La revue de géopolitique Conflits a publié début 2018 un numéro spécial sur le soft power américain sous toutes ses formes, en particulier dans le domaine des médias et de l’art de vivre. Via la farce des fake news (les bons vieux Bobards renommés à la sauce US), la Russie — au soft power supposé omnipotent — est accusée par tous les supports dominants, ad nauseam, de tous les maux. Au milieu de tout ce tintamarre, les chinois sont plutôt silencieux. Mais pas inactifs comme le montre notre dossier.
La grande voix de la Chine
Beaucoup connaissent la chaîne Russia Today (RT) ou la radio Sputnik, toutes deux liées à l’agence russe Novosti. Tout le monde connaît CNN ou France 24 qui – officieusement ou officiellement — promeuvent la vision du monde américaine ou française. Vous allez découvrir très prochainement La Voix de la Chine, porte étendard du soft power chinois. La chaine étatique CCTV et les radios d’État chinoises apporteront leur savoir faire dans une fusion étroitement surveillée par le parti. La nouvelle entité sera rattachée directement au département central de la communication, « département de la propagande » en chinois. Cette nouvelle organisation témoigne de la volonté des autorités de renforcer l’influence de la Chine à l’étranger. Une volonté déjà ancienne puisque l’agence Chine Nouvelle (l’AFP chinois) disposera de plus de 200 bureaux dans les deux ans. Au même moment les instituts Confucius se multiplient dans le monde.
Xi Jiping, dont les pouvoirs ont été considérablement renforcés lors du 19ème congrès du Parti Communiste Chinois (PCC), serait à l’initiative de cette grande offensive du soft power chinois. Pour le PCC les médias ne sauraient être neutres, ils sont des combattants sur le front de la propagande comme les opérateurs économiques privés ou publics sont des combattants sur le front du développement économique. De ce côté aussi, les chinois ne restent pas immobiles.
D’Alibaba à Bilibili
Vous avez entendu parler d’Alibaba (non, pas celui des 40 voleurs, l’autre, le chinois), de Tencent, voire de Baidu. Alibaba le géant du commerce électronique chinois qui vient de croquer son compatriote ele.me qui livre dix millions de repas chaque jour. Alibaba, côté plus de 450 milliards de dollars à la bourse de New-York. Tencent, le concurrent de Facebook (interdit en Chine) dont l’application mobile wechat (prononcez weï tchin en mandarin) va bientôt atteindre le milliard d’utilisateurs. Baidu concurrent de Google, le moteur de recherches chinois classé par Alexa comme le 4ème site le plus visité au monde.
Mais vous ne connaissez pas encore iQyi ou Bilibili. Bilibili dont le nom évoque peut-être notre guili-guili (information à vérifier en mandarin toutefois). Baidu a déposé en mars 2018 un dossier pour introduire à Wall Street sa plate-forme vidéo iQyi (prononcez Aïe tchi i). La plate forme qui produit un équivalent chinois de The Voice, vient de signer avec Netflix pour diffuser en Chine les succès de ce dernier. Mais iQyi espère bien aussi diffuser à l’étranger ses succès populaires, à caractère historique et conformes à la politique générale des autorités. Un site destiné aux jeunes, le charmant Bilibili, vise aussi une introduction à New York. Pour le moment ces nouvelles entreprises visent le marché chinois et celui des communautés chinoises à l’étranger. Mais il ne faudra pas longtemps pour qu’une plate-forme chinoise vous propose un abonnement à la demande pour voir les (bons) programmes historiques chinois un peu romancés ou des séries sentimentales qui n’ont rien à envier (sur le plan lacrymal) aux telenovelas du Brésil.