François-Bernard Huyghe est un analyste confirmé des médias. Chercheur à l’IRIS, il a publié de nombreux livres sur le sujet. Auteur notamment d’un remarqué La désinformation, les armes du faux (Armand Colin, 2016), il vient de publier aux éditions VA Presse un précieux opus intitulé Fake news, la grande peur. Un trop discret entretien du Figarovox du 25 mai 2018 nous présentait l’ouvrage sous la signature de Paul Sugy. Quelques extraits.
Pourquoi Emmanuel Macron tient-il à ce texte ? François-Bernard Huyghe (FBH) voit trois raisons, un intérêt personnel face aux attaques dont il aurait été la victime ; un intérêt idéologique en tant que Président des élites ; enfin une occasion de disqualifier ses adversaires, assimilés au camp du mensonge, en particulier pour les prochaines élections européennes de 2019.
Mais qu’est-ce qu’une fake news ?
« Ce n’est justement pas très clair et on y mêle beaucoup de choses ! Les contre-vérités ou les mensonges inventés de toutes pièces, mais aussi l’obscurantisme, les théories du complot… Mais le but est sans doute de confondre toutes ces opinions dans une sorte de grand fantasme, de mensonge odieux ».
Le projet vise-t-il à responsabiliser les plateformes numériques ?
« Que fait l’État lorsqu’il veut retirer une Fake News de Facebook ? Il va voir gentiment Mark Zuckerberg et lui demande : s’il vous plaît vous seriez bien gentil de… ».
Ajoutons que lorsque le Parlement Européen reçoit Mark Zuckerberg, il le fait dans un format respectueux et très favorable au fondateur du réseau social. En pratique le projet permettra au juge de s’adresser plus vite à la plateforme pour retirer le document incriminé. Mais le projet vise explicitement Russia Today et Sputnik, et, observe FHB, sur ce point précis « je crois qu’il est assez ridicule de créer une loi de toutes pièces pour cela ».
Les GAFA sont-ils sincères ?
Il est probable que les GAFA décident des règles de censure – comme par exemple fermer les comptes de Defend Europe et de Génération Identitaire de façon arbitraire – par conviction idéologique sincère.
« Tous les dirigeants des principales entreprises internet baignent dans un terreau idéologique complètement uniforme, celui de la Silicon Valley et de ses idéaux progressistes ». Et bien entendu « il y a un intérêt économique réel… le business de ces plateformes ce sont des secondes de cerveau humain vendues à des annonceurs… donc le réseau social a tout intérêt à bannir les contenus haineux ou violents ».
Le mot de la fin ? Les GAFA servent « une idéologie au sens de Marx, c’est à dire faire ce qui est dans son intérêt tout en étant convaincu que cela sert la condition humaine dans son universalité ».
François-Bernard Huyghe, Fake news, la grande peur, mars 2018, VA Press, 14 €
Photo : capture d’écran vidéo Mediashake.