées (les américains Facebook, Twitter, Google, les fournisseurs d’accès) qui ne censureraient pas tout ou partie des écrits, post ou vidéos diffusés numériquement et enfreignant 24 articles du code criminel allemand tels « la diffamation de l’État et de ses symboles », « la diffamation des organes constitutionnels et de la constitution », « la diffamation des religions » et « l’apologie de la violence », ce qui laisse une très large part d’incertitude et de nombreuses possibilités d’interprétation.
Le président de l’association allemande des journalistes (Deutscher Journalisten-Verband, DJV) Frank Uberall a condamné la loi en ces termes : « nos craintes déjà présentes pendant le processus législatif ont été confirmées. La loi NetzDG viole la fondamentale liberté d’expression. »
Le Titanic pris dans la tempête
L’affaire dite « Titanic » a renforcé le malaise. Rien à voir avec le naufrage du fameux navire, Titanic est un magazine satirique allemand. Une député de l’AfD (droite conservatrice) Beatrix von Storch a vu son compte Twitter supprimé au moment des fêtes de fin d’année en 2017. La police de Cologne (voir ici notre article sur les viols de la Saint Sylvestre 2016 à Cologne et la réaction des médias) avait twitté en arabe ses bons vœux et quelques recommandations sur la manière de se comporter pendant les fêtes. Ce à quoi la parlementaire avait répondu au tweet « Pourquoi un site officiel de la police tweete t’il en arabe ? Pensez vous que ce soit pour apaiser les hordes barbares et violeuses des hommes musulmans ». Son compte fût supprimé sans forme de procès par Twitter. Malicieux, le magazine Titanic reprit sous forme humoristique et parodique un faux compte de la parlementaire en écrivant sous son nom : « Lors du dernier tournoi de fléchettes les hommes blancs boivent et poussent la boule, une de nos dernières traditions allemandes ? ». Twitter non seulement supprima le tweet mais aussi le compte du journal, compte qui ne fût rétabli que deux jours plus tard après de fortes pressions médiatiques.
La France après l’Allemagne ?
Le président de la Fédération Européenne des Journalistes (EFJ) Mogens Blicher Bjerregard à son tour a condamné la loi. « Nous demandons instamment au Parlement allemand de discuter avec toutes les parties prenantes pour une approche sociétale globale prenant en compte la liberté d’expression aussi bien que l’impact des discours de haine sur les réseaux sociaux », a‑t-il fait savoir. Entre la censure allemande déjà à l’œuvre et les projets de loi en France sur les fausses nouvelles à venir, la liberté d’expression a des soucis à se faire.
Crédit photo : ojim (cc)