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Society ? Militantisme à bâbord toute !

17 juillet 2018

Temps de lecture : 8 minutes
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Society ? Militantisme à bâbord toute !

Temps de lecture : 8 minutes

Le magazine Society s’annonçant comme un « quinzomadaire libre et indépendant » en son sous-titre, l’OJIM est attentif à ses sujets de prédilection depuis sa naissance. Plongée dans les pages de ses deux derniers numéros.

L’OJIM a déjà fait la démon­stra­tion de son atten­tion con­frater­nelle à l’égard du mag­a­zine Soci­ety, ain­si :

Le bimen­su­el n’avait pas pro­duit d’évolution notable au fil des années. Un regard sur deux numéros récents de 2018 mon­tre pour­tant qu’un côté mil­i­tant plus rad­i­cal s’impose dans ses pages, avec une présence accrue de thèmes des­tinés à ratiss­er large à gauche en ter­mes de lec­torat et à jouer sur l’émotionnel. Démon­stra­tion en deux étapes.

Étape 1 : Society (28 juin-11 juillet) où l’éloge de la migration

Society (28 juin-11 juillet) où l’éloge de la migrationLa cou­ver­ture : en son numéro de fin juin 2018, Soci­ety donne le ton : sur fond de pho­togra­phie prise sur un navire de migrants, sans doute en Méditer­ranée, pho­to cen­trée sur un vis­age unique (per­son­nal­i­sa­tion des­tinée à touch­er sen­ti­men­tale­ment l’acheteur poten­tiel), le mag­a­zine affirme forte­ment « Humain comme vous » au sujet des migrants. Cepen­dant, le sin­guli­er employé dans cette accroche n’est pas anodin : comme avec la pho­togra­phie, il s’agit d’émouvoir. Une car­ac­téris­tique forte de Soci­ety, comme de l’ensemble de la presse de gauche bobo : le sen­ti­men­tal­isme et l’émotionnel rem­pla­cent les faits pré­cis et l’analyse. Ici, la cou­ver­ture a pour fonc­tion de cul­pa­bilis­er celui qui la regarde (pouss­er donc à l’achat par le biais de cette cul­pa­bil­i­sa­tion) et d’interpeller le lecteur poten­tiel, un peu comme le firent cer­taines affich­es de pro­pa­gande quand elles mon­traient celui qui les regar­dait du doigt (par exem­ple, l’affiche en faveur du « Oui » lors du référen­dum pour la Con­sti­tu­tion de la Ve République ou les affich­es bri­tan­niques de la Pre­mière Guerre Mon­di­ale). Point­er qui regarde, pourquoi ? La sit­u­a­tion de ce migrant, c’est de ta faute, sem­ble dire une cou­ver­ture reprochant d’être inhu­main (puisque ne con­sid­érant vis­i­ble­ment pas le migrant comme un humain équiv­a­lent) à qui la regarde.

Le dossier ne déroge pas avec la cou­ver­ture. Son thème prin­ci­pal porte sur la ques­tion de l’accueil et de l’hospitalité. Entre deux pub­lic­ités pour des pro­duits de luxe, portés par de beaux jeunes hommes très « en marche », Soci­ety veut mon­tr­er, par le prisme de trois reportages, que cer­tains sont moins égoïstes que d’autres :

  • Les maires de Palerme et de Grande-Syn­the sont présen­tés comme des résis­tants ayant « décidé d’ouvrir leurs portes aux migrants », ce qui néces­site de « tenir bon ».
  • Le Cana­da de Trudeau est mis en scène comme un mod­èle en matière d’hospitalité. Trudeau aurait promis lors de sa cam­pagne élec­torale d’accueillir « 25 000 réfugiés syriens » et aurait tenu sa promesse.
  • Comme il est par­fois reproché aux pays africains de ne pas pren­dre leur part des migra­tions, Soci­ety a enquêté en Ougan­da, « loin des tour­ments nation­al­istes européens ». Là, « l’accueil des migrants ne fait aucun débat ». Le lecteur s’attend à un qua­trième reportage, en con­tre­point, par exem­ple sur les poli­tiques menées rel­a­tive­ment aux migrants dans d’autres pays africains, comme en Algérie. Il n’en sera rien.

Le ton général du dossier est clair : « accueil­lir toute la mis­ère du monde est non seule­ment pos­si­ble mais néces­saire ». C’est l’accroche du dossier. Soci­ety envis­age donc un accroisse­ment de la pop­u­la­tion européenne de l’ordre de 3 à 4 mil­liards d’êtres humains (« toute la mis­ère du monde ») ? Et pour que le lecteur ne se trompe pas quant au sens du dossier, une cita­tion est écrite en très gros : « Si l’Europe con­tin­ue comme cela, on aura droit à un sec­ond procès de Nurem­berg ». Il y aurait donc des crim­inels con­tre l’humanité à l’œuvre en Europe ? Si le fait est avéré, c’est plus qu’un scoop. Le prési­dent Macron ayant peu après la paru­tion de ce numéro util­isé le terme de « déportés » au sujet des migrants, il n’est du reste pas impos­si­ble que l’Élysée se tienne infor­mé de ce qui paraît dans la presse bobo. Au bout du compte : cul­pa­bil­i­sa­tion de la majorité des Européens, « démon­stra­tion » que des pays pau­vres feraient plus et mieux que le vieux con­ti­nent et éloge du Cana­da de Trudeau. C’est l’axe de Soci­ety, dont per­son­ne ne doute que la rédac­tion a déjà embauché en CDI plusieurs jour­nal­istes issus des migra­tions récentes.

L’ensemble ne manque pas de piquant si l’on con­sid­ère que les qua­tre pre­mières pages de ce numéro de Soci­ety, avant tout arti­cle, sont des pub­lic­ités en faveur de l’entreprise chi­noise Huawei, entre­prise investis­sant forte­ment le marché mon­di­al du télé­phone mobile, autrement dit de l’objet qui est sans aucun doute, en vue de sa fab­ri­ca­tion, actuelle­ment l’un des moins respectueux de l’environnement et des droits des jeunes enfants mineurs, du fait qu’il néces­site des métaux rares dont l’impact tant sur la nature que sur la san­té des enfants amenés à les trou­ver dans des mines com­mence à se savoir. Soci­ety ? Média moral ou moralisateur ?

Étape 2 : Society (28 juin-11 juillet) où le fascisme qui viendrait (encore ? Ça n’arrête pas)

Society (28 juin-11 juillet) où le fascisme qui viendrait (encore ? Ça n’arrête pas)La cou­ver­ture : elle est des­tinée à effray­er, un peu comme un numéro de presse à sen­sa­tion con­sacré aux faits divers sor­dides. Là, ce qui est sor­dide, pour Soci­ety, c’est la manière dont l’ancien proche de Trump, Steve Ban­non, agi­rait dans l’ombre (sil­hou­ettes en ombres chi­nois­es), com­ploterait même (éton­nant tri­an­gle rouge, aux références com­plo­tistes peu habituelles dans la presse bobo, peut-être une erreur des graphistes), tirant les ficelles de ces mar­i­on­nettes de « l’extrême droite européenne » que seraient huit per­son­nal­ités poli­tiques européennes, dont deux français­es. Le chif­fon rouge de l’extrême-droite agité au début de l’été, Soci­ety ne lésine pas avec le mar­ronnier. La men­ace pèse et le fait de per­son­nalis­er, ici aus­si, vise de même à génér­er du sen­ti­men­tal­isme et de l’émotionnel, plutôt du côté de la peur cette fois-ci.

Le dossier ne déroge pas non plus avec la cou­ver­ture. Comme celle-ci l’indique, du point de vue de ce mag­a­zine, « L’ombre du Mal » plane. Un jeu de mot sur le « malé­fique » com­plo­tiste, pour­tant con­cep­tion du monde générale­ment peu goûtée des médias libéraux lib­er­taire, et sur « Mal/Mâle » en péri­ode de lutte fémin­iste exac­er­bée. Le titre du dossier, dans les pages intérieures, ne lésine pas, con­fir­mant que Soci­ety prend claire­ment un tour­nant poli­tique mil­i­tant : « Rance Europe Express » est-il asséné. L’accroche n’y va pas par qua­tre chemin au sujet de Steve Ban­non qui, ayant « tra­ver­sé l’Atlantique » souhait­erait faire quelque chose de « ter­ri­fi­ant » en Europe : « con­seiller les nation­al­istes, un peu partout en Europe, pour ren­vers­er encore une fois la table ». Le reportage du mag­a­zine se déroule à Rome « alors que l’Italie tombait à son tour dans les mains des pop­ulistes ». Ban­non appa­raît ici comme un mar­i­on­net­tiste tirant les ficelles de la mon­tée des nation­al­ismes et du pop­ulisme, tout en étant com­paré à un « par­rain de la mafia ». Un peu de mépris de classe aus­si quand Soci­ety assim­i­le l’ancien con­seiller du prési­dent des États-Unis à « une car­i­ca­ture d’américain débrail­lé ». Mais la vraie crainte réside dans les pro­jets sup­posés de Steve Ban­non, ain­si cette idée de « for­mer 10 000 activistes » attachés à « l’inquiétante mis­sion de défendre l’occident judéo-chré­tien », une mis­sion « inquié­tante » pour Soci­ety qui autre­fois, et même durant de récentes guer­res, appa­rais­sait pour­tant comme une fab­rique de héros. Steve Ban­non vu par Soci­ety ? Cela donne ceci :

« Mais à 64 ans, il sem­ble déter­miné à met­tre en œuvre sa vision du monde, mélange de “com­plo­tisme” religieux, de fas­ci­na­tion pour l’apocalypse, d’autoritarisme, de cap­i­tal­isme débridé et de relents d’un patri­ar­cat décli­nant. »

Il serait surtout l’ombre portée, le ciment qui com­ploterait dans l’arrière-salle du monde pour men­er l’extrême droite (jamais définie ici mal­gré son côté « ter­ri­fi­ant »). Un homme tirant des ficelles et le monde pour­rait bas­culer, pense Soci­ety. Steve Ban­non, patron des Illu­mi­nati ? Le lecteur s’interroge un peu… Pas si éton­nant au fond. Un mag­a­zine représen­tant et lu unique­ment, ou presque, par les caté­gories sociales “libérales lib­er­taires bobos” des prin­ci­pales métrop­o­les français­es paraît en effet peu à même de voir ce qui se pro­file en réal­ité der­rière ce qu’il nomme « pop­ulisme » : les peu­ples. Autrement dit, la démoc­ra­tie non ? Ce avec quoi les médias offi­ciels ont juste­ment un peu de difficultés.

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