Macron a fini par aller à une sorte de Canossa, au Journal de 13h sur TF1 de Jean-Pierre Pernaut. Pour l’audience – 51.5% de parts du marché, soit un téléspectateur sur deux à cette heure – mais pas seulement. Aussi pour parler aux classes sociales qui se sentent oubliées depuis son élection et qui ont boudé les législatives (Macron et ses députés n’ont été élus que par 15% du corps électoral). De son côté, Bruno Roger-Petit, issu de la presse de gauche bobo traditionnelle (L’Obs), a toujours snobé le 13 heures de TF1. Le fait que Macron y soit allé témoigne-t-il de la marginalisation du conseiller communication du Président ?
Fonds de commerce et flair politique
Journaliste de seconde zone qui a fait de l’attaque personnelle et du procès d’intention son fonds de commerce, Bruno Roger-Petit a soutenu sans limites François Hollande avant de tourner casaque pour Macron, à un tel point que la société des journalistes de Challenges s’en est émue pendant la campagne. Il a été nommé porte-parole de l’Élysée le 29 août 2017.
Dernièrement, l’adresse aux catholiques d’Emmanuel Macron, puis ses face-à-face avec Jean-Pierre Pernaut, Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin marquent une rupture avec la communication snob et classique qui était jusqu’alors celle de « Jupiter », dit « président des riches » par ses détracteurs. En choisissant le JT de 13 heures, les Grandes Gueules ou Mediapart, Macron continue ce qu’il avait fait avec Konbini ou Cyril Hanouna, mais dans un registre plus sérieux : il va là où est l’audience, là où sont les gens qui représentent la majorité de l’électorat et se contentent pour l’instant de subir en silence ses mesures, tout en étant pour certains directement frappés au portefeuille.
BRP réduit au rôle de Twitter en chef ?
Là où sont aussi les cibles de la propagande – plutôt de gauche et d’extrême-gauche – qui les appelle à rejoindre les mouvements de contestation sociale tous azimuts, centrés autour d’un thème qui va droit au cœur d’une grande partie des français : la défense du service public – voire des fonctionnaires – et de son maillage territorial jusqu’au cœur de la ruralité.
Selon le Canard Enchaîné (11 avril) ces choix témoignent aussi d’une marginalisation croissante de Bruno Roger-Petit, en froid avec Brigitte Macron. Celle-ci aurait « deux collaborateurs de son mari dans le collimateur […] son conseiller spécial Ismaël Emelien et son conseiller en communication Bruno Roger-Petit. Preuve de leur disgrâce, ces deux là ne sont jamais conviés aux dîners de travail restreints ou élargis de Macron ». Le Canard ajoute que Bruno-Roger-Petit est désormais cantonné à la gestion « du compte Twitter de l’Elysée ».
Et dire qu’il y a quelques années, Bruno Roger-Petit disait tout le mal qu’il pensait du 13h de Jean-Pierre Pernaut ! « Jean-Pierre Pernaut, incarnation du journalisme de proximité, présentateur du JT de 13h de TF1, sera le médiateur entre le président et son cœur de cible électoral, celui qui a assuré la victoire en 2007 : un public âgé, provincial, conservateur et inactif », écrivait l’éditorialiste dans l’Obs le 27 octobre 2011. Bref, l’inverse de la « start-up nation » de Macron. Tout ça en posant une bonne question : « L’intervention sur TF1 et France 2 de Nicolas Sarkozy ce jeudi soir est-elle une émission 100% télécommandée par l’Élysée ? » En 2018, la question est toujours valable. Merci à BRP de l’avoir posée en 2007, il n’est pas tout à fait certain qu’il la pose de nouveau.