La famille royale du Qatar, propriétaire d’Al Jazeera, aurait des visées sur Newsmax, groupe médiatique dont le patron Christopher Ruddy est proche du président Trump. Newsmax est un groupe multimédias (télévision, vidéos, sites) basé en Floride et réputé proche du parti républicain.
Le 10 avril dernier, l’Émir Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani rendait visite à Donald Trump, suivant celle, en mars, de l’héritier au trône saoudien, le Prince Mohammed bin Salman. Les deux pays sont en conflit depuis juin 2017, officiellement parce que les Saoudiens reprochent au Qatar de financer les terroristes islamistes, en réalité pour des raisons de rivalité de leadership régional. Ils ont donc tour à tour cherché l’arbitrage de Trump, apportant quelques menus cadeaux. Pour les Saoudiens ce fut par exemple une promesse d’achat d’avions militaires pour une valeur de 12,5 milliards de dollars.
Impair diplomatique du Qatar
L’Émir du Qatar avait pour sa part commis un immense impair en avril 2017 : refuser d’investir pour environ 500 millions de $ dans une opération immobilière en difficulté appartenant au gendre de Trump Jared Kushner, le 666 5th Avenue. Kushner n’ayant pu obtenir les cofinancements requis pour la transaction, les Qataris s’étaient retirés de la négociation. De là à dire comme le New York Magazine et le reste de la presse hostile à Trump que ce refus causa quelques semaines après un blocus de l’émirat, lancé par les saoudiens et soutenu par Trump et l’ensemble des pays du Golfe, il n’y a qu’un pas.
Le Qatar essaie de se rattraper
La famille royale du Qatar connait les affinités et les ambitions du président à l’égard de l’industrie des médias. Aussi la rumeur a vite circulé selon laquelle, la famille royale du Qatar aurait entamé des discussions pour investir massivement dans Newsmax. Politico a lancé le scoop, repris ensuite par The Hill, ou Newsweek. Les multiples dénégations de l’équipe de Newsmax et le silence radio de l’émirat ne parviennent cependant pas à étouffer la rumeur selon laquelle la discussion aurait porté sur un investissement de 90 millions de $ afin de relancer Newsmax TV.
La fusion ATT-Time Warner en toile de fond
Si l’on considère que Trump cherche depuis longtemps à contrecarrer les grands médias, c’est relativement plausible. Le procès lancé par le Ministère de la justice contre la fusion AT&T‑Time Warner (légitime sur le plan de la protection de la concurrence et des consommateurs) aurait en fait pour cible la vente forcée de CNN. Il y va donc d’une préoccupation anti-monopoles. Une transaction à 85 milliards de $ qui vise à combiner activités médias traditionnels, plateformes wireless, et services/ventes en ligne, en un dinosaure capable de contrecarrer Amazon ou Facebook. Mais également et surtout de la domestication potentielle de CNN par Trump si la transaction se fait. Tout dépendra maintenant de la cour, qui a tout récemment entendu les parties.
Trump garde également un œil sur la fusion Sinclair-Tribune Media qui ferait passer le taux de pénétration de Sinclair, discret groupe conservateur de télévisions locales, de 40% à 72% des foyers américains. Les deux entités, soumises elles aussi à la moulinette du gouvernement fédéral, semblent avoir ajusté leurs plans d’affaires et identifié les actifs qu’il leur faudra donc céder.
Il ne serait donc pas étonnant que le Qatar, sous pression, tente de s’insérer dans le paysage politique américain en favorisant l’émergence, par petites touches, d’un véritable Al Jazeera Trumpien.