Jean-Marie Charon est un spécialiste incontesté des médias. Membre de l’Observatoire sur l’éducation aux médias du CSA, chercheur associé à l’Ehess (Institut Marcel Mauss), enseignant à l’IEP de Rennes, il est l’auteur de plus de vingt ouvrages et vient de publier chez UPPR Rédactions en invention dont nous vous présentons les principaux chapitres.
Incertitude et engagement
Les nouveaux modèles économiques des médias sont incertains et génèrent de l’inquiétude, mais aussi une nouvelle forme d’engagement de la part des journalistes comme des autres collaborateurs des médias. La ligne de partage entre information gratuite et contenus payants se déplace. L’intermédiation par les réseaux sociaux, les moteurs de recherches, les places de marché se développent. Au même moment la crédibilité des médias dominants est écornée.
Modèles économiques à la peine
L’évolution du chiffre d’affaires de la presse française entre 2007 et 2015 illustre le phénomène : il passe d’un peu moins de 11 milliards d’euros à 7.5 milliards, une baisse de 30% et la tendance continue. Cette diminution entraine une pression sur les coûts comme l’illustrent les nombreux plans sociaux dans la presse.
Transformation des rédactions
La chronologie change et le digital d’abord s’impose partout. Mais la variété des supports (ordinateur, tablette, téléphone) entraîne une variété des comportements et ces derniers changent avec les générations. Les conférences de rédaction sont organisées autour de newsrooms comme celle de Blick du groupe Ringier à Zurich avec des réunions variant suivant les sujets voire des conférences de rédaction quasi continuelles. Les producteurs mettent l’information directement en ligne alors que les rédacteurs s’occupent du papier. Dans certains cas (le Guardian anglais) les rédactions sont fusionnées alors que dans d’autres (Le Monde) elles restent séparées. Mais d’autres pôles sont créés notamment vidéos ou data.
Les autres chapitres portent sur l’information de flux (rôle des desks, amplitudes horaires, directs, participation des internautes), les nouvelles écritures (expertises, nouveaux territoires, nouveaux formats, personnalisation de l’information), l’inévitable ouverture (journalistes hors et dans la rédaction, coproductions avec le public ou d’autres professions, mutualisation), les espaces des rédactions, les innovations (profils créatifs, accélérateurs de changement).Les exemples, nombreux et précis, ouvrent de belles pistes de réflexion.
Que deviennent les journalistes ?
C’est la question de conclusion. Plus d’espoir, plus de précarité, plus d’engagement. Disponibles, mais avec des patrons d’entreprise qui pratiquent la fuite en avant forcée, les journalistes s’interrogent et s’adaptent à une réalité mouvante. Des signaux positifs existent, le Figaro déclare que le temps des plans sociaux est révolu, Le Monde étoffe sa rédaction, Le New York Times semble avoir trouvé un équilibre financier entre papier et digital. Le groupe Ringier en suisse a trouvé sa voie dans le digital tout en modernisant Blick son navire amiral de Zurich.
Ce petit livre est un grand livre et il sera indispensable pour tous ceux qui suivent – avec espoir ou angoisse – l’évolution de la presse, papier ou digitale
Pierre Marie Charon, Rédactions en invention, Essai sur les mutations des médias d’information, 83p, 2018, éditions UPRR, 10.50 €