Le défenseur de l’ordre économique
Érik Izraelewicz est né en 1954 à Strasbourg. Après une prépa HEC au lycée Kléber de Strasbourg, il intègre l’école des Hautes Études Commerciales (HEC) dont il ressort diplômé en 1976. Il est également diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ, promotion 1978) et Docteur en économie internationale (1979). Il est mort le 27 novembre 2012 à Paris, au siège du journal Le Monde, victime d’un infarctus, à l’âge de 58 ans.
Parcours professionnel
Érik Izraelewicz commence sa carrière comme journaliste économique à l’hebdomadaire L’Usine nouvelle (1979–1981). Il entre ensuite au bimensuel L’Expansion (1981–1984). Il participe à la création du quotidien La Tribune de l’économie en 1985. Érik Izraelewicz intègre le service économie de la rédaction du Monde en avril 1986. Il est spécifiquement en charge des banques, des assurances et de la conjoncture financière française. En décembre 1988, il est nommé chef-adjoint du service « économie » avant d’en prendre la tête en septembre 1989. En 1991, il est nommé éditorialiste économique. Il est ensuite correspondant du journal à New York de 1993 à 1994. En 1996, il est nommé rédacteur en chef du quotidien du soir. En parallèle, il tient une chronique économique sur Europe 1.
Il s’essaie, sans succès, à la restauration : « Au milieu des années 1980, avec quelques amis et amies à la fois de gauche et “business friendly”, Erik allait s’essayer à l’entreprise en achetant un restaurant situé derrière la Fontaine de Mars, dans le 7e arrondissement : L’Expo. S’ensuivirent quelques joyeuses soirées et un retentissant bouillon. Je ne sais plus quand Erik a fini de rembourser les dettes, mais c’était longtemps après » (Le Monde, op. cit).
Après quatorze années au Monde, il quitte le journal en janvier 2000 pour rejoindre le quotidien économique Les Échos comme rédacteur en chef et éditorialiste, chargé de développer la rubrique « idées ». Il en devient le directeur adjoint en 2004, puis le directeur de la rédaction en 2007, pour une brève période. Il quitte Les Échos en 2008, hostile au rachat du titre par le groupe LVMH, auquel il préférait la FIMALAC de Marc Ladreit de Lacharrière (membre comme Izraelewicz du Siècle et du Bilderberg Group).
Il rejoint alors La Tribune, que Bernard Arnault vient de vendre à Alain Weill, également membre du Siècle, homme d’affaire très présent dans l’audiovisuel avec son groupe NextRadioTV (RMC, BFM). Érik Izraelewicz quitte également Europe 1 pour devenir chroniqueur sur les autres médias du groupe NextRadioTV : RMC et BFM TV. Le titre étant en grande difficulté financière, Alain Weill vend en mai 2010 La Tribune à sa directrice générale, Valérie Decamps, pour un euro symbolique. Le départ d’Alain Weill entraîne, en juillet 2010, celui d’Érik Izraelewicz qui ne se sent plus autant d’affinités avec la nouvelle propriétaire. Il fait savoir qu’il est « disponible » pour d’autres fonctions et présente sa candidature aux actionnaires du journal Le Monde en janvier. Il est nommé directeur de publication du quotidien le 7 février 2011, adoubé par le comité de sélection composé de Pierre Bergé, Louis Dreyfus et Gilles Van Kote. Ce choix est ratifié par les journalistes du quotidien à 74 % des voix, par les salariés à 75 % et par les cadres à 78 %, le 10 février 2010.
Parcours militant
Il n’est pas encarté, mais ses amis proches, si. Le Monde (28/11/2012) rappelle : « Les amis d’Érik Izraelewicz, Denis Kessler, autre Alsacien monté à Paris, et leur aîné Dominique Strauss-Kahn — qui fut le professeur d’Érik à HEC -, étaient de cette génération socialiste gourmande de réformes qui allaient façonner le monde tel qu’il est aujourd’hui pour le meilleur et pour le pire ».
C’est encore avec des amis « de gauche » qu’il achète le restaurant L’Expo. Mais l’aventure s’achève par une faillite.
L’Humanité (29/11/2012), enfonce le clou : « Socialiste, Erik Izraelewicz avait pour amis Dominique Strauss-Kahn, qui a été son professeur, ou Denis Kessler »
Publications
- Les Mutations de l’économie mondiale 1975–1990, (sous la direction d’Alain Gélédan), Le Monde éditions, 1990.
- Ce Monde qui nous attend, Grasset, 1997.
- Le Capitalisme zinzin, Grasset, 1999. Prix du livre d’économie 1999.
- Monsieur Ni-ni : l’économie selon Jospin, Robert Laffont, 2002 (avec Christine Mital).
- Quand la Chine change le Monde, Grasset, 2005. Prix Aujourd’hui 2005.
- Faut-il craindre les champions des pays émergents ? avec Sébastien Dessillons, Thomas Maurisse et Jean-Louis Beffa, le journal de l’École de Paris du Management, n°71, 2008–3
- Ce que la crise a changé. 60 personnalités imaginent le monde de demain, SEFI, 2010 (sous la direction d’Érik Izraelewicz).
- L’arrogance chinoise, Grasset, 2011.
Collaborations
- Colloque de l’IFA (Institut de formation des administrateurs) animation d’une table ronde – 20 novembre 2003.
- Premières rencontres franco-allemandes pour la compétitivité de l’industrie – animation d’une table ronde – 19 janvier 2006.
- Conseil des ventes — La France et les ventes aux enchères publiques : défis et atouts — lundi 6 Juin 2005 au Sénat – animation des débats.
- Chambre de commerce et d’industrie de Paris – animation d’une table ronde au colloque « Quelles mégapoles à l’horizon 2030 : les défis sociaux et économiques du développement » 17 janvier 2006.
- Institut National de recherche sur les Transports et leur sécurité – animation de la table ronde « Transport maritime et mondialisation : toujours plus ou toujours moins ? » — 3 octobre 2009.
- HEC Paris et les Ateliers de la Terre ‑Trophées Rethink – Colloque « Réinventer l’entreprise, repenser l’économie… » — animation d’une table ronde – 24 mars 2009.
- Capgemini Consulting – animation de la table ronde organisée à l’occasion de la sortie de Triggers (auteurs : Xavier Hochet et André-Benoît de Jaegère, de Capgemini Consulting, Odile Jacob, 2010) – 2 mai 2010.
- 13ème journée du livre d’économie — 7 décembre 2011 – animation de la Table ronde consacrée au thème « L’euro : une monnaie du passé ou une promesse d’avenir ? »
- Brochure R.I.C, de formidables marchés à conquérir ? du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes
- Field Action Science Reports – animation de la table ronde « Lutte contre la pauvreté, entre don et marché », 6 mars 2012
Postérité
En 2014, le journal Le Monde, le Centre de formation des journalistes de Paris et HEC Paris s’associent pour créer le prix Érik Izraelewicz de l’enquête économique qui a pour but d’encourager l’enquête, l’ouverture au monde, la mise en perspective et le sens du récit des journalistes dans tous les champs de l’économie.
Ce qu’il gagne
Son prédecesseur Eric Fottorino revendiquait un salaire de 400.000 € par an alors que le journal était en forte difficulté ; pour sa part, son salaire était nettement inférieur.
Il l’a dit
« Bref, le Danemark, c’était jusqu’à présent, avec une forte croissance, le Paradis sur terre. Un seul problème : le chômage ? Mais là-haut, le modèle toujours, il est trop bas. 3% seulement. Le pays manque en réalité de bras. La pénurie de main d’œuvre y menace la croissance.
Une solution : ouvrir les frontières à l’immigration, la question a été au centre des législatives, mardi. Les électeurs ont tranché. Entre la stagnation et l’immigration… ils préfèrent la stagnation ! L’extrême-droite a obligé depuis six ans le gouvernement de centre-droit à durcir les conditions d’entrée dans le pays. Elle est sortie renforcée de ces élections. Le premier ministre sortant, Anders Rasmussen, un centriste, garde la majorité. Il va devoir continuer à s’appuyer néanmoins sur cette extrême droite pour gouverner, à restreindre encore davantage l’accueil de travailleurs étrangers. Pour l’économie danoise, c’est une très mauvaise nouvelle. Cette pénurie de main d’œuvre va y freiner la croissance. En pesant sur les salaires, elle va y handicaper la compétitivité de ses industries. Elle va aussi y poser, à terme, le problème du financement de la protection sociale, des retraites et de la santé. Bref, c’est tout le modèle qui risque de s’écrouler. En fermant la porte de leur Paradis, les Danois prennent le risque d’en faire un Enfer. Un choix qui apparaît comme un mauvais présage pour l’Europe, la France aussi. Espérons que nous ne céderons pas, nous, à la si jolie sirène de Copenhague ! », Les Échos, 15 novembre 2007.
« Eh bien, le choc de 87 a été plus violent, plus soudain, plus brutal que celui de 29 ; il n’a pas eu les mêmes effets. Il n’a guère affecté l’activité. Le Général De Gaulle disait que « la politique ne se fait pas à la corbeille ». L’histoire montre que l’économie non plus. La bourse a sa propre respiration, l’économie réelle la sienne. Seconde leçon : le krach de 87 n’a pas tué le marché non plus. Il aurait pu décourager les investisseurs. Ils y sont revenus, très vite. Ils ont eu raison. L’indice Dow Jones valait 2200 points le 20 octobre 87. 20 ans après, il tourne autour de 14.000 points. Il a été multiplié par 6 en 20 ans. Sacrée santé.
Il est peu probable que l’on connaisse à nouveau un tel krach. On remarquera d’abord que depuis 20 ans, on n’en a plus vécu. Il y a bien eu quelques bourrasques, jamais un coup de torchon aussi violent. Un recul de 5% ou 6% et c’est maintenant déjà la panique. A tort, on le voit. La bourse reprend toujours, tôt ou tard, ses esprits : c’est la troisième leçon. », Les Échos, 19 octobre 2007.
Sa nébuleuse
Érik Izraelewicz est administrateur de l’ENA depuis 2001 et membre de la Commission économique de la nation depuis 1997. Il est également membre du Conseil scientifique du Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII) depuis 1995.
Il est membre du club Le Siècle depuis 2007 et appartient à l’institut Aspen France, filiale française du club américain d’essence mondialiste Aspen institute. Érik Izraelewicz a par ailleurs participé à plusieurs reprises au forum économique mondial de Davos et a participé au Bilderberg Group en juin 2012. C’est également un des rares Français à avoir suivi un stage de formation aux États-Unis dans le cadre des Young Leaders.
En novembre 2012, Le Monde cite aussi Denis Kessler et Dominique Strauss-Khan, ainsi que Joseph Stiglitz, Martin Wolf, Amartya Sen, Federico Rampini, qu’il avait apporté aux Échos. Et Philippe Labarde, Jean-Michel Quatrepoint et Jacques Jublin avec qui il fonde la Tribune de l’Économie.
On dit de lui
« Érik Israelewicz, éditorialiste multicarte, est l’exemple même de ces médiacrates qui circulent de radios en quotidiens, d’hebdomadaires en émissions de télévision, pour prêcher la bonne parole économique. Et qui n’hésitent pas à se servir de leurs tribunes, de leurs positions privilégiées, pour contribuer à baliser le débat économique. » ACRIMED, 20 février 2012.
« Ce grand directeur ne faisait pas directeur. Cheveux plus ou moins disciplinés, lunettes de myope derrière lesquelles il fallait aller chercher le regard bleu toujours en mouvement, un teint pâle comme l’ont ceux qui travaillent trop et dorment peu, la cravate en bataille — de préférence anthracite ou marron -, la veste de bon tweed à qui il ne demandait rien de plus, les mains déchirant sempiternellement quelque coin de journal qu’il mâchouillait ensuite nerveusement, tel se présentait Erik Izraelewicz. Le débit saccadé, la voix s’étranglant parfois de timidité, puis soudain un rire tonitruant », Le Monde, 28/11/2012
« Lui, c’était le travail, le travail, le travail, plus le talent, plus les idées, plus l’art du scoop, plus l’intelligence aiguë des situations, plus cet ingrédient indéfinissable qui vous obligeait à reconnaître, parfois en râlant, qu’il était le meilleur. Sa trajectoire si brutalement interrompue aura été celle d’un journaliste économique, ou plutôt d’ailleurs un journaliste “économiste”, durant l’âge d’or de la presse économique », ibid.
« Il est tellement secret ! De sa vie personnelle, on ne connaissait que des bribes. Indubitablement alsacien, il pratiquait un très discret patriotisme : au détour d’une phrase on apprenait qu’il avait dîné la veille avec les Alsaciens de Paris. Il s’appelait Izraelewicz mais l’histoire familiale était encore plus compliquée que le patronyme, on y croisait des rabbins et des bonnes soeurs. Il aimait ses parents, disparus l’un en 2008, l’autre, sa mère, en 2012, ses frères et soeurs, ses neveux. […] quand il fallait pourtant dire non, ou se séparer de quelqu’un, il louvoyait le plus longtemps possible », ibid.
« Sa faiblesse de management, c’était d’être un poisson rouge dans un banc de piranhas », Libération 30/11/2018
Crédit photo : Raphael Labbé — Leafar via Wikimedia