De précédents articles vous avaient informé du démantèlement d’une partie des médias du groupe Lagardère. Seuls le JDD et Paris Match paraissent sanctuarisés alors que le sort d’Europe 1 semble incertain (nous y reviendrons demain). L’irruption du tchèque Daniel Kretinsky confirme ce démantèlement et annonce de nouvelles ambitions en France pour cet homme d’affaires influent.
Les chèques du Tchèque pour des journaux en difficulté
Les affaires de Marianne ne tournaient pas fort. La nomination de Renaud Dély (venu de L’Obs) en mai 2016, plaisamment surnommé Délit d’opinion, était étonnante pour un journal au ton insolent voire populiste. Encore plus étrange, l’arrivée fin 2016 de la menteuse professionnelle Caroline Fourest, était le signe d’un management incertain voire erratique. En cessation de paiement début 2017, l’hebdomadaire autrefois rebelle avait soutenu sans nuances le candidat Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, décontenançant nombre de lecteurs, mais gagnant sans doute un répit via les aides à la presse.
La situation était en apparence différente à Elle. Fort de ses nombreuses éditions internationales, d’un positionnement libéral (le journal n’est qu’une jaquette de publicités de produits de consommation pour les femmes) et reprenant tous les mantras du libertarisme sociétal : antiracisme de convention, ode au métissage, mariage pour tous et toutes, enthousiasmes genré.e.s et racisé.e.s, conformisme de plage, le journal semblait adapté à une France macronisée. Las, le déport du marché publicitaire vers le numérique ne garantissait pas les futures recettes, et Lagardère avait indiqué que le titre était à vendre.
Qui est Daniel Kretinsky ?
Ayant fait fortune dans la distribution d’énergie dans les pays d’Europe centrale et quelques autres, francophone (il a fait une partie de ses études à Dijon), ce quadragénaire semble déterminé à se faire une place au soleil des médias.
Il rachète en 2014 au groupe suisse Ringier un groupe local de médias, le Czech News Center sera son véhicule pour racheter d’autres titres. Dans un entretien avec Chloé Woitier dans Le Figaro du 21 avril 2018, il semble faire preuve d’un esprit plutôt politiquement correct déclarant que son premier rachat était une décision citoyenne, ajoutant : La vague de populisme et de nationalisme que connaît l’Europe est en partie la conséquence de l’affaiblissement économique des médias traditionnels. Reprenant le faux argument des fake news, il évoque des contenus trompeurs aux sources troubles qui sèment le doute chez les citoyens.
Son groupe rassemblerait dans son pays plusieurs quotidiens et une vingtaine de magazines. Rachetant en même temps que Elle, les radios privées du groupe Lagardère en Europe centrale, il ajoute la radio à son empire de presse papier. Pour Elle il annonce son ambition pour le digital, un domaine où le magazine est en effet assez faible. Pour le rachat de Marianne il revendique un motif citoyen voire altruiste, afin de venir en aide à ce titre. Une déclaration qui ne coûte pas cher et n’engage à rien même si Kretinsky dit vouloir renforcer la rédaction. Notre correspondant à Prague nous enverra des informations complémentaires sur cet investisseur surprise dans les prochains jours.
Photo : Capture d’écran vidéo Kryštof Raška. DR