La volonté massive de contrôle idéologique des consciences actuellement à l’œuvre, tendance « camp du bien », passe par tous les supports. Certains sont agressifs, voulant interdire, d’autres font de jolis sourires. C’est le cas de Kaizen.
Le mot japonais « kaizen » signifie en règle générale « améliorer de façon continue pour rendre meilleur ». Ce mot est aussi le nom d’un magazine bimestriel, lequel en est à son 38e numéro. Observons un peu ce numéro de mai-juin 2018 dont le dossier est titré : « Migrants. Changer de regard, changer d’accueil ». Un cas d’école idéologique, pour un magazine que l’on rencontre dans nombre de médiathèques et d’établissements scolaires du secondaire, contrairement à Valeurs Actuelles (par exemple), et partout où il y a du bio.
Ouverture du dossier
La couverture est très claire si l’on réunit le sens du titre du magazine et le titre du dossier : Kaizen veut améliorer le monde de façon continue en changeant de regard et d’accueil, en Europe, concernant les migrants. L’éditorial va un peu plus loin.
L’éditorial de Kaizen, n° 38, mai-juin 2018 :
Titre : « L’hôte qui est en moi ». Extraits : « Accueillir, héberger des migrants, j’y pense. Mais à cette heure, je ne suis pas passé à l’acte, je n’ai pas encore ouvert ma porte. Je me trouve plein de bonnes excuses : pas assez disponible, pas assez de place, pas assez proche des administrations dont ils auront besoin… Plein de fausses excuses. À vrai dire, c’est surtout la peur qui annihile mes fragiles désirs d’hospitalité. Pourtant des personnes qui accueillent des migrants, j’en connais. Et tout se passe bien. Ce sont de beaux échanges, de belles rencontres. … Si je suis honnête, c’est une forme d’altérité qui m’effraie. Rencontrer l’autre chez lui, dans son pays, parfois en France, me nourrit, m’enrichit. En Inde, au Laos, au Nicaragua, etc., « l’étranger » m’a fait évoluer, changer de point de vue. Mais j’ai peur de l’accueillir chez moi, de le faire pénétrer dans ma bulle proxémique. …? Au bout de la chaîne, je laisse ces migrants attirés par le mirage de nos métropoles se briser les ailes sur les barbelés de mon détachement. La frontière est ténue entre hôte et hostile. D’aucuns diront qu’il ne sert à rien de culpabiliser. Que chacun fait en fonction de son histoire, de ses moyens, etc. Justement, regardons l’Histoire. Sans les migrants, héros anonymes, que serions-nous ? que serais-je ? Alors, que faire ? Relire ces leçons d’Histoire pour éviter d’en donner. Faire un premier pas pour aider simplement. Et regarder avec admiration ceux qui ouvrent leur porte, leur coeur. On ne change qu’en étant inspiré. » Pascal Greboval, Rédacteur en chef
Le dossier de Kaizen sur les migrants
Présentation idéologique du dossier par la rédaction du magazine : « La crise des migrants » : des mois, des années, que les télés, les radios, les journaux utilisent cette expression qui a fini par enfermer le phénomène migratoire dans le seul régime de l’angoisse. Cette grille de lecture, à contre-courant de l’Histoire, n’a pourtant rien d’une fatalité : en France s’ouvrent des portes, qui font naître d’autres échanges et fleurir de nouveaux projets. Penser la migration comme une chance, c’est aussi redonner à la situation actuelle son véritable sens, c’est remettre un juste nom sur le symptôme qui frappe nos sociétés contemporaines à plus large échelle : celui du repli sur soi. Car effectivement, il y a bien une crise : celle de l’accueil des migrants.
Idéologie ?
→ Pas de crise des migrants mais un déficit de notre accueil
→ Un « rejet » anxiogène qui irait contre un supposé « sens de l’Histoire »
→ des migrations pensées comme une « chance »
→ le danger ne serait pas dans les migrations mais dans « le repli sur soi »
Kaizen est un magazine aux prétentions de pensée et de construction d’une société alternative. Son discours est pourtant exactement le même que celui des pouvoirs politiques, financiers, culturels et économiques dominants, les pouvoirs du capitalisme transfrontalier. Un cas d’école de la façon dont le monde bobo libéral libertaire collabore avec ce qu’il prétend combattre : le dogme de la croissance économique (les migrants sont ainsi perçus par l’UE comme des outils de futur croissance, des « chances ») ; mais aussi la négation de l’Histoire (les migrations sont conçues comme volonté de déracinement, ce qui ne sera pas sans effet sur un contrôle réel des populations futures).
Pour s’en convaincre, il convient de ne pas oublier que le « kaizen » n’est pas extérieur au monde de la mondialisation dite « heureuse » : lire ici. C’est le monde des gourous du développement personnel, lequel a amplement envahi les entreprises.
Les axes du dossier
Le dossier publié en mai-juin 2018 par le magazine Kaizen propose :
- un entretien avec François Gemenne, géopoliticien membre du GIEC enseignant les « politiques d’environnement et les migrations internationales à Sciences Po ». Il « défend l’ouverture des frontières » et affirme ceci : « historiquement, les migrants étaient des aventuriers » ou cela : « l’appel d’air » est « un concept qui n’existe pas ». Il indique aussi que la notion de frontières est un construction d’extrême droite. Notons pour mémoire que nombre de journalistes entrant chaque année dans les salles de rédaction des médias officiels sont passés par Sciences Po.
- suit une page comportant chiffres et graphiques.
- une page intitulée « Pour s’engager. Quelques ONG actives dans l’aide aux migrants ».
- un article : « Sur la route de l’exil, les Briançonnais ouvrent leurs portes », à lire en tant que « réponse » aux actions menées par Génération Identitaire dans les Alpes. Exemples de personnes accueillant des migrants chez elles, de squats et de militants pro-migrants. Etrangement aucun son de cloche différent, pas un témoignage de personnes vivant à Briançon et ayant une opinion différente concernant l’accueil des migrants dans la commune des Alpes.
- l’article suivant montre que « En Lozère, les demandeurs d’asile redonnent vie à une commune rurale ». Ils sont 50, ils viennent des Balkans et ils seraient la source vive de la « redynamisation de la commune », territoire « désertique » (mais pourquoi ?). Ils sont surtout Albanais. L’article n’interroge aucun habitant potentiellement critique quant à cette installation, ni les questions religieuses et l’Islam. Tout est beau. Si beau. Les photos le montrent d’ailleurs : chacun sourit comme dans une publicité pour un dentifrice. Deux lignes signalent tout de même qu’il y a de « vieilles antiennes concernant l’insécurité et l’oisiveté », du côté du « Français de base », alimentées évidemment par les « fake news » concernant l’Allocation pour Demandeur d’Asile. Ici, le lecteur attend quelques chiffres… rien. L’ADA ? Pas un mot non plus sur le coût d’ensemble de l’accueil des migrants, les politiques migratoires etc…
Un numéro de Kaizen qui pourrait être touchant de naïveté si une telle naïveté bien-pensante, celle du Confort intellectuel cher à Marcel Aymé, n’était source de dangers réels et concrets. Proposons un test à la rédaction de Kaizen : pourquoi ne pas embaucher un migrant dans la rédaction, éventuellement au poste de rédacteur en chef ? Un migrant spécialisé dans tout ce qui est communication et vivre ensemble, porteur d’idées et de projets innovants, ayant de « nombreuses expériences de vie inspirantes » ? Il y a un candidat à la réinsertion qui devrait déclencher empathie et compassion dans un média comme Kaizen.