On parle beaucoup du scandale Cambridge Analytica, la société qui aurait revendu à la campagne Trump de 2016 des données personnelles d’électeurs américains, données fournies par ou volées auprès de Facebook. Mais qu’en est il exactement ?
Un peu d’histoire
La société a été créée en 2013 par deux spécialistes de la cybersécurité Alexander Nix et Alastair Carmichael MacWilson. L’idée est simple : raffiner des données de base recueillies au départ par Google et Facebook pour les revendre à des entités privées ou publiques, dans un but purement commercial. En bonifiant les données brutes, en précisant les profils individuels selon leurs caractéristiques économiques, géographiques, psychologiques, culturelles et politiques, la société proposera une plus-value appréciable aux sociétés qui voudront utiliser ces données pour leurs campagnes commerciales aussi bien que politiques, réalisant ainsi des profits dans une optique capitaliste classique.
La société rassemble des données personnelles sur des acheteurs ou électeurs potentiels (data mining), les assemble et les revend (data brokerage), jouant le rôle de courtier en données. Elle a travaillé pour le Brexit (du côté du leave) en Angleterre et pour la campagne victorieuse de Trump aux États-Unis.
Les liens Cambridge/Facebook
Qui a trompé qui ? La réponse n’est toujours pas claire. En mars 2018 un ancien employé canadien de Cambridge Analytica, mécontent de son licenciement, a dénoncé son ex-employeur. Il a indiqué que la société avait pompé frauduleusement les données personnelles, et sans leur consentement, de plus de 80 millions de personnes via Facebook, profitant d’une faille informatique connue et exploitée par Facebook lui-même. Ces données auraient été revendues à la campagne Trump. Le responsable de l’étude Alexander Cogan et Marc Zuckerberg se sont renvoyés la balle, chacun estimant que l’autre était responsable. Les clients de Cambridge se sont évaporés et la société s’est mise en faillite trois mois plus tard en mai 2018.
Légalité et légitimité
Au bout du bout, Cambridge n’a fait que commercialiser des données personnelles, ce que Facebook fait tous les jours (ainsi que Google). Les précieuses informations que vous donnez sur le profil personnel de votre page Facebook, sur vos lectures, vos voyages, vos achats, votre anniversaire, vos amis, vos occupations, vos photos, vos vidéos, votre famille, toutes ces données sont la matière première de Facebook. La société californienne va classer ces éléments dans des banques de données et les revendre sous forme de publicité. Si vous vendez des aliments pour chiens vous pouvez toucher tous les possesseurs de chiens de Facebook. Si vous êtes candidat socialiste à une élection, vous pouvez toucher les profils ayant une sensibilité de gauche sur une circonscription donnée, etc.
Il n’est pas certain que ces activités soient illégales. Vous avez certainement donné votre consentement à Facebook ou à Google à travers un long formulaire abscons et obscur où à la fin vous avez coché la case oui pour continuer à utiliser leurs services. Lors de son audition Zuckerberg s’est bien gardé de dire qu’il allait modifier la politique de sa société, il ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or qui a fait plus de cinq milliards de dollars de bénéfices après impôts au premier trimestre 2018.
Mais ces comportements sont-ils légitimes ? Même si nous avons coché une case donnant notre accord formel, quelle est la valeur de cet accord ? Si les utilisateurs de Facebook et Google savaient à quel point ils sont cernés par ces deux sociétés qui sont capables non seulement de les connaître intimement (leurs goûts sexuels ou leurs engagements politiques par exemple), mais aussi de les influencer, ils seraient beaucoup plus prudents dans leurs recherches et dans les informations qu’ils donnent sur eux-mêmes. Comme nous sommes légers et oublieux, il revient aux autorités de protéger les individus tout en respectant leurs choix de pensée ou d’action.
Mais les autorités américaines qui ont un accès direct via la NSA et d’autres agences aux données de Google et de Facebook n’ont pas intérêt à trop limiter ces collectes de données dont elles profitent indirectement. C’est donc au citoyen de réagir individuellement. A vous de jouer maintenant en régulant les données que vous donnez de bon cœur quotidiennement pour votre propre exploitation…