L’été touche à sa fin. Les médias télévisuels s’en sont donné à cœur joie, multipliant les marronniers (bouchons des autoroutes, reportages dans les campings, incendies dans le sud, loisirs des Français…). France 2 est allé plus loin, avec un reportage de vacances pour le moins propagandiste.
Les médias officiels n’aiment pas Vladimir Poutine, et goûtent peu l’âme russe. La récente coupe du monde de football en a été une preuve : les médias français frétillaient d’avance, et ce dès l’hiver 2018, dans l’attente des actions attendues des hooligans etc. La société russe, vue par le prisme médiatique occidental, étant une horreur, cette coupe du monde ne pouvait que mal se passer. C’est tout le contraire qui a eu lieu : de l’avis de tous ceux qui étaient présents en Russie, l’organisation était remarquable, saluée comme l’une des plus brillantes de l’histoire du sport par le patron de la FIFA lui-même. Pourtant, sur la qualité de cette organisation, silence discret des mêmes médias : au sujet de la Russie, il convient de ne jamais rien dire de positif, et même si besoin d’inventer un peu la « réalité » (ce qui s’appelle maintenant diffuser des fake news).
À ce petit jeu, les médias officiels de l’État, à commencer par France 2, sont à l’avant-garde, ce qui ne manque pas de surprendre dans un pays, la France, dont le président critique les prises de position de médias étrangers, à commencer par la chaîne de télévision russe RT France. Le JT de France 2 du 10 août dernier est un exemple presque caricatural de la façon de faire de ce média financé par l’État français, et de la propagande qu’il diffuse. Une propagande orientée contre Vladimir Poutine.
Les mots du JT
Le 10 août 2018, le JT de 20 heures de France 2 s’intéresse aux vacances des dirigeants des principaux États du monde, un sujet qui en soi est déjà révélateur de l’état de l’information officielle en France, sujet creux, vide en tant que tel. Mais d’être un sujet intéressant ou plein d’intelligence n’est pas l’objectif de ce reportage, son but est plus simple : convaincre chaque Français confortablement installé dans son mobile home que Vladimir Poutine est un méchant garçon. Le contraire du gendre idéal, notre opposé, en somme, à nous, Français détenteurs médiatiques du camp du Bien. C’est du moins la Foi en vigueur dans les salles de rédaction parisiennes, comme dans les studios de France 2. De quoi s’agissait-il, ce 10 août 2018 ? D’abord, un retour sur des vacances de présidents d’autrefois, de Gaulle ou Giscard d’Estaing par exemple, et une insistance au sujet des vacances de Macron. Mais « le choix du lieu est significatif en termes politiques », dit-on. Interview de vacanciers au sujet de Macron, commentaire plutôt positif ; une incise sur le luxe de certaines vacances de Chirac et Sarkozy, histoire de montrer que le « président des riches » n’est pas Macron, mais plutôt Sarkozy par exemple. Cependant, le but du reportage n’est pas là. Il concerne avant tout Poutine.
Au secours, Poutine est en vacances !
Fin du premier reportage. Le présentateur du journal indique que les vacances des chefs d’État ce sont aussi celles des chefs d’États étrangers, en se tournant vers la journaliste Valérie Astruc qui trône devant une photographie de Poutine torse nu, lunettes de soleil, sans doute en train de faire du ski nautique (le cadrage ne permet pas d’être certain). Les vacances sont plus « surprenantes » à l’étranger et… « il y en a un qui tient la palme », « c’est de loin Vladimir Poutine ». Nous y voilà. « Chasse au tigre en Sibérie, plongée dans les eaux glacées du lac Baïkal, avec le maître du Kremlin la propagande ne prend jamais de congés ». France 2 diffuse une photographie, déjà largement employée ici et là, montrant Poutine en train de caresser un tigre.
Quand on retourne la vérité
À l’évidence, quand il s’agit d’évoquer le président de la Russie, un média d’État comme France 2 ne fait pas dans la dentelle. La photographie de Poutine caressant un tigre n’a pas été prise lors d’une « chasse du tigre » (information qui, pour Astruc, visait à démontrer que ce chef d’État serait en gros un salaud, c’est l’idée). C’est même le contraire : Vladimir Poutine participait alors à un programme national de préservation et de sauvegarde des tigres en Sibérie. Le niveau du fake n’est pas anodin : il y a une très grande différence entre un homme assassinant des tigres et un homme protégeant des tigres. Poutine entre ici dans la seconde catégorie, dans la réalité ; mais pour le téléspectateur de France 2 il entrerait dans la première… Tout aussi grave : la photographie date de 2008. Dans un reportage lié à l’actualité immédiate, cela étonne et oblige à s’interroger sur le côté volontaire de cette fake news. Qui peut imaginer qu’une journaliste aussi chevronnée que Valérie Astruc, dans un média aussi officiel et financé que France 2, disposant de moyens d’une très grande importance, n’a pas vérifié ses informations, fait son travail en somme : vérifier ses sources, à commencer par la date du document utilisé ? Difficile de croire à l’erreur. Cette partie du reportage a tout de la malveillance et, pire, dans un média officiel d’un pays démocratique, de la propagande politique.
Notons que le lièvre a été levé par… Russia Today France, ce même média qui focalise l’attention du président Macron et des journalistes des médias officiels voulant légiférer contre les fake news. Ubuesque ? Autrement dit, si ce média russe en France n’existait pas, les fausses informations diffusées par les médias officiels français au sujet de Poutine passeraient comme une lettre à la poste. D’aucuns pourraient en déduire l’importance des médias alternatifs en démocratie.
Notons aussi que le 13 août 2018 France 2 signale qu’il s’agissait d’une « erreur involontaire ». C’est ainsi : les fake news des médias régimistes sont des « erreurs » sans gravité, tandis que les informations des médias alternatifs auraient vocation à être sous le coup d’une loi contre les informations supposées frauduleuses. Au fond, France 2 a raison : « avec Poutine la propagande ne prend (en effet) jamais de congés ». Celle de France 2 en tout cas. Un détail : Valérie Astruc serait, selon sa page Twitter, « chef adjoint du service politique de France 2 ».
Le JT du 20 heures de France 2 peut être visionné ici.