Le 2 juillet 2018, le quotidien Le Monde, habitué de la chasse aux sorcières des mal-pensants, a jugé utile de consacrer de la place à un article du journaliste militant de gauche Abel Mestre, parfois présenté comme « politologue » par ses amis des médias eux-aussi de gauche, article évoquant un autre politologue : Thomas Guénolé, éditorialiste, journaliste, enseignant, co-responsable de l’école de formation politique de la France Insoumise et impliqué dans Le Média. Visiblement, une gueguerre fait actuellement rage dans le milieu. De quoi s’agit-il ? Thomas Guénolé, qui explique régulièrement et ouvertement qu’il est un politologue et journaliste engagé à gauche est allé se mettre « au sommaire d’une revue de la Nouvelle Droite », Krisis, « revue fondée par Alain de Benoist en 1988 ». C’est le numéro 48 de la revue, consacré à la « nouvelle économie ». Diantre ! Le Matin Brun menace encore, heureusement Mestre et Le Monde veillent sur les bonnes âmes !
L’art de la resucée
Abel Mestre est un journaliste scrupuleux, alors il recopie sans cesse ce qu’il a toujours recopié. Par exemple, au sujet de la Nouvelle Droite : « école de pensée qui se situe entre droite et extrême droite et qui voudrait lier le combat politique et le combat culturel ». Outre cela, les resucées sont nombreuses. Ainsi, Krisis est, selon le journaliste du Monde, une revue, qui a pour spécificité « d’ouvrir ses colonnes à des intellectuels de gauche » ; ce qui pourrait être jugé positivement de la part d’un journaliste lui-même de gauche, c’est-à-dire se considérant comme fraternel, ouvert envers autrui, tolérant, attaché au débat d’idées… mais ce n’est pas ici le cas. Pourquoi ? La revue Krisis étant revue dite de la Nouvelle Droite ne serait, dans son esprit, ouverte que par manipulation, presque complot : il s’agit de « sortir de son isolement ». Plus qu’une resucée, une présentation qui donne le sentiment d’avoir été écrite il y a 30 ans.
Ce qui gêne ?
Ceci : « Cependant, la présence de M. Guénolé, qui a toujours développé des positions aux antipodes de la Nouvelle droite, interroge. Et pourrait brouiller l’image de La France insoumise, puisque Thomas Guénolé est l’un de ses représentants les plus médiatisés et qu’il devrait être l’un des candidats sur la liste de LFI aux élections européennes de mai 2019. » Pourtant, Thomas Guénolé publie dans Krisis un texte issu de l’un de ses livres, texte dans lequel il critique les positions « identitaires », usuellement classées très à droite de l’échiquier, par ceux qui font les listes (Abel Mestre et Le Monde, par exemple). Par ce biais, le politologue de LFI vient débattre et porter son combat politique dans une revue qui lui est opposée, selon Mestre, chez ses adversaires, ayant l’intelligence (et la courtoisie) de débattre sur le fond en un lieu intellectuel qui lui est différent. Il y a trouvé place pour ses idées, ce qui n’est que peu ou pas souvent réciproque : les revues de gauche pratiquant plutôt l’entre soi, les journaux aussi (impossible de se souvenir de quand Le Monde a pour la dernière fois publié une tribune ou un texte de, par exemple, Alain de Benoist). Il y a par ailleurs, dans ce numéro de Krisis, revue pour le moins respectueuse du débat d’idées, et de haute tenue intellectuelle, un entretien avec Bernard Stiegler, philosophe très en vue au sein de la gauche radicale (il a popularisé le mot « disruptif »). Alors, qu’est-ce qui dérange Abel Mestre et Le Monde ? Le débat d’idées, la confrontation des conceptions, comme depuis 30 ans dans les pages de ce quotidien. Ici, on préfère fonctionner par anathème, excommunication et rejet de qui pense autrement (ce que l’on prétend cependant combattre). Rien de vraiment changé depuis le passage de Plenel, en somme ? L’extrême-droite menace, menace, contamine, contamine… Cela n’arrête pas, c’est Abel Mestre vous le dit. Il veille, pas d’inquiétude ?